TechTour met en vedette des entreprises technologiques prometteuses

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Six ans après son premier passage, la caravane TechTour est de retour dans notre pays. Sept entreprises technologiques en quête de capital ont eu la chance de se présenter à des capital-risqueurs triés sur le volet. “Les robinets sont ouverts, mais il était plus facile de passer à la caisse voici quelques années.”

Six ans après son premier passage, la caravane TechTour est de retour dans notre pays. Sept entreprises technologiques en quête de capital ont eu la chance de se présenter à des capital-risqueurs triés sur le volet. “Les robinets sont ouverts, mais il était plus facile de passer à la caisse voici quelques années.”

The European TechTour Association, une association suisse qui devait formuler une réponse à l’intérêt croissant pour les entreprises technologiques en Europe, met les starters et les sociétés en croissance en contact avec des investisseurs et des capital-risqueurs.

L’objectif est d’accroître la notoriété des “heureux élus” dans la communauté du capital-risque, en augmentant ainsi leurs chances de lever des fonds. Un jury réunissant la crème des capital-risqueurs locaux a sélectionné les 7 participants belges pour le French & Benelux TechTour, qui faisait une halte le 10 mai à Louvain (Capricorn Venture Partners) et à Gand (IBBT).

La veille au soir, lors du dîner de gala dans l’hôtel de ville de Paris, le ton avait directement été donné. “Les entrepreneurs veulent gagner de l’argent, a lancé d’emblée Denis Payre, fondateur de Business Objects et Kiala. Le gouvernement doit l’accepter. D’excellentes initiatives sont prises pour stimuler l’esprit d’entreprise en France et au Benelux, mais à quoi servent-elles s’il n’y a pas d’entrepreneurs? Pas d’Apple sans Jobs, pas de Facebook sans Zuckerberg. Many things are done extremely well, but governments steal the dream! Accept failure! Accept succes!”

Jürgen Ingels, le cofondateur et directeur financier de Clear2Pay, qui s’est chargée de la partie Benelux de l’événement et a même fait partie des lauréats en 2006, comprend Payre. “Il n’est pas facile d’avoir du succès et d’échouer en Europe. J’avais autrefois un bon job chez Dexia, et lorsque j’ai voulu démarrer quelque chose moi-même, tout le monde m’a dit que j’étais fou. Avant de vous en rendre compte, vous avez tôt fait de rater une opportunité.”

Qu’en est-il du climat d’investissement? On dit que 10 milliards d’euros de capital d’investissement sont disponibles dans les fonds qui ont répondu présent.

JÜRGEN INGELS: Les robinets sont ouverts, le capital est à bon compte, mais en 2006, il était nettement plus facile pour les starters de passer à la caisse. Les montants que les capital-risqueurs doivent mettre à disposition sont de plus en plus importants, parce que davantage d’argent est nécessaire pour une expansion internationale, ils prennent donc moins de risque et optent pour des acteurs bien établis.

Si nous avions dû fonder Clear2Pay aujourd’hui, avec le même capital et les mêmes personnes, nous n’aurions plus été en mesure de le faire. Il y a 10 ans, une banque achetait encore des produits de petites entreprises locales, c’était sympathique. Aujourd’hui, un manager d’une grande entreprise ne va plus risquer sa carrière en achetant un produit qui n’est pas “de bout en bout”, et qui ne peut pas être déployé aux Etats-Unis ou en Asie. C’est la réalité.

Si vous êtes dans la technologie, il vous reste par conséquent deux possibilités. Soit vous arrivez avec une nouveauté intéressante et vous essayez de vendre votre start-up le plus vite possible, un peu à la Kristof De Spiegeleer, soit vous faites tout le trajet nécessaire et vous levez des fonds, vous opérez des rachats pour pouvoir proposer un paquet aussi complet que possible, et vous allez à l’international.

