L’art sur la chaîne de blocs se vend ces derniers mois à des montants record. Mais que sont les NFT et pourquoi valent-ils soudainement des millions?
SuperRare, une place de marché d’art NFT, vient d’en finir avec une phase de capitalisation de série A de 9 millions de dollars. Cette semaine, l’entreprise a obtenu l’équivalent de 7,6 millions d’euros de la part d’une série d’investisseurs, dont SamsungNext, Ashton Kutcher et Marc Benioff (le directeur de Salesforce). La valeur de l’art NFT et les entreprises, qui développent ce marché, ont progressé très rapidement ces derniers mois. Selon certains, il s’agit là d’un phénomène global représentant l’avenir de l’art numérique, alors que d’autres le considèrent surtout comme un système de Ponzi (montage frauduleux). Mais au fait, qu’est ce que NFT?
Les fondements
NFT est l’acronyme de ‘non-fungible token’ (preuve unique). Il s’agit d’un fragment de donnée qui est conservé sur une chaîne de blocs (généralement Ethereum). Ce type de jeton représente un bien numérique, tel un dessin, une vidéo ou, par exemple, un objet digital dans un jeu vidéo. Chaque NFT est unique et peut être considéré comme sorte de certificat. Le NFT introduit donc une espèce de pénurie dans un écosystème où il est possible de reproduire des choses à l’infini.
Alors qu’il n’existe en général qu’un seul exemplaire d’une oeuvre classique, tel n’est pas le cas d’une oeuvre numérique. Il est possible de copier facilement un dessin numérique et de l’insérer sur un ordinateur sans perte de qualité. Mais ce type de NFT est, lui, unique et est considéré par d’aucuns comme une espèce de preuve que son propriétaire possède ‘l’exemplaire original’. Le système ajoute ainsi des certificats de propriété aux biens numériques qui n’avaient précédemment qu’un seul auteu, et éventuellement un copyright. Une oeuvre numérique peut dès lors se trouver sur mille ordinateurs, mais son seul ‘propriétaire’ est celui/celle qui détient le certificat, un certificat qui est conservé sur une chaîne de blocs, afin qu’on n’y touche pas. Tel est du moins le principe.
Fièvre de l’or
Ces dernières semaines, on a assisté à une véritable fièvre de l’or dans le domaine des NFT et des oeuvres numériques. Un gif animé de Nyan Cat, un mème de 2011, a en février été vendu par l’artiste original sous la forme d’un NFT pour plus de 500.000 dollars. Jack Dorsey, le CEO de Twitter, a mis aux enchères un NFT de son premier tweet pour 2,4 millions d’euros. La maison de vente aux enchères Christie’s a vendu pour sa part le NFT d’une oeuvre de l’artiste digital Beeple pour quelque 60 millions d’euros, ce qui est beaucoup d’argent pour un jeton numérique qui revient essentiellement à un droit de détention. Le droit de copie de l’oeuvre en question demeure par exemple chez Beeple.

La hausse ultrarapide des prix des NFT a de quoi susciter la réflexion. L’intérêt pour le crypto-art de ces dernières semaines est comparable à celui pour les ICO (initial coin offerings) de fin 2017: une gigantesque vogue susceptible donc d’éclater comme une bulle en cas de réglementation. Tout comme les monnaies sur la chaîne de blocs, le marché NFT est actuellement une arène réservée aux spéculateurs avec tout ce que cela comporte comme hausses et baisses de la valeur des oeuvres. Ce genre de NFT n’est donc pas un investissement stable, mais cela n’a jamais encore refroidi l’enthousiasme de certains.
Pour les artistes
Le crypto-art est considéré par des entreprises telles SuperRare comme une disruption sur le marché de l’art actuel. Les NFT permettraient aux artistes de minorités et de pays moins riches de prendre leur sort entre leurs mains. Un artiste cubain ou iranien pourrait, grâce aux NFT, vendre ses oeuvres à des négociants internationaux, ce qui n’est pas possible dans des circonstances traditionnelles.
L’avantage de ce genre de NFT Ethereum est en outre que le jeton représente un ‘smart contract’ (contrat intelligent), où il est par exemple possible d’indiquer que l’artiste qui a été le premier à vendre une oeuvre, reçoit des royalties, lorsque celle-ci prend de la valeur. C’est entre autres ce que fait SuperRare en prélevant une commission de 10% sur les ventes suivantes du NFT.
Qu’en pensent donc les artistes eux-mêmes? Ils sont partagés. Même si des personnes telles Beeple gagnent quelques millions avec ce nouveau type de vente, il y en a bien d’autres qui se méfient.