Quel est l’impact d’une pandémie sur le secteur technologique?

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Els Bellens

Comment l’industrie se porte-t-elle? Après quelques semaines de confinement international, nous avons voulu prendre sa température.

Alors que les chroniqueurs de tous poils se fendent en litanies sur ce nouveau monde, dans lequel on accorde davantage d’attention aux communications vidéo en ligne, aux logiciels collaboratifs, mais aussi au respect de la vie privée (au diable tous ces espaces de vie ouverts dans lesquels tous les membres de la famille se marchent mutuellement sur les pieds toute la journée durant!), on observe qu’il n’y a pas de changement important dans la façon dont nous utilisons la technologie.

Il est un peu tôt pour fournir un aperçu complet de la situation, mais suite au covid-19, les jeunes pousses et entreprises suivantes sont entre-temps déjà soit passées de vie à trépas, soit ont enregistré une hausse de leur valeur marchande.

Visioconférence et diffusion

Les grands vainqueurs – si on peut les appeler ainsi en temps de pandémie – sont peut-être bien les firmes de visioconférence. La petite entreprise Zoom, jusqu’à l’année dernière encore relativement inconnue, est désormais tout à coup omniprésente avec sa promesse de visioconférences gratuites et d’abonnements pour communications de groupe massives. Et ce, malgré le fait que l’entreprise n’a pas encore totalement obturé sa porte dérobée, ce qui implique de possibles risques de confidentialité. Cela va même si bien pour l’entreprise que le SEC, le contrôleur boursier new yorkais, a suspendu le cours de l’action ZOOM. Cette action est en effet celle de Zoom Technologies, une petite entreprise qui fabrique des composants électroniques et des jeux vidéo, et pas le logiciel vidéo largement utilisé. La valeur de Zoom Technologies a, suite à l’intervention de quelques investisseurs confus, grimpé de 3 dollars en février à 20,9 dollars à présent, soit une croissance de 700 pour cent. Quant à l’action de la Zoom Video Communications (la vraie donc), elle a progressé de 30 pour cent. La jeune pousse vidéo est entrée à la bourse l’année dernière et y fait bonne figure malgré des crashs boursiers et des journées de perte.

Il en est du reste de même pour les services de streaming Netflix, Hulu et Disney. Les personnes confinées doivent bien passer le temps et optent donc pour la diffusion en ligne. Netflix a déjà révélé que ses abonnements ont la cote. Le service a, tout comme YouTube, dû cependant revoir à la baisse sa qualité de streaming, afin d’économiser de la bande passante dans de grandes parties de l’Europe.

Capital risque

Start it @KBC a tenu cette année sa ‘pitch battle’ de manière entièrement numérique et parle d’un succès. L’incubateur a pris sous son aile 65 nouvelles startups. Pour un tas d’autres starters par contre, le chemin s’avère difficile. La bourse reste en effet particulièrement instable, ce qui fait que ce sont des temps incertains pour investir de l’argent. Les phases d’investissement sont postposées, et les importants injecteurs de capitaux préfèrent encore patienter, tout au moins jusqu’à ce qu’ils sachent combien de temps nous allons demeurer tous confinés.

Cela se remarque chez toute une série de petites entreprises qui ont déjà jeté l’éponge. OneWeb, l’entreprise aéronautique qui voulait fournir l’internet au niveau mondial avec un réseau de satellites, a par exemple fait aveu de faillite cette semaine. L’entreprise n’a pas réussi à s’attirer de nouveaux investissements et signale que la crise actuelle et les marchés instables en sont responsables. Quasiment 500 personnes perdent ainsi leur emploi. Il y a un grand risque que d’autres firmes, qui connaissent une position précaire similaire, suivent.

Mais la crise n’épargne pas non plus les grandes sociétés. L’actuelle pandémie a déjà trouvé sa voie dans leurs rapports annuels qui tentent d’être prudents. Des firmes telles Dell, qui pour leur matériel sont dépendantes de toute une chaîne d’approvisionnement passant par divers pays, informent leurs investisseurs que les pandémies sont désormais l’un des risques avec lequel elles tiendront compte, au même titre que les catastrophes naturelles, telles les inondations, sècheresses et autres feux de forêt.

L’économie du partage et du voyage

Le fait que tous les déplacements ‘non essentiels’ soient à présent interdits, se remarque aux embouteillages devenus inexistants sur les routes et à l’amélioration de la qualité de l’air. Cela a cependant aussi des effets pour les entreprises spécialisées dans le transport de personnes.

Il y a deux semaines déjà, Uber et Lime ont retiré des rues bruxelloises tous leurs appareils à partager. C’est ainsi que les vélos d’Uber Jump et les scooters électriques de Lime ont disparu du paysage urbain par mesure de précaution. Et cela ne touche pas que Bruxelles, car tel est le cas aussi dans toute l’Europe, l’Asie orientale et les Etats-Unis.

Il en résulte que Lime envisage de licencier une partie de son personnel. Aux Etats-Unis, Bird, une firme similaire qui fabrique aussi des scooters électriques à partager, a déjà licencié un tiers de son personnel, à savoir 406 collaborateurs sur les 1.387. Tout comme OneWeb, l’entreprise allait organiser une nouvelle phase d’investissement pour se maintenir en vie. Et comme on le voit à présent aussi, l’entreprise s’est débarrassée de son personnel au moyen d’un appel vidéo Zoom.

TripActions, une jeune pousse ‘unicorn’ (valorisée à plus d’un milliard de dollars) spécialisée en voyages d’affaires, a elle aussi mis à la porte un quart de son personnel par visioconférence. Il s’agirait de quelque 300 collaborateurs. TripActions venait de terminer une phase de financement, mais se voit à présent contrainte de continuer de s’en sortir avec l’argent ainsi récolté.

Le service de taxi Lyft envoie ses chauffeurs postuler chez Amazon, car ils ont encore à peine du travail. Pour couronner le tout, Lyft propose donc qu’ils se mettent temporairement au service du département d’expédition des colis d’Amazon. Il est vrai que le géant de vente au détail est considéré aux Etats-Unis comme ‘essentiel’ et engage du personnel supplémentaire.

Hardware

Quelques géants technologiques tentent à leur tour de se faire aussi qualifier d”essentiels’ pour pouvoir continuer de produire. La Semiconductor Industry Association (SIA) a ainsi cette semaine demandé au gouvernement américain d’agir dans ce sens. AMD, Intel, Broadcom, IBM et Qualcomm notamment sont membres de la SIA. Tant Intel qu’AMD ont déjà annoncé qu’ils ne s’attendent quasiment pas à connaitre des problèmes de livraison à cause de la propagation du covid-19, ce qui est quelque peu surprenant de la part d’entreprises qui, pour leur hardware, dépendent de toute une chaîne d’approvisionnement transitant par plusieurs pays. Dans son rapport annuel à l’attention des investisseurs, Dell a déjà mentionné qu’elle tiendrait compte dorénavant des pandémies, tout comme des catastrophes naturelles telles des inondations, sécheresses et feux de forêt.

Chez d’autres constructeurs, tels Tesla, les choses se présentent de manière un peu différente. Le constructeur automobile possède plusieurs grandes usines dans le monde et avait précédemment déjà dû fermer temporairement ce qu’on appelle une ‘Gigafactory’ en Chine. A présent qu’au Nevada, un employé a été contaminé par le covid-19, la production de cette usine a été réduite de 75 pour cent. Une autre usine de Tesla située à New York a, elle, été forcée de fabriquer des respirateurs en collaboration avec une entreprise médicale appelée Medtronic.

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