On peut parler de chance lorsqu’on observe que de plus en plus de sociétés belges nourrissent des ambitions internationales. La meilleure stratégie consiste alors à devenir un acteur de niche, capable d’aller très en profondeur. En Belgique, il y a par exemple énormément de know-how en matière de technologie de paiement. Nous avons Ogone, il y a Swift, sans parler de Clear2Pay. Pourquoi ne pourrions-nous pas devenir une autorité mondiale dans ce domaine?”

Les starters doivent donc se tourner le plus vite possible vers les Etats-Unis?

INGELS: Absolument, même s’ils ne doivent pas s’y “incorporer”, ils peuvent parfaitement commencer depuis la Belgique et ouvrir un bureau aux Etats-Unis. La globalisation a fait en sorte que vous devez avoir des antennes partout, non seulement en Amérique, mais aussi sur des marchés de croissance comme la Chine, le Brésil et la Russie.

Le fait qu’il est plus attrayant fiscalement de fonder une entreprise aux Etats-Unis ne doit jamais être un moteur. Pendant la phase de démarrage, mieux vaut se consacrer au développement d’une vision intéressante et d’une stratégie solide plutôt que de s’embarrasser de considérations fiscales. En effet, il faut souvent cinq ans avant de commencer à gagner de l’argent.

Lorsque vous ne trouvez vraiment pas d’argent en Belgique, il est logique d’aller voir dans la Silicon Valley. Mais les pouvoirs publics et les capital-risqueurs devraient faire en sorte, d’une manière ou d’une autre, que les starters de qualité ne doivent pas adopter ce genre de démarche. Au lieu de gaspiller trop de moyens, il faut peut-être se focaliser davantage sur les petites entreprises qui ont un réel potentiel. Plutôt que d’investir dans 10 candidats, il est peut-être plus utile d’en retenir trois et de leur donner plus de possibilités. Au risque de paraître choquant, entreprendre n’est pas un modèle socialiste. The winner takes it all!

Un système de tax shelter comme dans l’industrie du cinéma pourrait-il être intéressant pour donner un coup de pouce aux starters belges?

INGELS: Ce pourrait être utile, surtout pour réunir de petits montants jusqu’à 200.000 euros. Mais il existe déjà le prêt win/win avec lequel les autorités encouragent fiscalement les particuliers à mettre de l’argent à disposition. Le problème, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de fonds en Flandre qui investissent dans des start-ups. Hummingbird Ventures le fait un peu, la GIMV dit qu’elle le fait, il y a Sniper Investments et vous avez aussi le Vinnof (Fonds d’innovation flamand). Après, on peut tirer l’échelle.

Honnêtement: je pense qu’il incombe aux autorités de se concentrer sur les starters et sur le capital d’amorçage. Le secteur privé ne remplira plus ce rôle, le risque est trop grand. Mais si vous avez dix sociétés dont cinq font faillite, trois se trouvent entre la vie et la mort, et deux réussissent leur envol et parviennent à devenir une grande entreprise, alors la valeur ajoutée est gigantesque pour la société. C’est bien là tout l’enjeu, non?

“Les vrais entrepreneurs réussissent chez nous aussi”

Frank Maene, partenaire chez Hummingbird Ventures, confirme qu’il y a un moment idéal pour lever des capitaux. “Bon nombre de capital-risqueurs nagent dans l’argent, et il y a une hype autour de l’entrée en bourse de Facebook et LinkedIn.” Pourtant, cela reste difficile pour les starters de trouver du capital d’amorçage et de croissance. Hummingbird ne vise-t-elle pas les petites entreprises? “Si, mais on investit alors dans des petites sociétés, qui en sont encore souvent au stade de pré-revenu et de pré-produit, et ce risque est gigantesque. Quand nous investissons dans dix d’entre elles, cinq font faillite. Il faut bien calculer. Sur 100 dossiers qui rentrent, nous en soutenons en moyenne 1. Il n’en va pas autrement aux Etats-Unis, mais là, ils ont de temps en temps un Google, ce qui camoufle les échecs. Avec Hummingbird, nous ciblons des séries A, des investissements de 1 à 2 millions. Il s’agit d’entreprises qui ont déjà un premier produit et qui voient grandir le nombre de leurs clients. On peut donc regretter qu’il n’y ait pas plus de dossiers d’amorçage parmi les heureux élus TechTour. Ce sont surtout des entreprises plus mûres qui sont prises en compte, et des fonds plus importants qui répondent présent. Le fossé avec les véritables start-ups se creuse de plus en plus. Est-ce un problème? Evidemment. Mais les entrepreneurs pur sang ne se laissent pas effrayer par des complications financières. Il se peut que tout soit plus fluide aux Etats-Unis, mais ce n’est pas une excuse. On entend parfois que c’est la faute des investisseurs, qui ne comprennent pas, mais ce sont également des balivernes. La plupart des candidats viennent avec un projet mal ficelé, ou ne disposent pas du background adéquat. Je le rappelle: sur 100 dossiers, nous en acceptons 1 en moyenne. Nous devons donc dire 99 fois non.”

