Kristof Van der Stadt
En avant l’Europe, l’heure de l’IA a sonné pour nous!
Si ce tout début de l’année 2025 nous a appris quelque chose, c’est que le jeu de l’IA n’est pas encore terminé.
Le 30 novembre 2022 fut le jour où vous, moi, et progressivement le monde entier avons été époustouflés par la toute première version publique de ChatGPT. Les choses sont allées très vite avec le chatbot d’IA: un changement de paradigme, annonçaient les experts. ‘La plus importante révolution technologique depuis internet’, lisait-on partout, mais peut-être devrais-je demander à l’IA si ce n’est pas elle qui a écrit cela.
Depuis ce jour, tous les yeux de ce bas-monde se sont braqués presque sans arrêt sur le développeur OpenAI. La ‘grande’ Google, prise de vitesse, s’est mise en mode panique et a soudainement dû rattraper le temps perdu, ce à quoi elle n’est pas vraiment habituée. D’autres, Microsoft et NVIDIA en tête, en ont pleinement récolté les fruits. Dans le cas de NVIDIA, c’est plus qu’un euphémisme. Le fondeur de puces est apparu comme le ‘moteur de l’IA’ et s’est mué en star au firmament de l’IA, avec une augmentation vertigineuse et presqu’incessante de sa valeur marchande.
Et nous? En tant que pays européens, nous avons bien été forcés de conclure une fois de plus que la course à l’IA ne se déroule pas sur notre continent. D’autres parties et puissances mondiales ont également été contraintes d’admettre, à contrecœur ou non, qu’elles ne sont pas encore aussi avancées dans l’IA que ce que ces magiciens de l’IA de la Silicon Valley tirent de leurs chapeaux.
La partie était-elle donc déjà jouée? Et bien non! Pendant longtemps, on a dit que la Chine n’était nulle part, bien que la superpuissance l’ait toujours nié. Certes, les géants technologiques chinois Huawei, Tencent et Alibaba n’ont pas manqué une occasion de claironner qu’ils intensifiaient leurs efforts dans le domaine de l’IA et qu’ils pouvaient représenter une alternative à part entière à la suprématie américaine de l’IA.
La startup d’IA chinoise DeepSeek sème le trouble dans le secteur technologique américain
‘Le moment Spoutnik de l’IA’
Ce que le 30 novembre 2022 signifia pour l’américaine OpenAI, est devenu le 20 janvier 2025 pour la chinoise DeepSeek. Ce jour-là, cette illustre inconnue du grand public – et même de nombreux initiés technologiques – a en effet présenté DeepSeek R1: un concurrent direct des modèles d’IA de ChatGPT. Et pas n’importe quel ‘imitateur’ chinois, comme le dit le cliché, mais un acteur qui joue immédiatement le jeu – de manière innovante et entièrement gratuite – au même niveau élevé que le modèle GPT o1 d’OpenAI pour lequel on verse 200 dollars par mois pour une utilisation illimitée.
Et pas sous la forme d’une boîte scellée en outre, mais entièrement open source: tout le monde peut en effet savoir et découvrir comment les Chinois y sont arrivés. Mais ce qui rend l’histoire encore plus fascinante, c’est que DeepSeek a réussi à le faire – à l’entendre certes – avec à peine 6 millions de dollars. En comparaison, OpenAI a levé 13 milliards de dollars en deux ans auprès de son principal prêteur Microsoft. Parce que, selon OpenAI et d’autres acteurs de la Silicon Valley, ce capital est absolument nécessaire pour pouvoir utiliser les GPU haut de gamme très coûteux de NVIDIA pour le développement, la formation et l’utilisation de l’IA.
Le fait qu’une petite start-up chinoise puisse y parvenir avec des ressources limitées et des puces NVIDIA beaucoup moins chères et moins puissantes exerce un impact énorme dans le monde de la technologie. Cela s’est immédiatement ressenti sur les valeurs technologiques américaines, qui ont fortement chuté. Le lundi qui suivit l’annonce, le golden boy NVIDIA a perdu pas moins de 600 milliards de dollars (quelque 575 milliards d’euros) en valeur boursière, même si l’entreprise pèse encore 2,9 billions de dollars au moment d’écrire ces lignes.
Peut-être avons-nous écouté la mélodie américaine pendant trop longtemps et en avons-nous conclu que le capital était un problème.
Mais quand même: c’est l’inquiétude qui règne dans la Silicon Valley. Car qu’en est-il du slogan, selon lequel l’innovation en matière d’IA ne peut se faire qu’en injectant d’énormes capitaux? ‘DeepSeek R1 est le moment Spoutnik de l’IA’, a réagi sur X le vétéran américain de la technologie Marc Andreessen cette semaine. ‘DeepSeek est un signal d’alarme pour les Etats-Unis’, a même affirmé le président américain Trump.
Le message est clairement arrivé de ce côté de l’océan également. Espérons que le signal d’alarme résonne de la même manière chez nous, les pays européens! Surtout, ne jetons pas l’éponge et mettons-nous enfin au travail sur une IA européenne à part entière. Si DeepSeek doit nous apprendre quelque chose, c’est que nous avons encore des opportunités. Le modèle DeepSeek est open source, mais ceux qui utilisent le chatbot d’IA, envoient désormais des données en Chine. Nous n’avons pas non plus d’informations à propos des données sur lesquelles le modèle a été formé. Il y a indéniablement de la place pour un modèle européen, avec une formation et des données sur le sol européen. Avec une réglementation appropriée, certes, mais sans freiner le déploiement de l’IA.
Peut-être avons-nous écouté la mélodie américaine pendant trop longtemps et en avons-nous conclu que le capital était un problème. Peut-être avons-nous par conséquent abandonné la partie sans vraiment essayer, et nous nous sommes contentés d’un avenir de sempiternels consommateurs de la technologie américaine. En avant l’Europe, nous en sommes capables.
DeepSeek nous montre la voie à suivre. Nous possédons la connaissance. Nous avons les premières impulsions. Nous disposons des firmes, des entrepreneurs et des starters. L’heure de l’IA a sonné pour nous!
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