Si l’on retient une chose du Sommet de l’innovation de Schneider, c’est le mot ‘densité’. La plus grande densité des centres de données de l’avenir devrait en augmenter l’efficacité. Qu’est-ce que cela signifie pour notre pays?
Schneider Electric, l’entreprise française qui fabrique des systèmes de refroidissement et d’alimentation, notamment pour les centres de données, estime que le secteur évolue vers des centres de données plus efficaces et plus denses. ‘D’ici 2028, par exemple, Nvidia entend passer à 1 MW par rack. Cela nécessite un tout nouveau type d’infrastructure’, déclare Steven Carlini, Chief Advocate, IA et Centres de données, et vice-président chez Schneider.
À la source de toute cette évolution se trouve une soif d’IA qui, selon les constructeurs de centres de données tels que Nvidia et Schneider, est insatiable. ‘Nous ne voyons pas de limite à la capacité informatique dont nous avons besoin’, constate Steven. De plus, au cours des prochaines années, toute cette IA devra provenir principalement de grands centres de données et des ‘usines d’IA’. Il s’agit de centres de données dédiés et spécialisés dans l’intelligence artificielle. ‘Les entreprises sont encore en train de tester des modèles dématérialisés’, poursuit Steven. ‘Elles ne sont pas encore prêtes à utiliser leurs propres modèles d’IA privés et efficaces dans les piles d’IA de pointe. Mais si vous souhaitez utiliser des modèles d’IA dans votre cœur de métier, vous devez disposer de solutions de backup à long terme.’
Inférence
Les piles d’IA de pointe sont donc destinées à un avenir un peu plus lointain, lorsque les entreprises connaîtront la puissance de calcul dont elles ont besoin. Cela est en partie lié à l’‘inférence’, c’est-à-dire à la fréquence d’utilisation des modèles d’intelligence artificielle et à l’utilisation de ces modèles dans tel ou tel but. ‘Si vous effectuez actuellement une recherche sur Google, vous accédez à Gemini, qui n’est plus l’ancien moteur de recherche. C’est l’inférence de l’IA’, confie Steven à Data News. ‘Lorsque vous rédigez un message ou que vous demandez quelque chose, il s’agit d’une inférence. Si vous envoyez ces données à ChatGPT, ce modèle utilise 1,5 trillion de paramètres. Il est formé à la quasi-totalité de l’internet, mais il n’est pas nécessaire de le faire pour chaque question.’ Pour les tâches plus simples, il est préférable d’utiliser un modèle plus petit. ‘Si vous êtes une entreprise médicale, le robot ne doit connaître que les réponses à vos questions médicales, vous n’avez pas besoin de tout le reste. Et vous ne voulez pas non plus payer pour cela’, souligne encore Steven.
‘Il est actuellement très difficile d’adapter le système aux besoins exacts que vous avez, car il est encore en pleine évolution’
Il constate que de plus en plus d’entreprises forment leurs propres modèles spécifiques sur leurs propres données non publiques. Idéalement, un tel modèle est juste assez puissant pour faire ce que vous voulez qu’il fasse, et pas plus. ‘Mais ce n’est pas si simple’, rétorque Carlini. ‘Vous voulez un modèle dédié qui n’utilise pas de capacité excessive, car c’est inefficace. Mais actuellement, l’industrie est encore en train de chercher comment rendre ces applications utiles. Les entreprises ignorent le nombre et la taille des requêtes dont elles ont besoin. Il est actuellement très difficile d’adapter le système aux besoins exacts que vous avez, car il est encore en pleine évolution.’
Pour l’instant, la réponse de l’entreprise est donc ‘plus de centres de données’. Souvent, il s’agit de centres spécifiquement nouveaux. ‘Les centres de données hyperscale actuels ne sont pas prêts pour les usines d’IA’, souligne Vladimir Prodanovic, responsable principal du programme chez Nvidia. En fait, pour installer un grand nombre de ces nouveaux serveurs d’IA, il faut un système de refroidissement dédié et de grandes quantités d’électricité, ce qui n’est généralement pas le cas dans les centres de données actuels. ‘Ceux-ci continuent à faire de l’hyperscale pour leurs clients dans le cloud’, poursuit Vladimir. Car n’oublions pas que la quantité de charges de travail dématérialisées continue d’augmenter.
Le centre de données de l’avenir
En Belgique, il y a peu d’espace et de demande pour un tel centre de données hyperscale de cette taille pour l’instant, mais ce n’est peut-être pas nécessaire dans l’immédiat. ‘Si vous regardez un NVL72 ou un GB300, les nouveaux serveurs de Nvidia, chacun de ces racks est un superordinateur à part entière. Ils ont coûté plusieurs millions chacun’, explique Steven. ‘Quoi qu’il en soit, peu d’entreprises sont en mesure de mettre en place un centre de données complet avec ce type de serveurs.’
La question est bien sûr de savoir s’il y a de la place en Belgique pour un grand centre de données. ‘Il y a toujours de l’espace’, confie Martijn Aerts, vice-président de Secure Power Belgium. ‘Vous pouvez toujours vous installer en Wallonie, même si la région porte un regard plus sceptique sur les centres de données qu’en Flandre, par exemple.’ En outre, ces nouveaux centres de données de l’avenir occuperont moins d’espace, selon Steven: ‘Au fur et à mesure qu’ils s’empilent, ils commencent à prendre moins de place. L’espace informatique d’un tel centre de données est beaucoup plus petit. Ces centres auront toujours besoin de refroidissement, d’une grande quantité d’énergie et de générateurs de secours, mais, même dans ce cas, l’ensemble sera physiquement plus compact qu’il ne l’est actuellement. Pour autant que vous commenciez à développer un nouveau centre de données.’

Pourtant Scheider suppose que, dans notre pays, de nouveaux centres de données, et certainement pas des usines d’IA, ne verront pas le jour tout de suite. Selon Martijn, ‘un centre de données entier, c’est peut-être trop demander’. ‘L’investissement se chiffre en centaines de millions. Pour l’heure, aucun acteur n’est intéressé. Après cet investissement, il faut engager des coûts, sans oublier qu’il vous faute encore des clients.’
Il voit plus d’avenir dans les ‘edge hubs’ et les modèles hybrides. ‘En Belgique, nous avons surtout des centres de données traditionnels, refroidis par air’, explique-t-il. ‘L’IA nécessite une puissance beaucoup plus importante et un refroidissement liquide. Un modèle hybride permet de mettre en œuvre de nouveaux serveurs par petites étapes, sans avoir à y consacrer immédiatement des millions.’ Un tel modèle hybride permet de remplacer progressivement les anciens racks ou pods. ‘Par exemple, nous proposons des modèles modulaires préfabriqués, avec lesquels vous pouvez retirer un rack de votre pod et le remplacer par un nouveau. Vous disposez alors d’une puissance de calcul de 120 kilowatts. Ça devrait suffire pour un moment. Le tout, en circuit fermé, avec un refroidissement liquide. Intégrable dans un environnement traditionnel.’
Lorsque la demande sera suffisamment élevée, de nouveaux centres de données pourront être créés le cas échéant. ‘Des entreprises comme LCL ou Datacenter United planchent vraiment sur ce sujet’, indique Martijn. ‘Elles observent attentivement l’évolution de la demande et du marché, mais ne savent pas quand cette demande deviendra suffisamment importante.’
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