” Chacun est confronté à des angles morts “

Girls Who Code, We Go STEM et, bien évidemment, She Goes ICT: autant d’initiatives qui visent à accroître le nombre de filles et femmes dans l’IT.

La start-up Clusity s’efforce dans ce contexte d’occuper une position plus permanente en combinant une activité de travail communautaire et de conseil aux entreprises.

Notre mission consiste, explique d’emblée Rein Meirte, cofondateur de Clusity, à mettre sur pied un réseau de femmes dans les technologies. “Nous avons démarré voici un an et demi sous la houlette du Cronos Groep avec l’ambition d’inciter davantage de femmes à s’engager et à faire carrière dans l’industrie technologique. Nous entendions créer un cadre permettant de se sentir chez soi. A nos yeux, il s’agit surtout d’ouvrir des portes et de faire se rencontrer des personnes.” C’est ainsi que la communauté Clusity permet notamment aux femmes d’échanger des expériences. “Nous cherchons à encadrer et à soutenir ce réseau féminin, tout en suscitant une certaine sensibilisation”, ajoute Elke Kraemer, cofondatrice de Clusity.

Cette sensibilisation s’adresse surtout aux entreprises et aux responsables qui, dans leur vie quotidienne, ne doivent pas forcément faire face à la diversité et aux genres. Clusity prodigue notamment des conseils aux entreprises technologiques qui souhaitent mettre en place l’inclusion. “Notre approche consiste par exemple à nous intéresser à la culture interne ou à dialoguer avec le personnel sur les besoins qu’ils identifient”, explique encore Meirte. Une première étape dans ce processus s’apparente à de la prise de conscience: s’efforcer que les responsables de cette culture dans l’entreprise sachent ce que signifie l’inclusion et puissent éventuellement identifier les angles morts dans leur organisation. “Chaque personne a ses biais, constate Meirte. Chacun est confronté à des angles morts et en prendre conscience est souvent une première étape importante. Si vous faites partie de la majorité au sein d’une entreprise, la plupart des personnes se sentent peut-être comme vous, alors que d’autres sont différentes.”

Dans une phase ultérieure, les processus internes à l’entreprise peuvent être analysés pour voir dans quelle mesure il est possible d’attirer un public plus divers. En l’occurrence, la procédure la plus évidente est sans doute le recrutement: comment les offres d’emploi sont-elles formulées, qui mène les entretiens d’embauche et quelles personnes l’entreprise recherche-t-elle? “Il existe une étude interne de HP qui a ensuite été analysée par le Harvard Business Review et qui montre que les hommes se porteront candidat à une offre dans laquelle ils répondent à 60% des exigences, alors que les femmes ne se présenteront que si elles satisfont à 90 ou 100% des conditions, poursuit Meirte. Il s’agit là d’un exemple parmi d’autres d’un élément dont il faut tenir compte. Par ailleurs, il y a également un aspect marketing: quelle est la communication que vous faites passer, différentes personnes figurent-elles sur les photos sur votre site web, quel est le ton de la communication d’entreprise, comment communique-t-on sur les réseaux sociaux, etc.? Les femmes et les personnes ayant d’autres contextes se sentent-elles les bienvenues?”

Réseau

Il n’est sans doute pas surprenant de constater qu’au-delà de la sensibilisation, Clusity cible également la mise en place d’un réseau puissant. L’entre-soi est une notion qui explique bien souvent que des personnes ayant un bagage différent peinent à trouver leur voie dans certaines entreprises. “Très souvent, on recommande une personne dans une entreprise que l’on connaît”, note encore Meirte. Cela vaut non seulement pour l’embauche de collaborateurs, mais plus largement aussi pour les orateurs lors d’événements. “Désormais, il devient plus courant d’envisager des orateurs provenant d’origines et de genres plus diversifiés, et nous aidons souvent à emprunter cette voie”, ajoute Kraemer.

