Un bateau sans équipage a franchi le pôle sud pour fournir des données aux climatologues

© Saildrone
Pieter Van Nuffel Journalist DataNews

Pour la première fois, un voilier sans équipage a navigué en Antarctique. Le bateau était parti à la mi-janvier de Bluff dans l’extrême sud de la Nouvelle-Zélande et est rentré à bon port samedi dernier. Ce robot marin a ramené tout un ensemble de données en vue d’offrir de nouveaux renseignements aux climatologues.

Des températures glaciales, des vents soufflant jusqu’à 130 kilomètres heure, des vagues de quinze mètres de hauteur et le risque permanent de heurter des icebergs: c’est dans ces conditions qu’un voilier sans équipage a effectué un périple de plus de 22.000 kilomètres. Le bateau de sept mètres de long n’a été propulsé que par le vent tout au long de sa route dans l’océan austral. Les instruments scientifiques embarqués ont, eux, fonctionné uniquement sur l’énergie solaire.

Le bateau a été construit par la jeune entreprise américaine Saildrone. En 2015 et 2017 déjà, Saildrone avait tenté d’envoyer des voiliers sans équipage au pôle sud, mais sans succès. La première version du bateau n’avait pu résister aux hautes vagues et aux vents violents, ce qui fait que les deux tentatives précédentes avaient été rapidement vouées à l’échec. Cette fois cependant, Saildrone a enfin mené son projet à bien: samedi, son bateau autonome est rentré intact à son port d’attache, Bluff, d’où il était parti 196 jours plus tôt. A présent que le nouveau concept semble paré pour survivre aussi longtemps dans les eaux polaires, la startup entend expédier à terme et en permanence toute une flottille en Antarctique.

Collecter des données pour la climatologie

Le bateau sans équipage était bourré de capteurs pour mesurer la température de l’air et de la mer, la pression atmosphérique, la hauteur des vagues, la vitesse et la direction du vent. Quant à la population de poissons, elle a été mesurée au moyen d’ondes acoustiques. Grâce à l’effet Doppler, il a été en outre possible de déterminer la vitesse des particules dans l’eau et par conséquent aussi des courants marins. Ces changements des courants marins vont sans doute de pair avec l’absorption du dioxyde de carbone (CO2) par l’océan austral, mais on ne sait pas encore clairement comment tout cela se passe.

Les climatologues estiment que plus de quarante pour cent de nos émissions de CO2 sont absorbés par l’océan austral. Le gaz à effet de serre se dissout dans les couches océaniques supérieures, avant d’être expédié dans les couches inférieures par des courants de convection. Ce faisant, l’océan agit comme une sorte de ‘puisard’ naturel de CO2.

L’année dernière, une nouvelle étude avait cependant démontré que ce ‘puisard’ était moins étendu qu’imaginé. Durant les mois d’hiver (entre juillet et septembre dans l’hémisphère sud), l’océan austral rejetterait quand même une partie du CO2 dans l’atmosphère. L’absorption estimée de CO2 serait donc de quelque 34 pour cent moindre, ce qui correspondrait à une émission d’1,4 milliard de tonnes de CO2 par an – quelque 140 fois l’émission totale de CO2 de la Belgique.

Selon les chercheurs, les mesures précédentes ont toutefois été faussées du fait qu’elles avaient surtout été effectuées durant les mois d’été. Peu de bateaux de recherche sans équipage ne bravent en effet les conditions inhospitalières de l’océan austral au cours de l’hiver.

Saildrone a réussi à présent à combler cette lacune. Le bateau sans équipage a permis pour la première fois d’effectuer des mesures dans toutes les zones et par toutes saisons. Les nouvelles données pourraient avoir un impact important sur les modèles climatiques. Toutes les informations océanographiques et météorologiques collectées par le voilier seront désormais mises gratuitement à la disposition de chercheurs dans le monde entier.

Un bateau sans équipage a franchi le pôle sud.
Un bateau sans équipage a franchi le pôle sud.© Saildrone

Sans équipage, mais pas (complètement) autonome

La semaine dernière, des ingénieurs belges avaient également mis un bateau sans équipage à la mer, dans le but d’être les premiers à franchir ainsi l’Océan Atlantique. Le bateau chavira cependant au bout de trois cents kilomètres dans une eau démontée, et la tentative s’avéra donc être un échec. Plusieurs autres équipes ont précédemment relevé le même défi. En vain jusqu’ici: certains bateaux autonomes n’ont pas atteint la bonne destination, alors que d’autres se sont englués dans des filets de pêche, voire disparurent complètement.

Une jeune entreprise norvégienne, Offshore Sensing, réussit l’année dernière à faire traverser l’océan par son bateau sans équipage, mais à strictement parler, il ne s’agissait pas d’un bateau ‘autonome’. Le Microtransat Challenge, créé en 2010 déjà, établit en effet une différence entre les bateaux ‘sans équipage’ et ‘autonomes’. Pour ce qui est de la seconde catégorie, il est interdit d’envoyer des signaux susceptibles de faire changer le bateau de cap. Le bateau a uniquement le droit de faire appel à des données disponibles publiquement, comme les prévisions météo, les emplacements des icebergs et la position d’autres navires, après quoi le bateau autonome doit déterminer entièrement son cap par lui-même. Le fait que les ingénieurs belges et leurs prédécesseurs s’y soient cassé les dents, démontre bien que la navigation entièrement autonome n’est pas encore vraiment au point.

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