Jan Verbrugghe

Les assistants IA n’entraîneront pas l’extinction des contacts humains avec le client. Que du contraire…

Jan Verbrugghe Senior Director Solution Engineering chez Salesforce

L’essor des assistants IA augure-t-il un monde où les centres d’appels seront dépeuplés ? La société fintech Klarna a récemment révélé qu’elle avait fait traiter 2,3 millions de conversations-clients – soit le travail de 700 collaborateurs à temps plein – par un outil d’IA. Il est désormais évident que l’IA va changer les entreprises et créer de nouveaux business models. Mais nous ne pourrons jamais dissocier totalement les relations-clients du contact humain.

Tout commence par la perception, surtout en matière d’IA. Comme l’a expliqué l’entreprise, le bot susmentionné a indéniablement engendré des économies substantielles et un gain d’efficacité. Cette nouvelle a également fait frémir les marchés financiers, mais peut-être devrions-nous la replacer dans son contexte. Nous ne savons pas exactement à quelles fins l’assistant IA a été utilisé. Ou quelles conversations-clients le bot a prises en charge. Ni quelles étaient les fonctions des agents rendus à première vue superflus par l’outil.

Les collaborateurs qui collectent des données sur les clients à longueur de journée, posent toujours les mêmes questions et traitent les réponses, pour ensuite passer à l’appel téléphonique ou au chat suivant, ne s’épanouissent guère au travail. Dans ces situations, l’IA peut offrir une grande valeur ajoutée L’automatisation des tâches ou interactions répétitives et hautement accessibles par le biais du libre-service est avantageux pour tout le monde. Il y a d’ailleurs fort à parier que c’est le rôle principal d’un assistant IA dans la plupart des entreprises. Un bot orienté libre-service est certes plus efficace pour certaines transactions.

L’homme et l’IA main dans la main

Un bot bien conçu ne se contente pas d’alléger la tâche du personnel : la rapidité d’un outil en libre-service est aussi bénéfique pour les clients. Une étude a démontré que 61 % des clients d’une organisation préfèrent le libre-service lorsqu’ils cherchent une solution à un problème relativement simple. D’un autre côté, deux répondants sur trois ont également indiqué ne plus vouloir recourir au chatbot d’une marque dès la première expérience négative. Tout commence par la conception et l’objectif du bot. Si un outil d’IA dispose d’une quantité suffisante de données pertinentes pour comprendre le contexte d’une requête, ainsi que de bonnes règles de processus pour prendre ses propres décisions, le libre-service peut s’avérer très utile pour certaines applications. En définitive, les outils d’IA et les collaborateurs ne sont pas différents : ils ont tous deux besoin d’un contexte et d’un processus à suivre.

L’automatisation des contacts-clients n’implique toutefois pas l’extinction pure et simple des collaborateurs humains. Que du contraire. Nous pouvons parfaitement rester à la barre et fixer le cap sans devoir manier les rames. La plupart des situations feront également apparaître des questions complexes qu’un bot ne pourra pas traiter, parce qu’il ne dispose pas des informations nécessaires ou n’a pas été conçu à cette fin. Et il s’agit évidemment des questions privilégiées par les collaborateurs des centres d’appel car elles leur offrent des stimuli intellectuels.

Bien entendu, le soutien d’un assistant IA ne doit pas forcément s’arrêter face à des questions plus complexes. L’outil peut toujours rendre l’expérience du collaborateur et du client plus agréable via l’automatisation préalable de certaines questions d’approfondissement. Quand le bot transmet ces données au collaborateur, ce dernier dispose immédiatement du contexte adéquat pour aider le client. L’intelligence artificielle peut ensuite apporter son concours en formulant des recommandations utiles pour l’agent.

War on talent

Outre l’amélioration de l’expérience et du service, l’accueil favorable des centres d’appel face à l’émergence des assistants IA s’explique aussi par une autre raison. Un rapport établi en 2023 par Forrester démontre que 63 % des dirigeants de centres d’appels américains sont confrontés à une pénurie de personnel et éprouvent des difficultés à recruter de nouveaux agents. Le marché manque de talents et les profils hautement qualifiés sont particulièrement difficiles à convaincre. Sans assistants IA, cette pénurie pourrait encore s’aggraver. De plus, l’offre d’outils technologiques constitue un atout indéniable pour les employeurs cherchant à créer un lieu de travail attrayant pour les (jeunes) talents. Et pour ceux qui travaillent avec du personnel moins qualifié, il est également commode d’avoir une IA capable de rédiger des e-mails de base, de préparer certaines étapes standard, etc.

Les progrès réalisés dans le domaine des grands modèles de langage et du traitement automatique des langues rendent également les chatbots intéressants pour les centres de service ou d’appels actifs dans plusieurs langues. Pensez, par exemple, aux plateformes d’e-commerce qui opèrent dans des dizaines de pays. Avant, ils devaient relever l’impossible défi de trouver les profils nécessaires pour chaque langue. Désormais, les outils d’IA peuvent garantir une assistance numérique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, avec un service plus étendu à la clé.

Automatisation ≠ personnalisation moins poussée

L’histoire des assistants d’IA est donc beaucoup moins unilatérale que la perception qu’en donnent les médias et le bot IA de Klarna. Certaines entreprises optent d’ailleurs pour l’autre côté du pendule et renoncent à l’automatisation car elles accordent une importance primordiale à la personnalisation du service et craignent un impact sur l’expérience du client. Il s’agit là aussi d’une idée fausse que nous devons dissiper. Les outils d’automatisation ne doivent pas forcément amoindrir la personnalisation.

Le service est plus que jamais le facteur clé permettant aux entreprises de se distinguer auprès des clients, et la possibilité d’offrir des choix à ces derniers y contribue grandement. Si certains clients veulent une aide rapide et ne voient aucun inconvénient à entretenir un contact impersonnel avec une marque, d’autres préfèrent toujours parler à un être humain. À titre d’exemple, si vous souhaitez demander rapidement quelque chose à votre banque, il est pratique de pouvoir le faire via l’application. Mais si vous devez régler des questions financières après un décès dans votre famille, le contact avec une personne physique sera toujours plus agréable qu’une interaction avec un chatbot (même si c’est parfaitement possible d’un point de vue technique). De même, dans certaines situations, les clients ne se fient guère aux résultats d’un assistant IA, et préfèrent donc obtenir une confirmation d’un collaborateur humain.

Ceux qui se lancent dans l’automatisation et l’IA doivent clairement l’intégrer dans leur stratégie d’entreprise et faire preuve de transparence afin que les clients sachent pourquoi ils parlent à un bot. Dès que nous serons parvenus à établir une collaboration efficace entre l’IA et les humains, nous rendrons les entreprises plus productives et plus efficaces, nous offrirons une expérience de travail plus agréable aux agents, et nous proposerons aux clients une meilleure interaction avec l’IA. Les humains ne vont donc pas disparaître du secteur des services. Dans une entreprise prospère, l’IA n’est pas un pilote automatique, mais bien un copilote.

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