Elke Kraemer (à g.) et Rein Meirte:
Elke Kraemer (à g.) et Rein Meirte: ” Il y a beaucoup de bonne volonté, mais peu d’hommes osent prendre un rôle très actif. “

“L’on se rend maintenant toujours plus compte que des tables rondes constituées uniquement d’hommes n’est désormais plus bien perçu, même si un technologue homme a généralement un réseau très masculin et a éprouvé des difficultés à trouver un orateur féminin, ajoute Meirte. Cela ne part pas toujours d’une mauvaise intention. Dans ce cas, il est bon d’avoir une organisation comme la nôtre qui peut proposer d’autres profils.”

Pourcentages

Il n’empêche qu’il reste du pain sur la planche. Ainsi, une récente étude de McKinsey estime qu’en Europe, les femmes occupent 22% des emplois en technologie. Et dans des domaines IT en croissance comme le DevOps ou le cloud, ce pourcentage est même très inférieur, soit 8%. “Lorsque l’on demande aux hommes quelle importance ils accordent à l’inclusion, près de deux sur trois estiment que cet aspect est très important à leurs yeux, même notamment dans le choix d’un employeur, note toujours Kraemer. Mais par ailleurs, sept sur dix indiquent qu’ils ne font rien ou très peu pour promouvoir la diversité. Il s’agit là d’un paradoxe que je constate aussi dans ma vie courante. Il y a certes beaucoup de bonne volonté, mais peu d’hommes osent prendre un rôle très actif. C’est pourquoi la conscientisation du management est à ce point importante. Si vous êtes un dirigeant visionnaire et qui regarde vers l’avenir, comment les talents dans votre organisation se profileront-ils et quelles mesures pouvez-vous prendre dès à présent pour les encadrer?”

“L’objectif final n’est-il pas que l’industrie technologique soit le reflet de la société et agisse de manière inclusive”, poursuit Meirte. Ne serait-ce que parce que la technologie est un secteur particulièrement important, notamment dans une optique d’avenir, enchaîne Kraemer. “Je considère la diversité et l’inclusion comme une sorte de programme de fitness pour les entreprises. Si nous ne sommes pas en forme, que nous adoptons une position rigide et que nous ne voulons pas changer, nous ne serons pas prêts à travailler de manière innovante et décentralisée à l’avenir. Il y a dès lors de fortes chances que l’on ne travaille plus avec des équipes locales, mais bien des équipes internationales et à distance. L’avantage de notre secteur est de le permettre. Nous ne travaillons pas dans un domaine où il faut absolument être devant une machine ou une caisse. Il est parfaitement possible de collaborer au départ de la Belgique avec une personne en Inde. La diversité et l’inclusion nous préparent à affronter l’avenir.” Et en l’occurrence, il n’est pas uniquement question de diversité de genre, mais aussi de diversité d’âge, de culture, de bagage, etc.

Avenir

Reste évidemment à savoir si ce reflet de la société deviendra une réalité. Malgré les nombreuses initiatives, le compteur n’a évolué que de quelques pour cent à peine ces dernières années. “Je suis néanmoins optimiste, confie Meirte. D’une part, parce que notre société évolue. On constate que les pièces du puzzle se mettent en place, qu’une dynamique se dégage qui prouve l’émergence d’une évolution sociale. D’autre part, l’évolution se fera également par obligation. Le secteur technologique continue à se développer et est confronté à une guerre des talents qui met en lumière le besoin de nouveaux profils. Pour pouvoir répondre à tous ces nouveaux emplois, il ne sera pas possible de se contenter des hommes blancs classiques.”

Quoi qu’il en soit, les femmes font preuve d’optimisme. A commencer par Kraemer qui a travaillé durant 20 ans dans le secteur technologique avant de fonder Clusity. “Autrefois, le secteur était une île, mais désormais, la technologie est une condition de base à toute activité, estime t-elle. Dans pratiquement tous les domaines, on travaille avec des outils de type technologique. Ce phénomène affecte l’ensemble des secteurs, de telle sorte que les filles y sont confrontées très tôt. Je pense donc que l’évolution va dans le bon sens. Nous entendons apporter notre pierre à l’édifice et veiller peut-être à accélérer le mouvement.”

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