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SAP décroche un contrat de 830 millions d’euros auprès de l’UE malgré la menace d’une enquête antitrust

Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

La Commission européenne a attribué un accord-cadre d’une valeur de plus de 830 millions d’euros à SAP Belgium. Cette même Commission passe par ailleurs l’entreprise en revue.

La direction générale de l’informatique (DG DIGIT), alias le service des achats IT de la Commission européenne, a attribué un contrat d’envergure à SAP Belgium. Il s’agit d’un accord-cadre d’une durée de six ans et d’une valeur estimée à 830 millions d’euros, couvrant les logiciels, la maintenance, la consultance connexe et les services cloud.

C’est là certes un coup de pouce bienvenu pour la branche belge du géant allemand des logiciels, mais il convient de noter que ce contrat a été attribué à l’issue de ce qu’on appelle ‘une procédure négociée sans mise en concurrence préalable’. Qui plus est, à un moment où le géant allemand des logiciels est examiné de très près par la Commission pour d’éventuelles distorsions de concurrence.

Le choix d’une attribution directe, où SAP était donc la seule candidate, est amplement justifié par la Commission dans des documents officiels. C’est ainsi qu’elle affirme que le contrat ‘ne peut être exécuté que par un entrepreneur spécifique en raison de l’absence de concurrence pour des raisons techniques’. Selon l’exposé des motifs, les produits SAP actuellement utilisés par la Commission et d’autres institutions européennes ‘ne peuvent être remplacés de manière techniquement ou économiquement raisonnable sans perturbations significatives ou coûts disproportionnés’.

‘Legacy captivity situation’

La Commission évoque même littéralement une ‘legacy captivity situation’, une situation de dépendance historique. Elle prétend qu’il n’existe ‘aucune alternative réalisable et raisonnable’ pour garantir la continuité des activités. La Commission européenne et les institutions semblent donc fortement dépendantes de SAP et, de manière assez ironique, c’est précisément là le cœur des préoccupations des autorités européennes en charge de la concurrence.

Depuis quelques années déjà, SAP est dans le collimateur de la Commission suite aux plaintes d’autres entreprises concernant la complexité des conditions de licence, le regroupement d’applications et la difficulté de changer de fournisseur. Récemment, selon l’agence de presse Reuters, SAP a présenté des concessions pour éviter une enquête antitrust formelle et une éventuelle amende. Une telle amende pourrait théoriquement s’élever à 10 pour cent du chiffre d’affaires annuel mondial: il est donc logique que la plus grande entreprise européenne veuille l’éviter. Les remèdes proposés viseraient à offrir plus de flexibilité aux clients et à faciliter le changement de fournisseur.

A la fois victime et arbitre

Au final, il s’agit donc d’une situation plutôt paradoxale. Car alors que la Commission européenne, en tant qu’organisme de contrôle, enquête sur la manière dont SAP fidélise ses clients, elle confirme, en tant que cliente, être entièrement sous la coupe de ce même fournisseur en lui concédant ce contrat de 830 millions d’euros. Cette attribution illustre ainsi, d’une certaine manière, les plaintes formulées par d’autres clients depuis des années, mais elle place également la Commission dans un double rôle délicat: d’une part, victime d’une dépendance vis-à-vis d’un fournisseur et, d’autre part, arbitre de cette même problématique. La question est donc: est-ce bien correct?

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