Qu’est-ce que le métavers et pourquoi Mark Zuckerberg en veut un?
Le grand patron de Facebook envisage le futur de son entreprise dans le ‘metaverse’ (en français métavers qui est la contraction de méta-univers). Voilà ce qu’il a expliqué ces derniers jours et semaines aux actionnaires et collaborateurs. Mais qu’est-ce que le métavers en fait et qu’y voit Mark Zuckerberg?
Pour le trimestre écoulé, Facebook a de nouveau présenté de solides chiffres de croissance. L’entreprise, qui fait aujourd’hui l’objet d’enquêtes par un grand nombre d’autorités pour non-respect de la vie privée, constitution de monopole ou désinformation – vous avez l’embarras du choix! – n’en a cure et continue d’engranger de l’argent, surtout maintenant que le marché publicitaire reprend des couleurs après la pandémie du corona.
Mais ce qui est encore plus passionnant – pour nous – lors d’entretiens menés avec des analystes et des actionnaires, ce fut la déclaration de Mark Zuckerberg qui veut faire à l’avenir de Facebook un ‘metaverse’. Ce terme avait précédemment déjà été prononcé, entre autres lors d’une conversation de Zuckerberg avec son personnel fin juin.
‘Metaverse’?
Le terme ‘metaverse’ est initialement apparu dans le monde de la science-fiction, plus précisément dans un roman de 1992, à savoir ‘Snow Crash’ de Neal Stephenson. Il représente, comme nous l’avions déjà écrit, une sorte de version alternative de la réalité. Un monde numérique qui, via les réalités virtuelle et augmentée, vient se superposer à notre réalité physique. Dans cette réalité numérique, les réalités physique et augmentée sont regroupées et proposées par l’intermédiaire d’une plate-forme en ligne.
Pour Zuckerberg, qui est occupé depuis quelque temps déjà à intégrer ses différentes applis (WhatsApp, Instagram et Facebook) et produit hardware (Oculus), ce type de métavers représente la prochaine étape logique, une expérience centralisée où les produits Facebook notamment seront regroupés autour de communautés, créateurs, commerce et réalité virtuelle.
Tous ensemble
Dans le but peut-être de précéder les esprits critiques, Zuckerberg insiste dans un entretien avec le site technologique The Verge sur le fait que Facebook ne sera pas la seule entreprise à se retrouver dans le métavers ‘On peut le considérer comme un successeur de l’internet mobile’, déclare-t-il. Ce faisant, plusieurs entreprises contribueraient de préférence de manière interopérable à ce monde, afin qu’on puisse passer d’un endroit à un autre. Il ne faudrait du reste pas toujours porter des lunettes VR pour y pénétrer. C’est ainsi qu’on pourrait se connecter avec un smartphone pour y suivre un concert, et voir en 2D ce que d’autres amateurs de concert ressentent en 3D.
Et ce, même si la réalité virtuelle aura aussi un rôle à jouer, selon lui. ‘Nous réglons pas mal de choses de notre vie et de notre communication via notre smartphone. Je ne pense pas que les gens soient faits pour interagir ainsi. Dans de nombreuses réunions que nous tenons aujourd’hui, on se trouve devant une grille avec des visages. Ce n’est pas non plus la façon dont nous traitons l’information. Nous sommes habitués à être assis dans un local avec des gens et à avoir une sorte de sensation partagée de l’espace’, explique Zuckerberg à The Verge. Ce genre de monde numérique est donc entièrement vivable en 3D.
Toujours cette pandémie
Le timing de la vision est en soi déjà intéressant. L’idée d’encore élargir l’horizon de Facebook ne plaira assurément pas à certains régulateurs, mais on ne peut nier que la pandémie a ramené l’idée d’un métavers à l’avant-plan. Durant le confinement, on vit se manifester un tas d’alternatives au contact physique, non seulement dans Zoom et consorts, mais aussi dans des mondes virtuels donnant parfois une impression quelque peu plus naturelle. Pensons ici par exemple à la popularité d’Animal Crossing: New Horizons, dont les îles idylliques étaient utilisées par les joueurs pour des balades entre amis. Fortnite est un autre exemple important. Ce jeu populaire, initialement un jeu de combat, s’est ces derniers mois toujours plus mué en un lieu de rencontres sociales, à un point tel que de grands noms de la pop y tiennent aujourd’hui des concerts virtuels.
Il n’a pas échappé non plus à Zuckerberg qu’il peut être utile de trouver des alternatives aux réunions sociales. Il voit son métavers entre autres comme une solution pour les travailleurs à domicile habitant loin de la ville, ou pour les élèves qui habitent dans des endroits moins favorisés sur le plan de l’enseignement et des loisirs. Il le compare lui-même à une sorte d’alternative à la téléportation, permettant d’amener rapidement quelqu’un à proximité.
L’économie de l’attention
Le degré d’attirance de cette idée dépend majoritairement de votre confiance dans la technologie et de la quantité de films de science-fiction dystopiques (désespérants) que vous avez déjà vus au cours de votre vie. Lors de mes recherches, j’ai moi-même eu du mal à sortir de mon esprit l’image, qui passe quelque part au début du premier film Matrix, de rangées de personnes qui sont branchées en permanence dans une réalité virtuelle. Vient s’y ajouter le fait qu’il ne s’agit en soi pas vraiment d’un changement de stratégie pour Zuckerberg. Facebook veut depuis assez longtemps déjà être tout votre monde en ligne: votre page d’accueil par laquelle vous recherchez des amis, lisez des nouvelles, jouez à des jeux et faites du shopping en ligne. Plus vous consacrez de temps sur Facebook, mieux c’est pour l’entreprise. En termes d”économie de l’attention’, ce type de métavers représente donc un point d’orgue pour les spécialistes du marketing.
D’autre part, ces mondes numériques jouent un rôle toujours plus important. Et nous ne pensons ici pas uniquement aux problèmes liés au corona, mais aussi au fait que le monde s’est réduit et que beaucoup d’entre nous ont des amis à l’international qui ne peuvent pas simplement passer un samedi soir pour boire un verre ou manger une pizza. Si à un tel moment, il existe une alternative plus agréable que le clavardage (‘chat’), pourquoi ne la saisirions-nous pas?
Le problème Facebook
Il reste enfin encore une question importante à se poser: avons-nous suffisamment confiance en Facebook pour agir ainsi? L’entreprise est aux prises, souvent à juste titre, avec des problèmes de réputation. Cela lui a précédemment déjà joué de mauvais tours lors de l’introduction du Libra, cette monnaie numérique qui devait être émise par Facebook, parce que les régulateurs ne voulaient pas lui confier l’argent des gens. Quel est alors le degré de chance qu’ils acceptent de confier la réalité à cette entreprise?
Par ces temps de désinformation et de censure, il est très important de tirer les choses au clair. Or il s’agit là d’un équilibre auquel est confrontée Facebook même. Les gens qui passent une demi-heure à une heure par jour sur Facebook, se plongeraient pour leur travail quelques heures dans ce monde. Quelles informations y auraient-ils à traiter, et qui va le déterminer?
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