Une initiative opposée aux empreintes digitales sur l’eID se tourne vers la Cour Constitutionnelle

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Pieterjan Van Leemputten

Sous l’appellation ‘The Ministry of Privacy’, un certain nombre de citoyens font appel à la Cour Constitutionnelle. Ils veulent l’abolition de la loi rendant obligatoire l’introduction des empreintes digitales sur la carte d’identité électronique (eID).

A partir du mois d’avril, tout demandeur d’une nouvelle eID devra faire enregistrer deux empreintes digitales. Il s’agit là d’une mesure qui a été votée en novembre dernier à la demande de la N-VA, à l’époque encore dans le gouvernement, en vue d’empêcher la fraude à l’identité.

Mais cette mesure a déjà fait l’objet de nombreuses protestations. Le spécialiste en droit du respect de la vie privée Matthias Dobbelaere-Welvaert s’y était ainsi précédemment déjà opposé et il introduit à présent une requête dans ce sens auprès de la Cour Constitutionnelle. Il agit en fait au nom de la fondation The Ministry of Privacy, au profit de laquelle a été organisée une campagne de financement participatif (‘crowdfunding’).

Dans cette affaire, la défense sera assurée par l’avocat Geert Lenssens de SQ Law. Lui et Dobbelaere-Welvaert estiment que la loi engendre divers problèmes, mais qu’elle est principalement disproportionnée.

Lenssens: “Le problème fondamental engendré par cette loi, c’est que tous les citoyens de ce pays, y compris les mineurs d’âge à partir de 12 ans, sont en fait ‘criminalisés’. Tout le monde associe en effet l’enregistrement des empreintes digitales au milieu criminel. Pour cette loi, l’ex-ministre Jan Jambon (N-VA) s’est manifestement inspiré du Maroc, mais – même s’il s’agit là d’un très beau pays – la Belgique possède une toute autre culture juridique et sociale. Le Belge ne veut pas être considéré comme le dernier des criminels et ne souhaite pas faire enregistrer sans broncher ses empreintes digitales.”

“Ce qu’on observe de manière générale, c’est une tendance chez certains hommes/femmes politiques à remettre en cause nos droits fondamentaux”, déclare pour sa part Dobbelaere-Welvaert. “Les droits fondamentaux comme l’interdiction de la discrimination, la liberté d’expression, la liberté d’association, mais surtout le droit au respect de la vie privée sont continuellement mis sous pression. Ce qui était une évidence il y a quelques années encore, fait à présent débat.”

Négligences

Lenssens et Dobbelaere-Welvaert évoquent pas mal de négligences au niveau de la loi en question. C’est ainsi que les empreintes digitales ne seront certes pas enregistrées en permanence dans une banque de données centrale, mais elles pourront y être conservées jusqu’à trois mois. Rien n’empêche cependant les autorités de les y réintroduire par la suite pour une nouvelle durée de trois mois. Il y a également le risque que la base de données puisse être piratée. Et enfin, ils signalent encore que les empreintes digitales présentent elles aussi une marge d’erreur pouvant conduire à des échanges d’identités, alors que la loi entend précisément éviter ce genre de fraude.

Lenssens: “Les statistiques indiquent que la plupart des fraudes à l’identité s’effectuent via internet en dehors de l’eID. Il y a donc un déséquilibre dans le fait que le citoyen doive décliner des informations biométriques essentielles en échange de l’illusion d’une meilleure sécurité.”

Niveau européen

Entre-temps, l’Europe plaide également pour l’enregistrement des empreintes digitales sur la carte d’identité et ce, bien qu’il n’y ait pas encore de loi en la matière au niveau européen. “Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle, mais nous nous y étions préparés. La requête que nous avons formulée, pourrait éventuellement être partiellement réutilisée au niveau européen”, précise Dobbelaere-Welvaert à Data News.

“L’objectif est de poursuivre la campagne Stopempreintedigitale.be à l’échelle européenne aussi. Il n’y a pas encore de réglementation, mais pour nous, ce sont les mêmes arguments qu’au niveau national qui s’appliquent. Nous nous tenons prêts, si une décision européenne devait être prise.”

Pour poursuivre le combat juridique à l’échelon national, mais peut-être aussi à terme au niveau européen, The Ministry of Privacy va soutenir sa campagne de financement participatif. Celle-ci a à ce jour rapporté 20.880 euros provenant de 704 donateurs individuels. De plus, Dobbelaere-Welvaert espère que d’autres organisations de défense du respect de la vie privée et des droits de l’homme, que ce soit en Belgique ou à l’étranger, se rallieront à l’initiative.

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