Qu’est-ce qui change avec le Digital Markets Act?
C’est aujourd’hui qu’une des lois technologiques européennes les plus imposantes entre en vigueur. Qu’est-ce que cela signifie pour les consommateurs et pour les entreprises qui y sont soumis?
Le Digital Markets Act (DMA), la loi sur les marchés numériques en français, cible les VLOP (very large online platforms ou très grandes plates-formes en ligne) ou les VLOSE (very large online search engines ou très grands moteurs de recherche en ligne). Une façon européenne de définir la big tech. En pratique, cela signifie des services comptant plus de 45 millions d’utilisateurs mensuels.
Qui est couvert par le DMA ?
Les acteurs suivants sont les principales plates-formes en ligne selon l’Europe.
- Alibaba AliExpress
- Amazon Store
- Apple AppStore
- Booking.com
- Google Play
- Google Maps
- Google Shopping
- Snapchat
- TikTok
- Twitter (X)
- Wikipedia
- YouTube
- Zalando
Bing et Google Search y sont également inclus en tant que très grands moteurs de recherche.
À la fin de l’année dernière, la Commission européenne y a aussi ajouté les plates-formes pornographiques Pornhub, Stripchat et XVideos. Même si peu d’utilisateurs en parlent ouvertement, ces plates-formes comptent néanmoins plus de 45 millions d’utilisateurs actifs.
L’Europe compte chaque service séparément. En pratique, cela concerne donc un peu moins d’entreprises. C’est ainsi qu’Instagram et Facebook appartiennent à Meta et que YouTube, Google Search, Play, Maps et Shopping appartiennent à Alphabet.
Que doivent-elles faire?
À partir d’aujourd’hui, les entreprises ci-dessus doivent gérer leurs plates-formes de manière plus active et donner aux utilisateurs une plus grande liberté de choix. Cela signifie, entre autres, que les publicités doivent être labellisées avec des informations sur les personnes/firmes qui en font la promotion. C’est là un travail ardu pour Meta où les publicités menant à des sites de nouvelles contrefaits ou à des escroqueries en matière de cryptomonnaies (promus faussement ou non par un visage connu) apparaissent quotidiennement. Les publicités doivent également être placées dans une base de données pour une éventuelle enquête plus approfondie.
Les conditions d’utilisation doivent également être disponibles de manière aisément compréhensible dans les langues des états membres où ils opèrent. Parallèlement, les utilisateurs doivent être informés de la manière dont les choses sont recommandées et doivent pouvoir se désinscrire.
Il devient plus facile de signaler un contenu illégal, et il convient de mettre en place un processus approprié pour le gérer.
La vie privée des mineurs d’âge doit être mieux protégée, notamment en interdisant le profilage ciblé. Les plates-formes doivent également s’évaluer quant aux effets négatifs qu’elles ont sur la santé mentale des enfants.
C’est particulièrement vrai pour Instagram, qui sait depuis longtemps déjà que sa plate-forme d’images conduit les jeunes filles à des troubles alimentaires et à des tendances suicidaires. Mais cela n’a été confirmé que lorsqu’un lanceur d’alerte s’est manifesté. Un autre lanceur d’alerte affirme à ce propos que l’entreprise aurait pu prendre des mesures pour mieux protéger les filles, mais elle ne l’a pas fait.
Les plates-formes doivent également en faire plus en matière de désinformation et de modération des contenus pour s’opposer à ce type de contenu. Un aperçu complet des règles peut être trouvé ici.
Et si elles ne le font pas?
Toute entreprise qui enfreint les règles, s’expose à des amendes pouvant aller jusqu’à dix pour cent de son chiffre d’affaires mondial. Il est cependant vraisemblable qu’on n’en arrivera pas à cette extrémité.
La législation RGPD recourt par exemple aussi à un pourcentage du chiffre d’affaires comme amende maximale, mais dans la pratique, celle-ci n’a jamais été aussi élevée. L’amende est souvent adaptée en fonction de l’ampleur du problème de confidentialité, mais également de la mesure dans laquelle l’entreprise ajuste sa façon de faire. Ce n’est que lorsqu’une organisation refuse obstinément de protéger ses utilisateurs qu’une amende aussi énorme semble réaliste. Ce principe devrait probablement s’appliquer aussi au DMA.
Quel sera l’impact au niveau de l’utilisateur?
Répertorier tout ce qui se passe actuellement donnerait à cet article la taille d’un petit livre. De manière générale, sachez que les grandes plates-formes internet procèdent depuis environ un an à des ajustements mineurs et majeurs pour se conformer au DMA.
L’un des changements les plus notables est qu’Apple, avec son App Store, n’est plus autorisée à être le seul distributeur d’applis sur iOS. D’autres magasins d’applis doivent également être autorisés. Les autres appareils Apple devraient alors avoir la possibilité de spécifier un autre navigateur web préféré. Des choses qui étaient possibles depuis un certain temps sur Android (où plusieurs magasins d’applis peuvent être installés) ou sur Windows (où l’Europe obligeait Microsoft à l’époque à laisser les gens choisir un autre navigateur par défaut).
Est-ce que cela va apporter un monde de changements? Peut-être. Tout d’abord, cela permettra à votre iPhone de faire tourner des applis qu’Apple ne tolère pas dans l’App Store. Mais la plupart des utilisateurs n’en feront probablement que peu usage.
Au sein de Windows 11, vous pourrez alors choisir de ne pas ouvrir les liens dans Edge par défaut. Cela est possible depuis un certain temps déjà, mais il s’agissait d’un préparatif au DMA (et à la loi DSA existante).
Chez Facebook, le DMA signifie, entre autres, que le réseau social est désormais disponible sans publicité. Mais il facture en revanche un prix d’abonnement relativement élevé (12,99 euros par mois). Meta a également clairement indiqué lors de l’annonce qu’elle le faisait pour se conformer aux lois RGPD et DMA. L’utilisateur peut aussi depuis peu déconnecter ses profils Facebook et Instagram.
Chez Google, l’intégration entre le moteur de recherche et Google Maps entre autres est quelque peu réduite. C’est ainsi que les cartes dans le moteur de recherche ne sont (progressivement) plus cliquables.
Pratique ou inutilement ennuyeux?
De telles choses font que la loi est facilement critiquable. Les grandes entreprises technologiques misent fortement sur de de telles intégrations avec leurs produits. Cela signifie qu’un utilisateur du service A utilisera également le service B ou C. Souvent, les produits d’un même acteur collaborent bien, ce qui est pratique pour l’utilisateur. Certains acteurs aiment également pointer du doigt le DMA pour souligner une limitation de ce genre d’intégration.
Mais cela ne rend pas le DMA moins nécessaire. C’est ainsi que vous vous demandez peut-être si la fonctionnalité Google Maps serait tout aussi populaire, si elle n’était pas constamment proposée via d’autres services de Google. Ou si Edge serait aussi souvent utilisé, si Microsoft ne l’utilisait pas comme outil de liaison par défaut. De telles intégrations protègent les grandes plates-formes en ligne des concurrents susceptibles d’innover davantage ou de mieux répondre aux besoins modernes. Le DMA doit démêler ce nœud et également donner aux autres acteurs un champ d’action équitable. Cela signifie que désormais, les plus grands acteurs du paysage devront aussi fournir de l’espace où les plus petits concurrents pourront atteindre les consommateurs.
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