Preuve d’enjeu: la chaîne de blocs peut-elle devenir plus verte?
Le 19 septembre, Ethereum, l’une des grandes chaînes de blocs de contrats intelligents, adoptera une nouvelle façon de sceller les actions. La plate-forme passera en effet du mode ‘proof-of-work’ (preuve de travail) à celui de ‘proof-of-stake’ (preuve d’enjeu ou de participation). Explication.
Les chaînes de blocs (‘blockchains’) peuvent fonctionner de différentes manières, qui ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. La plus connue est probablement la ‘proof-of-work’, mais c’est aussi la plus lourde à faire tourner.
Qu’est-ce que la ‘proof-of-work’?
Les chaînes de blocs, sur lesquelles tournent les monnaies et les contrats tels l’ethereum et le bitcoin, sont en principe simplement des bases de données partagées. Pour y insérer une certaine forme de sécurité, le système actuel recourt à une série de calculs complexes. Ceux-ci doivent à chaque fois valider et enregistrer une série de transactions (un bloc), après quoi cette nouvelle information est transmise à tout un chacun. L’idée sous-jacente est que les gens qui effectuent le travail et qui offrent donc de la puissance informatique à la chaîne de blocs, reçoivent aussi le pouvoir de décision.
Cerise sur le gâteau: ces ‘mineurs’ obtiennent une récompense sous la forme d’un fragment de bitcoin, d’ethereum ou de ce qui est extrait. Cela a bien vite généré des mineurs professionnels qui utilisent une batterie de hardware pour effectuer des calculs pour les crypto-monnaies et empocher ainsi de l’argent virtuel.
Quel est le problème?
En résumé, la preuve de travail consomme de l’énergie. Le système s’articule autour de calculs qui s’avèrent très compliqués pour les ordinateurs, ce qui fait qu’ils nécessitent une importante puissance de calcul. Il a en outre été inventé il y a des années et n’est ni évolutif ni adapté à l’échelle actuelle sur laquelle opèrent les chaînes de blocs. La banque centrale néerlandaise a déterminé en janvier qu’une seule transaction correspond à deux tiers d’émissions mensuelles d’une famille néerlandaise moyenne. Ethereum en tant que chaîne de blocs émettrait aujourd’hui autant que toute la Belgique.
En ces temps de changement climatique et de carences énergétiques, il s’agit là d’un des principaux points de critique vis-à-vis de l’ensemble de la crypto-industrie. Et même pour tous ceux qui ne se soucient guère des critiques, les prix croissants de l’énergie en combinaison avec la baisse des crypto-cours représentent une autre source de frustration. Pour nombre de mineurs, l’extraction de crypto-monnaies ne s’avère plus rentable. Et s’il y a moins de mineurs pour valider les transactions, les paiements entre autres accusent du retard.
Passons alors à la preuve d’enjeu
La méthode vers laquelle Ethereum bascule maintenant s’appelle ‘proof-of-stake’ (preuve d’enjeu) et fonctionne avec des garanties. Les utilisateurs qui possèdent déjà des espèces, pourront en exploiter une certaine quantité pour valider des transactions. Quiconque saisira de fausses informations, sera passible d’une amende. Quiconque utilisera l’ether et le fera de bonne foi, pourra en gagner davantage en co-validant. Le grand avantage dans ce cas, c’est que cela consommerait 1.000 fois moins d’énergie que la preuve de travail (‘proof-of-work’). C’est l’une des raisons pour lesquelles les militants écologistes réclament un changement depuis quelque temps déjà.
L’inconvénient possible, c’est qu’il faudra souvent pas mal d’espèces pour servir de ‘validator’. Dans le cas d’ethereum, la mise minimale sera de 32 ethers, soit quelque 50.000 euros au cours actuel. Pour de nombreux systèmes monétaires, le rôle du ‘validator’ sera donc surtout réservé aux riches investisseurs, ce qui n’est pas vraiment conforme à l’image ‘d’un système décentralisé auquel tout le monde peut souscrire’. Le basculement pourrait en outre réduire le côté ‘flibustier’ d’Ethereum. Beaucoup des plus gros portefeuilles de crypto-monnaies se trouvent en effet dans des entreprises telles Coinbase, qui sont nettement plus sensibles à la législation qu’un crypto-détenteur anonyme.
Quelles seraient les effets d’un tel basculement?
On l’ignore encore vraiment, étant donné qu’Ethereum est la première grande chaîne de blocs à basculer. Il existe certes déjà des chaînes de blocs qui utilisent cette ‘proof-of-stake’ ou d’autres méthodes similaires, dont la plus connue est probablement Solana. Mais passer d’une méthode à une autre, c’est assez nouveau. The Merge, comme Ethereum qualifie l’opéra tion, va notamment mettre beaucoup de mineurs au chômage et nécessitera une reconfiguration complète du réseau et de la base de données distribuée chez des milliers d’utilisateurs. Il ne pourra en outre pas y avoir de temps d’arrêt (‘downtime’) sur le système. L’organisation à l’initiative de la chaîne de blocs est du reste en train d’effectuer le changement depuis des années déjà, mais en a postposé la date-butoir à plusieurs reprises.
D’autres chaînes de blocs vont-elles suivre?
Même si Ethereum mène son projet à bien, il n’est pas certain que tout le monde suivra. Chaque chaîne de blocs possède sa culture propre, et Ethereum est l’une des plus importantes à se préoccuper de l’environnement. Cela est dû en partie parce que son fondateur, Vitalik Buterin, y est occupé depuis des années déjà. L’ambiance sur la chaîne de blocs Bitcoin, l’autre gigantesque consommateur d’énergie, s’oppose par contre actuellement au changement, ce qui fait que ce n’est pas à l’ordre du jour. Une partie des milliers de chaînes de blocs plus modestes pourrait suivre le mouvement. Nombre des chaînes de blocs plus récentes ont depuis assez longtemps déjà délaissé le principe ‘proof-of-work’ ou ont été créées en tant qu’alternatives écologiques.
Vais-je à nouveau pouvoir acheter une carte graphique?
La preuve d’enjeu a déjà incité un tas de crypto-extracteurs à rechercher une autre source de revenus. Cela peut aussi avoir des effets sur le marché du hardware.
Les GPU, qui ont été conçus pour effectuer de grandes quantités d’opérations pour les jeux vidéo et les applications graphiques sur un PC, comptent parmi les matériels d’extraction de crypto-monnaies les plus abordables. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles le marché de ces cartes a surchauffé ces dernières année et qu’il était particulièrement malaisé pour un joueur ordinaire de trouver encore ce genre de carte. L’année dernière, Nvidia a même été jusqu’à adapter ses GPU pour les rendre moins performants pour l’extraction de l’Ethereum, et ce, dans l’espoir d’en fournir un certain nombre au véritable public-cible.
Par souci de clarté, sachez que ce marché est dès à présent en train de se stabiliser, du fait que le faible cours de nombreuses crypto-monnaies et les prix énergétiques élevés rendent l’extraction des monnaies moins lucrative. Si davantage de chaînes de blocs adoptent la nouvelle méthode, il y aura en outre tant de mineurs au chômage que la marché des GPU pourrait même revenir à la normale.
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