L’entreprise belge Dstny – qui est devenue en peu de temps un leader européen de la communication dans le cloud – , change son fusil d’épaule. ‘L’actuelle formule à succès n’est pas éternellement tenable’, explique Daan De Wever, CEO et co-fondateur de Dstny.
Dstny a démarré en tant que challenger sur le marché télécom belge, mais s’est rapidement orientée vers la communication dans le cloud. La pandémie n’a fait qu’accélérer cette volte-face. ‘Subitement, la stratégie cloud first n’était plus un but en soi, mais un must. Les entreprises se rendirent compte que leurs centraux téléphoniques classiques ne suffisaient plus. Cela nous donna un énorme boost, explique Daan De Wever en jetant un coup d’œil dans le rétroviseur. Grâce à des rachats stratégiques, comme Telepo – à l’époque encore une composante de Mitel – et un acteur d’intégration britannique dans l’écosystème Microsoft Teams, Dstny a progressé pour devenir finalement un leader européen dans son segment. ‘Du jour au lendemain, nous avons pu revendiquer la gestion du plus grand nombre d’UCaaS-seats (Unified-Communications-as-a-Service, ndlr) en Europe. Voilà comment d’importants opérateurs télécoms tels que Telenor, Orange et Virgin Mobile sont devenus des clients.’
” C’était une période formidable pour nous “
Mais cette position est fragile. ‘UCaaS existe depuis plus de 25 ans déjà. Bien sûr, de nouvelles fonctionnalités ont été ajoutées, comme le collaboratif, mais en substance, cela reste toujours de la téléphonie. Si nous continuons à nous limiter à cette activité, nous pourrions connaître une autre période de croissance saine pendant cinq ans. Après, cela deviendra difficile. Et bien sûr, en tant que manager, je préfère ne pas m’y risquer.’ Et de faire une comparaison avec l’Allemagne: ‘Même là-bas, notre plus grand concurrent vend encore la moitié de ses nouveaux produits sur site. Cette lenteur génère certes encore un peu d’espace pour respirer, mais le vrai changement arrive. Si on n’innove pas, on diparaît: c’est aussi simple que cela.’
Smart Flow comme réponse
Voilà pourquoi Dstny change de cap. Le cœur de la nouvelle stratégie s’appelle Smart Flow: une couche universelle qui orchestre la communication et les applications. ‘Aujourd’hui, de nombreux acteurs UCaaS ajoutent l’IA sous forme de module. Nous, nous voyons les choses différemment: le noyau doit se déplacer vers une couche qui relie tout. UCaaS devient alors simplement une fonctionnalité au sein d’un modèle d’orchestration plus large.’

Concrètement, cela signifie que les entreprises n’ont plus à effectuer de migrations complexes pour accéder à l’innovation. ‘Avec Smart Flow, un client peut facilement télécharger notre appli Connect Me et utiliser immédiatement toutes les nouvelles fonctionnalités d’IA, qu’il travaille avec un central téléphonique classique ou un système moderne.’ Et du côté de Dstny, cela signifie également que tout le développement de l’IA s’effectue sur une seule plateforme. ‘Si nous devions ajouter l’IA uniquement sous forme de module, nous devrions la développer séparément sur toutes nos plateformes. Ce n’est pas réaliste, et nous ne pensons pas que ce soit la voie à suivre’, ajoute De Wever.
L’IA change la donne
Daan De Wever est également fermement convaincu que l’IA est en train de changer fondamentalement ‘son’ secteur. ‘L’agent d’IA est la plus grande invention depuis internet. La téléphonie et UCaaS seront réduits à des blocs de construction au sein d’une couche d’orchestration beaucoup plus large. Nous voulons être le DJ qui dirige tous ces flux. Nous entendons redonner du temps aux entreprises et aux personnes en rendant la communication plus facile, plus intelligente et plus accessible. Non pas en construisant tout nous-mêmes, mais en proposant une plateforme sur laquelle les innovations peuvent être rapidement intégrées. Il voit déjà des applications concrètes: ‘Un médecin peut donner à son agent d’IA accès au système des patients et à son agenda via Smart Flow. Lorsqu’un patient appelle, l’agent d’IA s’occupe de tout automatiquement. C’est cela l’avenir de la communication, et cela arrive plus tôt que beaucoup ne le pensent.’
Un nouveau managing director chez Dstny Belgium
D’opérateur télécom à l’IP propre
La stratégie comporte également un volet financier. ‘Nous devons déplacer notre chiffre d’affaires des télécommunications classiques vers des revenus IP propres. Les revenus télécoms sont soumis à une forte pression. Avec notre propre IP logiciel, nous pouvons croître plus rapidement et créer plus de valeur. La clé pour y parvenir réside dans les partenaires. ‘Le canal indirect est crucial. Grâce à notre Dstny Portal, les partenaires peuvent activer une offre complète en quelques minutes: lignes fixes et mobiles, intégration Teams, liens avec le CRM ou l’ERP. Tout est automatisé. Cela rend notre technologie accessible aux PME et évolutive pour nous. Nous avons investi massivement dans cette livraison rapide et nous pouvons maintenant en récolter les fruits.’
One Dstny
Après des années de rachats, une intégration était également nécessaire. ‘Nous ne voulions pas d’une holding avec vingt marques, mais d’une seule entreprise: One Dstny. En interne, nous appelons cela notre programme Focus to Scale. Moins de fragmentation, plus de focus séquentiel. C’est nécessaire pour pouvoir innover plus rapidement et de manière plus cohérente. Cette approche permet également d’offrir plus facilement la même expérience client à l’international. ‘Que vous soyez en Suède ou en Belgique, le parcours client doit être identique. C’est quelque chose sur lequel de nombreux opérateurs ont trébuché dans le passé.’
Parallèlement, Dstny souhaite également collaborer plus étroitement avec les grands opérateurs. ‘Ils ont des millions de clients, mais tous ont du mal à s’adapter aux systèmes hérités. Nous pouvons être un concentrateur d’innovations pour eux, en proposant UCaaS et l’IA en tant que service. C’est ce que nous faisons déjà dans les pays nordiques, et nous voulons faire de même en Belgique et en France. Il est clair que la vision et l’ambition ne manquent pas, mais la mise en œuvre devra le démontrer, et De Wever s’en rend compte aussi: ‘Dans les années à venir, nous devrons montrer que nous pouvons vraiment faire en sorte que la transformation se produise. Cela signifie qu’il faudra convaincre les partenaires, intégrer des opérateurs, attirer des développeurs et maintenir l’évolutivité de notre organisation. C’est la seule façon d’éviter de ne plus être pertinents dans cinq ans.’
‘Microsoft Teams représente encore un énorme potentiel pour nous’
Quelle sera la place de Microsoft Teams, le logiciel collaboratif le plus utilisé au monde, dans cette nouvelle histoire, voulons-nous encore savoir. Car il permet finalement aussi de passer des appels et de profiter d’une communication intégrée. ‘Nous avons vu très tôt l’émergence de Microsoft Teams en tant que poste de travail numérique. Nous y avons réagi avec le rachat de la firme britannique Qunify. Aujourd’hui, nous avons vendu plus d’un million de licences sur notre couche d’intégration Microsoft Teams. Le potentiel est encore énorme, car sur les quelque 360 millions d’utilisateurs de Teams, nous savons que seuls 30 millions environ utilisent réellement la plateforme pour passer des appels.’
Dstny engloutit Qunifi, un intégrateur Teams britannique