Crise du crédit, synonyme de crise ICT?
En raison de l’actuelle crise du crédit, c’est toute l’économie qui se met rapidement à battre de l’aile. Et le secteur ICT n’échappera pas non plus aux conséquences de la récession qui va tout submerger.
En raison de l’actuelle crise du crédit, c’est toute l’économie qui se met rapidement à battre de l’aile. Et le secteur ICT n’échappera pas non plus aux conséquences de la récession qui va tout submerger.
Pour garder la tête hors de l’eau, nombre d’entreprises vont effectuer des coupes sombres dans leur budget. Il est évident que les investissements dans l’informatisation et la numérisation vont également en pâtir. Des chiffres publiés par Forrester pour 2008, il appert que 30% des entreprises européennes dépensent moins que l’an dernier dans l’ICT. Et pour 2009, les analystes de Gartner réduisent leur prévision de croissance mondiale initiale des budgets IT de 5,8 à un maigre 2,3%. Ces moyens assez limités susciteront assurément dans beaucoup d’entreprises une retenue au niveau des investissements dans les projets ICT non fondamentaux et à long terme. Il ne sera pas rare que les investissements dans l’optimisation de logiciels, la gestion de serveurs, voire dans des opérations de rénovation de matériel non essentielles par exemple seront reportés sine die. Pour contrer le besoin moindre en nouveau matériel et pour maintenir à niveau le chiffre d’affaires, il est donc probable que les fabricants de hardware concèdent de jolies ristournes.
Mais il est clair qu’une répétition du crash dotcom de 2001 n’est pas à l’ordre du jour. L’éclatement de la bulle internet en 2001 a épuré la branche et l’a fortifiée. Depuis lors, le secteur IT a évolué pour devenir une branche industrielle mature à part entière, étroitement imbriquée dans l’économie mondiale. On peut donc s’attendre à ce que la crise actuelle ne touche le secteur ICT que de manière assez restreinte. Qui plus est, quelques opportunités spécifiques pourraient même se présenter et compenser plus que largement les inconvénients envisagés au niveau sectoriel.
La dégradation du marché accroît la pression sur les entreprises à produire plus efficacement. Outre les mesures évidentes, telles que se serrer davantage la ceinture et réduire les coûts de différentes manières, les investissements augmentant l’efficience (comprenez les investissements ICT) sont également une façon de réagir à cette pression. Les gains de performances et les économies connexes à atteindre avec toutes sortes d’applications ICT sont encore loin d’être épuisés dans nombre d’organisations. Pour les entreprises opérant sur le fil du rasoir, il est dès lors crucial de continuer à investir dans la technologie, afin de ne pas gaspiller leur précieux avantage compétitif et de conserver leur part de marché durement acquise. Rénover ou disparaître, tel est le message!
Il faut aussi s’attendre à ce que l’actuelle situation du marché confirme et renforce les tendances à l’externalisation et à l’offshoring, réductrices de coûts, existantes et faisant fureur. De même le principe de l’informatique verte non encore pleinement implanté, qui avait été stimulé dès avant la crise par les prix énergétiques élevés et dans une moindre mesure par le réchauffement climatique, se profile toujours plus nettement comme une piste intéressante pour les entreprises. Les réductions de coûts possibles allant de pair avec une exploitation plus délibérée de l’infrastructure ICT, ainsi qu’avec une utilisation et une consommation plus économique de celle-ci, peuvent aussi représenter un solide stimulant pour cette initiative inspirée à l’origine par l’idéalisme écologiste.
Les caractéristiques particulières de la crise actuelle généreront en outre également quelques besoins spécifiques, auxquels l’ICT pourra répondre. La menace d’écroulement du système financier a attisé davantage encore la nécessité de mesures de régulation du marché. L’extension et l’affinement imminents de la réglementation dans le secteur des banques et des assurances, à l’instar des accords Bâle II et Solvency II, vont créer le besoin d’une nouvelle mise en conformité ICT pour répondre aux exigences plus strictes et complexes qui se poseront aux marchés financiers. Mais il ne fait pas de doute que nombre d’institutions financières n’attendront pas ces nouvelles réglementations pour opérer.
Malgré, mais plus précisément à cause des conditions actuelles difficiles, l’on assistera certainement à d’importants investissements dans des outils plus étendus et performants en gestion des risques, des performances et de la profitabilité. Evidemment en vue de mieux maîtriser à l’avenir ces facteurs qui sont à la base de la crise actuelle. Une meilleure maîtrise est possible à la fois par une collecte, par un traitement et par un transfert d’informations plus étoffées et plus correctes. Tout cela pour mieux modéliser et évaluer les risques pris et éviter les catastrophes comme celle qu’on connaît aujourd’hui.De plus, les nombreux rachats et fusions, qui ont lieu actuellement souvent par la force des choses et sans beaucoup de préparatifs, imposent de nouveaux défis. D’importants rachats dans le secteur bancaire, comme très récemment Fortis par BNP Paribas et HBOS par Lloyds TSB en Grande-Bretagne, engendrent le besoin spécifique et aigu d’une intégration de réseaux et de systèmes à une très grande échelle.
Il n’est pas possible de prévoir exactement comment évoluera l’ouragan. Il est certain que la crise du crédit fera beaucoup de victimes, y compris dans la branche ICT. Mais en ce qui concerne le secteur ICT en tant que tel, les opportunités semblent plus grandes que les craintes.
Bart Baesens professeur en informatique de gestion (Faculté Economie et Sciences de gestion) à la KU Leuven.
Wouter Verbeke est chercheur doctorant en informatique de gestion à la KU Leuven.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici