La 5G au-delà des télécoms

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Si la 5G apparaît comme le terrain de chasse des grands opérateurs télécoms, de nombreuses start-up, PME et chercheurs belges travaillent dans les coulisses à la nouvelle génération de l’Internet mobile. ” La croissance principale de la 5G se concentrera sur l’industrie, un domaine où il existe aussi une place pour des acteurs spécialisés “, estime Michael Peeters, directeur de la connectivité à l’institut de recherche imec.

Ces derniers mois, l’effet de mode autour de la 5G a atteint un nouveau paroxysme. A l’occasion du Mobile World Congress, la technologie était incontournable, tandis que les sanctions à l’égard de Huawei ont fait de l’Internet mobile un sujet de tensions internationales entre les USA et la Chine. Mais la 5G ne se limite pas aux seuls opérateurs télécoms. Toute une série de plus petites sociétés et divers organismes de recherche planchent sur cette nouvelle technologie. Par ailleurs, des organisations spécialisées espèrent récupérer aux opérateurs le marché industriel de la 5G. Pour comprendre les enjeux, nous avons rencontré 3 acteurs belges de la 5G : Accelleran, imec en Citymesh.

Petites cellules

Accelleran est installée près de la Gare centrale d’Anvers. Cette start-up a vu le jour en 2013 et est spécialisée dans les ‘petites cellules’, une technologie essentielle en 5G. ” Nous sommes confrontés à un tsunami de données, sachant qu’un nombre croissant d’utilisateurs transmettent toujours plus de données sur les réseaux mobiles “, explique Frederic Van Durme, CEO d’Accelleran. Alors que certaines fréquences spécifiques ne peuvent supporter qu’un volume limité de données. Tel était déjà le cas pour la 4G, tandis que la 5G n’offre malheureusement pas de solution à ce niveau. La seule manière de permettre davantage de données est d’installer à côté des grands pylônes des ‘small cells’ ou petites cellules de la taille d’une boîte à chaussures. Celles-ci peuvent alors étendre la capacité du réseau. ”

La 5G au-delà des télécoms
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Accelleran développe un logiciel qui s’intègre dans ces petites cellules. Non sans succès puisque l’entreprise a décroché à ce jour 4 millions a de capital et emploie 17 personnes. L’entreprise est aussi fortement active à l’étranger, avec plus de 80% de son chiffre d’affaires réalisé aux Etats-Unis.

Ce succès, Accelleran l’envisage comme une étape sur la voie de la ‘cloudification’ des réseaux mobiles. ” Aujourd’hui, il existe des macro-antennes monolithiques et des stations de base avec un logiciel propriétaire fermé, poursuit Van Durme. Les grands acteurs fournissent cette infrastructure sous forme d’une solution totale associant matériels et logiciels. Mais nous évoluons désormais vers un modèle ouvert, où le logiciel peut fonctionner partout, par exemple au niveau ‘edge’ ou dans le cloud. Ce faisant, on peut combiner les stations de base et logiciels de différents acteurs via des interfaces ouvertes, ce qui permet de stimuler l’innovation et réduit les coûts de réseau. ”

Entre-temps, l’entreprise planche aussi sur une couche de données au-dessus du logiciel. ” Les données deviennent plus importantes pour optimiser les réseaux, considère toujours Van Durme. Il existe donc une dimension ‘données’. C’est là précisément que se situe notre avenir. Pour l’instant, nous voulons devenir une société ‘Software-as-a-Service’, mais nous nous tournons aussi progressivement vers les données et l’apprentissage machine. ”

Eventail de technologies

De même, l’institut de recherches louvaniste imec est extrêmement actif autour de la 5G, certes à une autre échelle qu’Accelleran. Son département de connectivité emploie à lui seul 300 chercheurs, parmi lesquels beaucoup travaillent sur des sous-technologies de la 5G.

” Nous nous intéressons en effet à un large éventail de technologies sans fil, explique Michael Peeters, directeur de la connectivité à l’imec. Ces recherches sont inspirées désormais par les défis que nous observons dans l’industrie. La 5G est étroitement liée à ces recherches, mais nous ne pensons pas que la 5G soit un aboutissement. Nombre de nos recherches sont utilisables dans la 5G, mais tout aussi bien dans le w i-fi. ”

C’est ainsi que l’imec s’intéresse notamment aux ondes millimétriques, un élément important de la 5G. Mais la liste de ses projets est longue, allant des voitures autonomes au partage de spectre entre la 5G et le Bluetooth en passant par les analyses en ‘network slicing’. Et ses recherches trouvent aussi leur prolongement dans la pratique. C’est ainsi que l’imec bâtit des solutions de réalité augmentée pour les environnements industriels et même des drones pour les inventaires d’entrepôts.

Bref, des questions techniques, mais aussi des problématiques sectorielles. ” Nous avons réalisé l’an dernier un chiffre d’affaires de 585 millions a dont une majorité provient de contrats avec l’industrie “, précise Peeters.

Le spectre par hasard

Au-delà de ces nouvelles technologies, une autre entreprise belge a même accédé par hasard à la 5G. En effet, la brugeoise Citymesh a installé des réseaux sans fil de grande ampleur dans diverses entreprises et villes, dont les connexions wi-fi gratuites que l’on retrouve dans de nombreux centres urbains. Un domaine où l’entreprise rencontre d’ailleurs beaucoup de succès, avec des références comme Kinepolis et la SNCB, outre de grands acteurs industriels et même des parcs d’éoliennes en mer du Nord. L’entreprise affiche une belle santé et emploie 50 collaborateurs.

Sur base de ces activités, l’entreprise a réussi à acheter une part du spectre 5G avant que l’on ne parle de 5G. ” Ce fut le cas en 2015, confirme Mitch De Geest, CEO et cofondateur de Citymesh. A l’époque, nous avons répondu à plusieurs adjudications pour le wi-fi urbain. Mais nous devions alors utiliser l’infrastructure des opérateurs qui répondaient également eux-mêmes à ces adjudications. Ce n’était évidemment pas une situation idéale, ce qui nous a incité à nous adresser à l’IBPT pour acheter notre propre part du spectre. ”

Un an et demi plus tard, une partie de ce spectre était attribué à la 5G. Et, par bonheur donc pour Citymesh, une partie que l’entreprise voulait exploiter. ” Nous ne voulons pas devenir le 4e opérateur B2C en Belgique, précise De Geest. Tel n’est pas notre marché. Notre volonté est de servir l’industrie en leur construisant des réseaux privés. Notre cible est donc bien le B2B. ”

Industrie

Chez imec également, la priorité est l’industrie. ” La 5G sera vaste, mais ne se limitera certainement pas aux applications traditionnelles pour le grand public, considère Michael Peeters. En fait, ces applications sont relativement monotones : nous savons à peu près combien coûtera un abonnement 5G et là ne se situe pas le véritable potentiel de croissance. Le marché vraiment porteur est celui des réseaux pour usines, de la logistique et de la production. Ces secteurs pourront ainsi travailler de manière nettement plus efficace, ce qui sera particulièrement important pour l’économie belge de demain. ”

” De très nombreuses entreprises souhaitent leur propre réseau privé, confirme Mitch De Geest. Alors que les opérateurs sont aujourd’hui encore très ciblés sur leur marché B2C. Il y a donc de la place pour de petites entreprises dynamiques qui pourront proposer des services aux entreprises. ”

Au niveau des applications industrielles, de plus petits acteurs ont également un rôle à jouer. Et pas uniquement Citymesh d’ailleurs, puisque le groupe IT Cegeka a annoncé sa volonté de participer aux enchères du spectre 5G avec un consortium industriel.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement belge n’entend pas encore mettre aux enchères les fréquences pour des acteurs industriels, à l’inverse de pays voisins comme l’Allemagne ou les Pays-Bas. ” Ici, le marché peut encore avoir son mot à dire, réagit Peeters. Acheter une partie du spectre en tant que consortium industriel n’est pas un problème. Mais l’important selon moi est de ne pas simplement répartir les fréquences 5G entre les opérateurs traditionnels. Nous devons laisser une place à de plus petits acteurs afin de stimuler l’innovation. ”

Mais cela ne signifie évidemment pas que nous aurons subitement demain la 5G. ” Nous sommes pour l’instant dans l’effet de mode, avertit Frederic Van Durme. Et ce, alors que des questions se posent encore sur les cas concrets de 5G. La vitesse de déploiement dépendra des ‘business cases’ que l’on pourra trouver et un boom de l’infrastructure n’est pas encore pour demain. Les choses évolueront donc progressivement. En outre, une large part de l’infrastructure 5G future peut déjà être appliquée aujourd’hui. On a assisté à bon nombre de grandes annonces autour de la 5G, mais la 4G restera encore un certain temps. “

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