“OpenERP et NGdata, énormément de potentiel”

Tom Henriksson du capital-risqueur finlandais Open Ocean Capital se réjouit de s’asseoir à la table avec six lauréats du TechTour. Deux Belges figurent également parmi ceux-ci. “NGdata a du potentiel, ne serait-ce que parce qu’elle se consacre au big data et que le big data est important, précise-t-il. OpenERP est quant à elle un leader incontesté dans un secteur avec beaucoup de concurrence. En tant qu’initiative open source, l’entreprise compte déjà de nombreux utilisateurs, tant gratuits que payants. Chez Open Ocean, nous nous focalisons sur les logiciels avec un modèle commercial reposant sur une communauté, et donc OpenERP s’inscrit parfaitement dans ce cadre. Le management doit toutefois m’expliquer comment une initiative open source peut contribuer à faire progresser l’ERP, et je me pose aussi des questions sur le basculement du pur ERP vers une plate-forme d’applications commerciales. C’est tricky, parce que plus les applis sont nombreuses et plus il y a de risques de problèmes.”

Les lauréats belges

Caliopa: construit des émetteurs-récepteurs optiques qui sont 10 fois plus compacts et consomment 50% de moins que les modèles classiques, grâce à l’utilisation de la technologie photonique sur silicium. Après avoir déjà levé 3,3 millions EUR, le prochain tour de table doit lui permettre de passer à 5 millions EUR.

Dacentec/Racktivity: deux sociétés lancées par l’entrepreneur en série Kristof De Spiegeleer. Dacentec construit des centres de données écologiques, Racktivity propose du matériel et des logiciels permettant notamment de gérer la consommation d’énergie dans les centres de données. Belgacom figure parmi les clients/investisseurs. Elles ont déjà levé des millions EUR. Le prochain tour de table pourrait leur rapporter 10 millions EUR supplémentaires.

Itineris: logiciels de gestion d’entreprises d’utilité publique. 60% des factures d’eau en Flandre sont établies à l’aide des logiciels d’Itineris. Au total, l’entreprise a déjà levé 4,5 millions EUR. Elle veut encore en réunir de 6 à 10 millions EUR.

NGdata: datamining à l’échelle du big data. La plate-forme Lily permet aux entreprises de cartographier le comportement de leurs clients et de fournir au consommateur des recommandations personnelles en tmps réel. La société a déjà levé 200.000 EUR, et elle en cherche encore de 3 à 5 millions EUR.

OpenERP: alternative open source aux logiciels traditionnels d’ERP. Elle a déjà levé trois millions EUR, et recherche de l’argent frais. Elle cible avec succès le marché des PME. Elle emploie déjà 150 personnes.

Ovizio Imaging Systems: commercialise des microscopes holographiques numériques pour l’analyse de cultures de cellules. Déjà 5,095 millions EUR levés, plus 723.000 EUR de subsides.

Projective: fournisseur de services de gestion de projets dans le secteur financier. Veut commercialiser un outil pour la gestion de portefeuilles de projets. Financé par les fondateurs, à la recherche de 4 millions EUR d’ici fin 2012.


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