Analyse | Arrière-plan

Microsoft conclut des accords avec Nintendo et Nvidia pour rendre le rachat d’Activision acceptable

Els Bellens

Le directeur de Microsoft, Brad Smith, était à Bruxelles hier mardi pour convaincre la Commission européenne d’approuver le rachat du développeur et de l’éditeur de jeux vidéo Activision Blizzard par Microsoft. Il évoqua à cette occasion plusieurs accords pour étayer ses arguments.

Il y a un peu plus d’un an, Microsoft annonçait son intention de racheter Activision Blizzard pour 68,7 milliards de dollars. Si cette transaction se réalisait, ce serait le plus important rachat dans l’histoire du géant technologique, qui lui permettrait de mettre la main sur l’un des éditeurs de jeux vidéo les plus connus au monde. Dans son écurie, Activision Blizzard King (ABK) possède entre autres les jeux populaires ‘Call of Duty’ et ‘Overwatch’, de même que ‘Candy Crush’ et toute une série d’autres jeux mobiles à succès.

Comme Microsoft exploite également sa propre plate-forme de jeux avec la console Xbox et qu’elle dispose d’un service de diffusion de jeux (Xbox Cloud), ce rachat fut d’emblée considéré avec circonspection par les régulateurs du monde entier. La Commission européenne notamment se montra préoccupée par la possibilité que la concurrence dans le secteur des jeux soit ainsi nettement restreinte. Elle entama par conséquent une enquête qui devrait s’achever le 11 avril.

Dans un entretien à huis clos, Brad Smith, Vice Chairman & President chez Microsoft, s’est donc adressé à la Commission. Des représentants de Google et de Sony notamment ont également été entendus le même jour. Sony est l’un des principaux opposants au rachat, parce que cette entreprise, qui produit les consoles de jeu PlayStation, craint de faire son deuil de quelques jeux importants à l’avenir. Microsoft pourrait par exemple décider de ne pas sortir certains jeux populaires sur PlayStation. Pas du tout, selon Brad Smith qui s’est exprimé lors d’une conférence de presse organisée à Bruxelles, à laquelle Data News assistait. ‘Nous n’allons pas dépenser de grosses sommes d’argent pour rendre des titres comme Call of Duty plus malaisément accessibles’, a affirmé Smith. ‘Nous ne voulons pas y perdre des plumes, mais nous souhaitons au contraire avec ce rachat commercialiser davantage de jeux.’

Un argument de Microsoft est précisément d’ouvrir les jeux à différentes plates-formes. Comme pour étayer ses dires, Smith a dévoilé des accords qu’il a conclus avec d’autres entreprises. Microsoft s’est entre autres mis d’accord avec Nintendo pour faire tourner pendant dix ans les jeux Xbox sur le console Switch. Au cas où le rachat d’Activision Blizzard King se ferait, une série de jeux d’ABK viendrait s’y ajouter, dont probablement des titres tels ‘Call of Duty’. Un accord avec Sony avait été également proposé en décembre dernier, mais le géant technologique japonais adopte provisoirement une position d’attente.

Ce qui est étonnant, c’est que Microsoft a hier mardi aussi conclu un accord avec Nvidia. Cette firme, surtout connue pour ses cartes graphiques, est sur le plan des jeux dans le nuage un concurrent du service de diffusion de jeux de Microsoft. ‘Dès à présent, Microsoft va porter ses jeux Xbox dans le service de streaming dans le nuage Nvidia Geforce Now. Si le rachat est approuvé, les titres d’ABK suivront le même chemin. Ce faisant, nous répondons à toute une série de questions que se posent les régulateurs’, a expliqué Brad Smith.

Quel sera le marché des jeux pris en considération?

Autre argument brandi par Microsoft devant la Commission: la Xbox se vend moins bien que la PlayStation. En Europe, quelque quatre-vingts pour cent des consoles de jeu de la ‘prochaine génération’ sont vendues par Sony, contre 20 pour cent de Xbox. Cela donne à penser que Microsoft passe ici au second plan, mais ces statistiques ne tiennent pas compte ni des autres consoles, comme la Nintendo Switch, ni des jeux pour PC, du ‘cloud streaming’ ou des jeux mobiles. Or le rachat d’ABK offrirait à un géant tel Microsoft un contrôle renforcé sur le contenu pour plates-formes telles que les services de streaming et les PC, des plates-formes pour lesquelles Sony n’a pas directement voix au chapitre.

Reste à savoir si Microsoft trouvera un écho pour ses arguments. En d’autres mots, la Commission européenne prendra-t-elle en considération le marché spécifique des consoles ‘next gen’ ou plutôt un marché des jeux plus ample constitué de diverses plates-formes. L’audition de mardi s’est déroulée deux semaines, après que le régulateur britannique de la concurrence CMA a rendu les conclusions provisoires de son enquête approfondie. Le régulateur a jugé que le rachat pourrait générer une hausse des prix et une réduction de l’offre pour les joueurs britanniques. En décembre, l’autorité américaine en charge de la concurrence FTC avait déjà entamé une procédure juridique en vue de bloquer l’accord. ‘Je suis optimiste’, a conclu Smith à Bruxelles. ‘Nous avons démontré que nous sommes prêts à conclure des accords et à effectuer des ajustements.’

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