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L’UE s’accorde sur une loi destinée à adopter une approche rigoureuse du ‘big tech’

Margrethe Vestager. © DN
Els Bellens

Des négociateurs du Parlement européen et des pays membres de l’UE sont tombés d’accord sur une nouvelle loi ciblant les marchés numériques (DMA). Cette réglementation devrait éviter que les grandes firmes technologiques (big tech) abusent de leur position de force.

Le Digital Markets Act ou DMA cible spécifiquement ce que l’UE appelle les ‘cerbères’. Il s’agit là d’entreprises telles Google, Meta, Amazon ou Apple exploitant une plate-forme, par exemple un moteur de recherche ou un magasin en ligne, vous permettant d’atteindre d’autres services et firmes. Le raisonnement en cours (et l’histoire nous le rappelle) est que ces entreprises privilégient souvent leurs propres applis et services. La nouvelle réglementation de l’UE devrait leur compliquer la vie en amplifiant la concurrence d’entreprises plus modestes.

Un aspect singulier du Digital Markets Act consiste par exemple à obliger les services de messagerie à être compatibles. Un service tel Whatsapp devrait alors autoriser des applis concurrentes comme Signal sur le réseau de messagerie, afin que l’utilisateur puisse envoyer un message d’une appli vers une autre. Plusieurs griefs dénoncés par de précédents procès antitrust ont également été aplanis dans les nouvelles règles. Pensez au droit de l’utilisateur de choisir lui-même son navigateur, son moteur de recherche et son assistant virtuel, ou à l’interdiction de combiner sans autorisation explicite des données personnelles à des fins de publicités ciblées.

Pas que les GAFA

Ce genre de cerbère est une entreprise ayant une valeur boursière de 75 milliards d’euros minimum ou un chiffre d’affaires annuel de 7,5 milliards d’euros. Sa plate-forme doit avoir mensuellement aussi 45 millions d’utilisateurs actifs dans l’UE. Il s’agit donc des géants technologiques susmentionnés, mais tout aussi bien d’Airbnb ou de l’entreprise d’origine néerlandaise Booking.com. A partir de cette définition, l’UE tente donc d’échapper un tant soit peu à la perception que ce sont surtout les géants technologiques américains qui sont ciblés par la loi.

Le DMA entend aussi faire fi de l’autre perception, selon laquelle les amendes antitrust de l’UE ne sont pas suffisantes. Les principales amendes antitrust infligées par l’UE s’élevaient dans le passé à maximum cinq milliards d’euros (par rapport aux 260 milliards de dollars de rentrées annuelles de Google), mais comme pour donner plus de force à la nouvelle loi DMA, les amendes prévues cette fois ne seront pas piquées de vers. Les entreprises qui ne respecteront pas leurs obligations, pourront désormais se voir infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 10% de leur chiffre d’affaires annuel mondial, ou jusqu’à 20% en cas de récidive. Ce qui pourrait arriver, comme le fait finement remarquer la commissaire européenne en charge de la concurrence Margrethe Vestager, au vu de l’attitude de bon nombre de ces entreprises.

L’UE en précurseur

Le DMA est considéré comme une loi importante, parce qu’il impose des règles particulièrement poussées et, à l’instar de la règlementation sur la confidentialité GDPR d’il y a quelques années, il pourra servir d’exemple pour d’autres gouvernements. Conjointement avec le Digital Services Act (DSA) qui porte davantage sur les droits numériques des utilisateurs, l’UE entend définir des balises claires pour l’avenir. On le constate aussi à la quantité de réactions soucieuses émises notamment par Google et Apple lors des démarches précédant le DMA.

L’accord sur le DMA est négocié à présent et doit encore être ratifié par le Parlement européen et le Conseil européen, où siègent les représentants des divers pays. Le texte proprement dit de la loi doit encore être quelque peu peaufiné, selon l’UE. L’objectif est que les règles entrent en vigueur fin de cette année ou en 2023.

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