Crimes et délits dans le secteur ICT

Sa réputation, Joseph Finder la doit à ses époustouflants ‘corporate ict-thrillers’ “Paranoia” et “Accident de travail”. Sa dernière oeuvre en date se nomme “Killersinstinct”. Ce roman policier se déroule dans le secteur de l’électronique. Il semble bien que Finder ait créé un nouveau genre: le thriller technologique.

Joseph Finder (1958), auteur américain de thrillers, aime mettre en scène des personnages qui mènent une vie parfaitement normale jusqu’à ce que des circonstances aussi soudaines qu’imprévisibles leur fasse franchir la ligne rouge. Dans son tout dernier roman, “Killersinstinct”, Jason, le héros, incarne un commercial dans une firme d’électronique fictive, Entronics, qui fabrique des écrans plats et des écrans plasma dans le Massachusetts. Suite à la fusion avec la filiale américaine auparavant détenue par son concurrent néerlandais, Royal Meister (comprenez Philips), la maison mère japonaise menace de supprimer son département commercial. Kurt, ami de Jason et ex-militaire, qui travaille au service de sécurité d’Entronics, va lui prêter main-forte dans la guerre qu’il engage contre ses ‘ennemis’. Les premiers cadavres commencent alors à tomber…Data News: “Killersinstinct” se déroule dans le secteur de l’électronique. Après “Paranoia” et “Accident de travail”, il s’agit de votre 3e thriller dans lequel la technologie joue un rôle de premier plan. Pourquoi ce secteur vous attire-t-il particulièrement?Joseph Finder: Je suis fou de gadgets, du style BlackBerry, téléphones mobiles, lecteurs de DVD. J’aime ‘skyper’ et à la maison, j’ai installé mon propre réseau Apple. J’aime la technologie: je lis énormément d’ouvrages à ce sujet, et je fais toujours des recherches avant d’écrire mes livres.DN: Il s’agit donc d’un choix délibéré?JF: Je n’ai pas dit cela. J’avais déjà à mon actif une série de romans d’espionnage. L’idée à la base de “Paranoia”, mon premier thriller ‘high tech’, débutait en fait sous la forme d’une aventure dans l’univers de l’espionnage industriel. Un ami, qui travaille pour la CIA, m’a fait remarquer que dans les grandes entreprises, de nombreux membres du personnel de sécurité sont issus des services de renseignement. Ces gens connaissant les méthodes utilisées par des organisations comme la CIA, le Mossad et le KGB. Une fois que j’ai commencé à faire des recherches dans ce domaine, j’ai toutefois été séduit par le monde de la haute technologie. J’étais d’ailleurs étonné que personne n’ait encore songé à écrire un thriller sur ce sujet. On y trouve tous les ingrédients qui font un bon roman policier: intrigues, petits jeux politiques, trahisons et personnages paranoïaques. Dans le même temps, cet univers est particulièrement créatif, excitant.DN: “Paranoia” donne une image très réaliste du secteur ICT. Comment avez-vous collecté vos informations?JF: En lisant et en parlant beaucoup. J’ai pu m’entretenir avec des gens qui travaillent dans des entreprises comme Cisco, HP, Apple, Oracle et Microsoft. Je vais vous donner un petit exemple, lorsque j’ai obtenu un rendez-vous chez Apple, un projet ultra-secret y était justement en cours. J’ai demandé comment l’entreprise s’y prenait pour essayer de dissimuler ce projet aux profanes. Ma source m’a alors entraîné dans un couloir dont toutes les fenêtres étaient blindées. Cette approche, je l’ai utilisée dans “Paranoia”. Et vous voulez savoir de quoi il s’agissait: de l’iPod! J’ai également rencontré des ‘nerds’. Ce sont des adeptes des théories du complot, des intellectuels, des personnages suspicieux, en complet décalage avec la réalité… des ‘geeks’ mystérieux, tout à fait à leur place dans un thriller. J’écris des romans de fiction, mais je veux que tout ait l’air le plus réaliste possible. Lorsque c’est possible, j’utilise les noms de vraies sociétés, et j’explique comment les produits fonctionnent et sont commercialisés. Je divertis mes lecteurs, mais je veux qu’en même temps, ils apprennent certaines choses. Cela exige de sérieuses recherches préalables. Pour Killersinstinct, j’ai notamment parlé avec des collaborateurs de NEC, EMC et MIT, des experts financiers, militaires et