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Epic Games joue gros dans le procès qui l’oppose à Apple

Els Bellens

L’éditeur de jeux Epic Games souhaite que la Justice américaine interdise à Apple de prendre des contre-mesures suite à un litige qui les oppose en matière de paiement. Apple menacerait de supprimer le compte développeurs de l’entreprise, ce qui impacterait gravement l’Unreal Engine.

Epic Games demande au tribunal qu’il contraigne Apple à réintroduire le jeu populaire Fortnite dans l’App Store, après son éviction la semaine dernière. Dans le cadre de cette affaire, Epic Games demande aussi que le juge interdise à Apple de prendre d’autres mesures de rétorsion. L’éditeur de jeux déclare en effet qu’Apple menace de supprimer son compte développeurs, ainsi que les versions déjà téléchargées de Fortnite des appareils tournant sur iOS.

Si tel était le cas, cela aurait des effets très sérieux. Epic est en effet le développeur de l’Unreal Engine, le logiciel utilisé dans une importante série de jeux vidéo, dont beaucoup d’applis iOS. Si le compte développeurs Epic pour iOS est annulé, l’entreprise ne pourrait plus fournir de support pour ce moteur avec toutes les conséquences que cela suppose pour des centaines de développeurs d’applis.

Selon l’éditeur de Fortnite, une décision provisoire du juge s’avère nécessaire, parce qu’à défaut, Epic pourrait subir des dommages irréversibles. Par ailleurs, selon Epic, l’entreprise pourrait se voir donner raison dans un autre procès, par lequel elle accuse Apple d’abus de position dominante sur le marché.

Il s’agit là en tout cas d’une nouvelle étape dans un long litige opposant les deux entreprises et portant en principe sur un système de paiement. Epic, qui engrange annuellement des milliards avec des achats ‘in-game’ dans le jeu incroyablement populaire Fortnite, a en effet déployé la semaine dernière un système de pièces dans ses applis mobiles. Cela lui permettrait d’éviter de verser la commission réclamée par Apple même (sur tous les paiements pour et dans les applis tournant sur iOS, trente pour cent tombent dans l’escarcelle d’Apple). Or ce système enfreint les règles en vigueur, ce qui fait que le jeu a été éjecté de l’App Store. Cela s’était passé du reste ainsi aussi dans le Play Store d’Android. Epic Games avait directement réagi en intentant un procès et en lançant une vidéo dans laquelle elle parodiait une publicité Apple bien connue des années 80, pour dépeindre cette fois Apple comme une dictature.

Et maintenant?

Il est clair qu’Epic Games entend combattre les commissions de la plate-forme sur de nombreux fronts. L’entreprise qui, précédemment déjà, avait sorti sa propre plate-forme de jeux en tant qu’alternative à Steam, estime que 30 pour cent de commission, c’est abusif, et elle ne veut donc pas s’en acquitter pour mettre son appli sur une plate-forme mobile. Elle a aussi les moyens financiers pour se battre juridiquement pendant quelques années.

Le fait qu’elle s’en prenne à présent surtout à Apple, indique peut-être que l’entreprise espère en arriver à un procès moins rigide en matière d’abus monopolistique qui l’oppose au géant technologique. Fortnite fut également exclu du Play Store d’Android, mais peut encore être téléchargé en recourant à d’autres solutions. Pour les utilisateurs iOS, il n’y a par contre pas d’alternative. La forte réaction d’Apple à propos du compte développeurs, qui pourrait impacter aussi d’autres logiciels de l’entreprise, semble être un autre argument jouant en faveur d’Epic. A cela vient s’ajouter le fait qu’Apple a à de multiples reprises déjà été ciblée en raison de la commission qu’elle réclame dans son App Store et des conditions qui y sont liées. La Commission européenne mène par exemple une enquête suite à une plainte déposée par le service de diffusion musicale Spotify. Facebook a elle aussi déjà fait savoir qu’elle en avait assez de cette politique de commissions.

Si Epic obtient gain de cause, cela pourrait avoir de sérieux effets sur l’industrie des jeux vidéo et de la technologie. Le concept de ce qu’on appelle en jargon un ‘walled garden’, où le créateur d’une plate-forme offre à d’autres développeurs un espace en échange d’un pourcentage sur les rentrées, est le fondement même de pas mal de produits matériels et logiciels. Il n’y a pas qu’Android et Apple qui fonctionnent ainsi pour leur système d’exploitation mobile, mais les consoles vidéo Xbox et PlayStation conçoivent elles aussi leur matériel dans l’idée de récupérer leurs investissements via les jeux vidéo vendus pour elles.

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