370.000 emplois belges fortement impactés par l’IA

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Pieterjan Van Leemputten

Au cours de la prochaine décennie, 370.000 personnes verront leur emploi radicalement modifié, voire supprimé, à cause de l’IA générative. Mais le résultat net semble positif, selon une étude commanditée par Google.

Google a fait effectuer une enquête par l’Implement Consulting Group dans plusieurs pays européens à propos de l’impact de l’IA générative sur l’économie. Le rapport belge précise d’emblée que cette vague pourrait ajouter 45 à 50 milliards d’euros au produit intérieur brut (PIB), soit quelque 9 pour cent répartis sur les dix prochaines années.

Ces données que Google elle-même présente dans son communiqué de presse, sont plutôt vagues. Le rapport mentionne des facteurs tels que le gain de productivité, mais aussi le gain de temps grâce à l’automatisation, qui pourrait être consacré à d’autres créations de valeur. Il pointe également les secteurs qui en bénéficieront le plus (finance, droit, science, information).

Mais on n’y trouve pas de calcul détaillé concret. Pour cela, le rapport renvoie à la méthode d’une autre étude (The Potentially Large Effects of Artificial Intelligence on Economic Growth de Briggs/Kodnani de 2023). Il semble donc s’agir d’un recalcul spécifiquement destiné au marché belge, mais le degré de réalisme de ces chiffres est peu clair.

Nous ne voulons cependant pas prétendre que les données chiffrées sont fausses. Mais l’étude parle à juste titre de ce que l’IA ‘peut’ signifier. C’est un peu un vœu pieux. Un peu comme si l’on calculait dans un rapport combien de temps notre pays ‘pourrait’ gagner, si tous les trains amenaient tout le monde à l’heure au travail. C’est possible certes, mais il en va autrement dans la pratique.

Emplois: changer ou disparaître

Là où le rapport devient plus intéressant, c’est dans quelle mesure l’IA générative affectera les emplois dans notre pays. On distingue trois catégories: 1,4 million d’emplois ne seront probablement pas touchés par l’IA générative. Cela comprend le travail manuel, les travaux ‘extérieurs’ tels que la construction et le nettoyage, les soins personnels et les services alimentaires. Notez qu’il s’agit d’outils d’IA générative tels que nous les connaissons grâce à ChatGPT ou Gemini, et non d’IA ou de robotisation dans son ensemble.

3,2 millions d’emplois, soit 64 pour cent du marché du travail, seront ‘probablement’ affectés par l’IA générative. Cela implique une automatisation partielle qui permettra aux gens de créer plus (texte, code ou images) ou de contribuer à la conception des produits. L’enquête est claire à ce sujet: les vagues d’automatisation précédentes avaient principalement impacté le travail manuel, alors que l’IA générative fait pareil pour le travail de bureau.

Personnel administratif

370.000 personnes entrent dans la catégorie ‘totalement ou partiellement remplacées par l’IA générative’, soit environ sept pour cent du marché du travail belge. Cela inclut les employés administratifs, le personnel des centres de contact et les traducteurs. Les chercheurs soulignent que beaucoup d’entre eux devront probablement trouver un nouvel emploi ou s’adapter très fortement.

L’accent est ici mis sur les travailleurs de soutien administratif. Ces employés administratifs représentent 210.000 emplois, dont pas moins de 33 pour cent seront réembauchés, ce qui peut être interprété comme l’accession à un autre emploi. L’enquête s’attend à ce que cela se produise, car davantage d’emplois seront également créés par le phénomène de l’IA.

La question est de savoir dans quelle mesure c’est réaliste. En cas de piètre économie, les entreprises seront rapidement enclines à remplacer (en partie) leurs employés par des outils d’IA, mais il ne semble pas tout à fait certain que toutes les entreprises confieront un autre emploi aux employés devenus ‘inutiles’. Ici aussi, l’enquête s’engage parfois dans des vœux pieux, même si cette nuance figure en petits caractères.

Un autre groupe qui sera durement touché est celui des techniciens et des ‘professionnels associés’, qui représentent 75.000 personnes, dont dix pour cent connaîtront principalement des changements au sein de leur métier. L’enquête précise que ces changements se produiront progressivement au cours des dix prochaines années. Tout comme l’essor d’internet a été rapide, mais a fait évoluer notre marché du travail par étapes.

L’Implement Consulting Group rend cette nuance explicite. Il souligne que le boom informatique des années nonante a créé 200.000 nouveaux emplois chaque année dans notre pays, tandis que 150.000 emplois disparurent bon an mal an. Au cours des 15 dernières années également, l’économie belge aurait enregistré la création de 540.000 nouveaux emplois, tandis que d’autres étaient supprimés. L’IA générative modifiera entre 20.000 et 35.000 emplois par an, mais il s’agira également d’une vague progressive plutôt que d’un changement soudain.

Les femmes ressentiront plus rapidement les effets

Un autre aspect notable est que les femmes ressentiront tout particulièrement à la fois l’impact positif et négatif de l’IA générative. Le remplacement partiel ou total du travail par l’IA générative toucherait 6 pour cent des hommes, contre 9 pour cent des femmes. Dans la catégorie la plus importante (où l’IA générative sera davantage utilisée), cela représentera 61 pour cent d’hommes et 68 pour cent de femmes. À l’inverse, les emplois assumés par relativement plus de femmes gagneront en productivité, selon l’enquête.

L’Implement Consulting Group souligne que notre pays dispose du potentiel pour tirer beaucoup de profit de l’IA et en énumère à la fois les possibilités et les dangers. C’est ainsi que l’enquête reconnaît que les chiffres cités supposent une large adoption de l’IA générative au cours des dix prochaines années. Cela signifie que des économies pourront être réalisées sur la main d’œuvre, en partie parce que ces personnes pourront en faire plus (pour le même salaire), ce qui stimulera notre économie.

Parallèlement, il prévient que les employés qui occupent un emploi différent ou adapté, effectueront peut-être des tâches moins productives. Cela n’exclut pas non plus que l’IA ne puisse pas pleinement tenir ses promesses. Le cadre juridique jouera également un rôle dans ce que l’IA pourra et sera autorisée à réaliser. Une allusion subtile aux décideurs stratégiques, selon laquelle la vaste mine d’or de l’IA ne pourra être exploitée qu’avec une réglementation appropriée.

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