La réforme controversée du droit d’auteur fait l’objet d’un compromis
Il y a à présent sur la table un accord européen à propos de la réforme du droit d’auteur, dans le but d’adapter l’utilisation des médias à l’ère numérique. La proposition de loi, qui doit encore être approuvée par le Parlement européen, pourrait avoir un sérieux impact sur ce à quoi ressemblera internet à l’avenir.
La législation actuelle en matière du droit d’auteur date de 2001 déjà, une époque où il n’était pas encore question de YouTube ou de Facebook. La Commission européenne voulait l’adapter à l’ère numérique. Cette réforme, négociée depuis deux ans, a mis en branle une campagne de lobbying inédite.
L’été dernier, la première version de la directive avait été rejetée par le Parlement européen, après quoi toute une série d’amendements furent introduits. Le 12 septembre une majorité des parlementaires se rallia à la proposition ainsi adaptée. Depuis lors, de longues négociations ont eu lieu entre les pays de l’UE. En janvier, elles furent cependant complètement bloquées. Une dizaine de pays, dont la Belgique et l’Allemagne, n’approuva pas le texte de compromis final. Après l’échec du trilogue du 21 janvier, les poids lourds européens que sont la France et l’Allemagne se concertèrent de manière bilatérale et la semaine dernière, les deux pays ont trouvé un accord. Ce compromis a en fin de compte, lors d’un nouveau trilogue, été approuvé par l’ensemble des négociateurs européens et des pays membres de l’UE.
Filtres de dépôts
L’accord conserve l’article 13 controversé. Il en résulte que les plates-formes internet sont directement responsables de tout ce que leurs utilisateurs y déposent. Pour ne pas enfreindre le droit d’auteur, elles devront toutefois agir de manière préventive désormais. Dans la pratique, cela signifie qu’elles filtreront tout de manière automatique. Les esprits critiques craignent cependant que des entreprises paramètrent ce genre de filtres de dépôts de manière trop rigoureuse par simple précaution, ce qui entraînerait pas mal de dommages collatéraux.
La préoccupation suivante a également joué un rôle: si l’on veut donner une chance aux plates-formes européennes, ne faut-il pas les soumettre aux mêmes conditions que celles qui prévalent pour les géants technologiques? C’est ainsi que la Belgique et l’Allemagne estimaient que les PME devaient être exemptées, mais la France n’a rien voulu entendre d’une distinction entre petites et grandes entreprises. Dans le compromis, une exception est prévue pour les entreprises, qui enregistrent un chiffre d’affaires inférieur à dix millions d’euros, qui disposent de moins de 5 millions de visiteurs uniques par moi et qui ont moins de trois années d’ancienneté.
Taxe sur les liens
L’accord garde aussi l’article 11 avec l’introduction de ce qu’on appelle la ‘taxe sur les liens’. Le compromis est aussi une bonne nouvelle pour les éditeurs de presse européens, qui se plaignent que Google et Facebook récoltent les fruits de leur travail. Pour eux, un nouveau droit a vu le jour, qui veillera à ce qu’ils puissent percevoir une indemnisation, lorsque des liens vers leurs articles se retrouveront sur les plates-formes en ligne. Une exception est cependant prévue pour les hyperliens se composant de mots individuels, alias les ‘very short extracts’ (même si l’on ne sait pas encore combien de signes cela représentera exactement).
Dans un communiqué de presse, la Commission européenne insiste sur le fait qu’une exception est faite aussi pour les instituts de recherche et les universités. Ceux-ci bénéficieront d’un libre accès aux textes, afin d’y appliquer de l’extraction de données (‘data mining’), à moins que les ayants droit le refusent explicitement. “Cela ne pourra que profiter au développement de l’analyse de données et de l’intelligence artificielle en Europe”, déclare-t-on à la Commission. De même, les musées et écoles européens disposeront d’un libre accès aux contenus protégés par le droit d’auteur, par exemple pour ce qui est du matériel didactique en ligne.
L’accord doit encore être approuvé par le Conseil et le Parlement européens. En raison du caractère controversé de la directive, il n’y a aucune garantie de succès. Les parlementaires se préparent déjà à une intensification de la campagne de lobbying. Le vote dans l’hémicycle aura lieu fin mars, début avril, en tout cas avant les élections européennes de mai.
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