médicaux et des spécialistes de la protection des entreprises.DN: Dans “Paranoia”, Adam, le protagoniste, travaille pour Wyatt Telecom. Après un travail qui tourne mal, le directeur, Nick Wyatt, le fait chanter et il est contraint d’aller espionner chez Trion Systems, l’entreprise d’un grand seigneur de l’IT, Jack Goddard. Ces deux CEO vous ont-ils été inspirés par des personnages existants?JF: Jack Goddard est greffé sur Andrew Grove, fondateur d’Intel qui, de simple immigré hongrois, est devenu une figure emblématique de l’IT. Wyatt est issu de la combinaison de plusieurs personnes, notamment Larry Ellison, Steve Jobs et Bill Gates. Tant Goddard que Wyatt sont des créateurs, doués d’un tempérament très compétitif, même si leurs caractères divergent. Wyatt est riche, agressif et sans scrupules. C’est pourquoi je l’ai opposé au personnage plus âgé de Goddard, qui fait presque figure de patriarche. Encore que ce dernier soit beaucoup moins honnête que beaucoup ne semblent le penser.DN: Dans vos livres, vous montrez de quelle manière les espions industriels arrivent à recueillir des informations. Non seulement ils utilisent le bluff et leur bagou naturel, mais ils s’appuient également sur la technologie. Dans “Paranoia” par exemple, Adam installe un minuscule connecteur de câble capable de lire les frappes de clavier, les mots de passe et le courrier électronique d’un ordinateur. Dans “Killersinstinct”, le lecteur découvre la technique dite du ‘phreaking’: le clonage d’un téléphone, qui permet d’écouter toutes les conversations. Est-ce réaliste?JF: Il est manifestement très facile de voler des informations sensibles. La véritable menace vient souvent de l’intérieur, et la plupart des chefs d’entreprise n’en sont pas suffisamment conscients. A titre d’exemple, dans Paranoia, la manière dont Adam infiltre la firme de Jack Goddard s’inspire de la réalité. Vous donnez à quelqu’un une fausse identité et un background intéressant, et via un headhunter, vous le faites engager par la firme que vous voulez espionner. C’est par de telles tactiques que la CIA arrive à infiltrer ses agents en Russie et inversement, c’est ainsi que le KGB procède vis-à-vis des Etats-Unis.DN: En fait, les entreprises pourraient s’inspirer de vos livres en interne!JF: C’est déjà arrivé! (rires) Les gens sont négligents avec leurs données, ce qui est non seulement dangereux pour eux-mêmes, mais également pour leur organisation, à cause d’éventuels intrus animés de mauvaises intentions. C’est oublier un peu vite que sur l’internet, vous laissez des traces partout, et que leurs courriels professionnels n’ont rien de privé. J’envoie des e-mails à mes sources, et je reçois des réponses contenant des plaisanteries sur leur patron ou leur entreprise. Je leur téléphone et je leur dis: ‘Ne faites pas cela, le dispositif de protection de l’entreprise lit votre courrier sur base de mots-clés.’ Dans “Paranoia”, il y a une scène durant laquelle Adam veut pénétrer dans une pièce. Il trouve la clé dans le bac de plantes et le mot de passe de l’ordinateur est inscrit sur un post-it jaune. Ce n’est pas de la fiction, nous parlons là d’habitudes bien ancrées dans le quotidien!DN: Dans votre livre intitulé “Accident de travail”, le rôle principal est tenu par le directeur de Steelcase, un fournisseur fictif d’articles de bureau haut de gamme. Voilà un choix pour le moins surprenant…JF: Le héros de type CEO n’apparaît que très rarement dans la littérature. “Accident de travail” raconte l’histoire d’un directeur obligé de licencier quelques milliers de personnes. Confronté à un détective, il fait installer chez lui un système de protection ‘hi-tech’. Ce système de caméra enregistre de quelle manière, à la fin, il est tellement désespéré qu’il décide d’agir lui-même contre cet intrus. Il fait détruire les images, mais il se demande s’il n’existe pas encore un ‘back-up’ quelque part. La technologie, c’est bien joli, mais cela ne nous rend-il pas encore plus vulnérables?Killersinstinct est paru chez Luitingh (ISBN 90-245-5388-1) Vous trouverez davantage d’informations sur: www.josephfinder.com.

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