Young ICT Lady of the Year: ” Dès que vous avez de la crédibilité, votre voix est nettement plus forte “

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Pieterjan Van Leemputten

Elle n’est entrée en contact avec l’ICT que lors de son premier emploi et revient de 2 ans à New York, pleine d’ambitions. ” On ne peut pas tout faire, mais on peut tout apprendre. ” Rien que pour cette affirmation, Laurence Schuurman mériterait le titre d’ICT Young Lady of the Year.

Personne n’a jamais affirmé qu’être élu par Data News était chose aisée. Un vendredi, Laurence se présentait devant le jury et, lorsque nous la recontactons le lundi suivant, elle est déjà en partance pour New York. Obliger son avion à faire demi-tour étant impossible, nous lui avons fixé le vendredi suivant pour une séance photo. ” En fait, je n’ai pas le temps de voir le décalage horaire : je sors de l’avion, direction le bureau. ” Pour autant, l’équilibre travail/vie privée reste important à ses yeux.

Vous avez étudié la gestion internationale avant de vous tourner ensuite vers le secteur ICT. Comment cette passion vous est-elle venue ?

LAURENCE SCHUURMAN: Après mes études, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire. J’aimais les maths et les langues, et la gestion internationale combinait les deux. Une fois diplômée, j’ai suivi une présentation sur l’ICT et la consultance, ce qui m’a permis de voir les bons et les moins bons côtés. C’est ainsi que j’ai commencé chez Capgemini pour y développer un projet de VoIP.

L’avantage d’un tel projet d’infrastructure est qu’il est très tangible. Pour moi, il est important de pouvoir voir les choses pour les comprendre. Par la suite, j’ai visité des datacenters avec plein de LED et de connexions réseau. Mais j’ai aussi beaucoup parlé aux gens pour me forger une idée des choses. C’est ainsi que j’ai appris que l’IT était chouette.

Etait-ce difficile de commencer sans bagage IT ?

LAURENCE SCHUURMAN: J’ai certes posé beaucoup de questions stupides aux techniciens. Mais comme je n’avais pas ce bagage, j’ai pu discuter avec les clients sur la même longueur d’onde. Pour moi, il est extrêmement important de bien tout comprendre. ”

Et ce n’est pas peu dire pour cette francophone qui voulait absolument parfaire son néerlandais. Du coup, Laurence Schuurman a travaillé à Rotterdam de 2013 à 2015. Ensuite, elle se rend aux Etats-Unis en 2016 pour y devenir executive program manager. Au moment de son élection, elle revient tout juste d’un séjour de 22 mois.

” Au début de ma carrière, je me considérais comme une femme non néerlandophone sans bagage IT et estimait que je ne réussirais jamais. Etre une femme dans un monde d’hommes est difficile, il faut pouvoir affronter certaines remarques et faire ses preuves. En revanche, une fois que l’on a pu faire entendre sa voix, on est écoutée. Peut-être même davantage que les hommes. ”

Faire ses preuves est compliqué, mais la réaction est ensuite plus positive.

LAURENCE SCHUURMAN: C’est exact. Dès que vous avez de la crédibilité, votre voix est nettement plus forte. C’est ce que je ressens aujourd’hui encore : une femme dans l’IT peut signifier beaucoup pour d’autres femmes dans l’organisation.

Lors de votre présentation face au jury, il est apparu que vous aviez fait un peu de tout : codage, test, stratégie, etc. Que préférez-vous ?

LAURENCE SCHUURMAN: Apprendre. Non que le contenu ne soit pas important, mais l’un de mes principes est que l’on peut tout apprendre. Peut-être pas directement, car on ne peut pas tout faire. Mais il est possible d’apprendre n’importe quoi. Par ailleurs, je désire avoir un impact, le sentiment de faire quelque chose pour un environnement plus large et de pouvoir aider le client à avancer.

Peut-être le testing me convient-il moins. Surtout parce qu’il s’agit d’un emploi très spécifique. Mais en le faisant, j’ai compris ce qu’il implique et la manière dont les gens doivent réfléchir dans un tel contexte. Je suis donc contente de l’avoir fait.

C’est une question cliché, mais si vous voulez aujourd’hui essayer autant de choses, où en serez-vous d’ici 20 ans ?

LAURENCE SCHUURMAN: J’aurai alors 50 ans. J’espère occuper une position dirigeante dans une grande entreprise. Peut-être l’étranger fera-t-il alors partie intégrante de ma vie. Mais uniquement si mon ami et ma famille sont d’accord, car ils sont aussi très importants. Je vise davantage d’impact, de collaboration, d’apprentissage, de responsabilités et de sens pour autrui. En fait, je rêve aussi d’une start-up, sans doute moins dans l’IT que dans l’entreprenariat social et l’inclusivité numérique. L’IT implique également que des emplois évolueront ou disparaîtront et j’espère ici également avoir un rôle à jouer.

Vous voulez les deux ?

LAURENCE SCHUURMAN: Je n’ai aucune idée s’il est possible de combiner tout cela, mais les choses deviendront plus claires au fil du temps. Avec des projets en entreprenariat social, je souhaite donner confiance aux gens qu’ils peuvent atteindre un objectif et leur donner les moyens d’apprendre. L’évolution numérique est très rapide et beaucoup de personnes ont l’impression d’être perdues et que le monde tourne à l’envers. Or comprendre la numérisation peut les aider.

Vous avez déjà travaillé aux Pays-Bas et à New York et il semble que vous aimeriez aller à Singapour ou Melbourne. Bref, l’étranger.

LAURENCE SCHUURMAN: C’est surtout à long terme. Beaucoup dépendra de mon compagnon, sachant que mon coeur est vraiment en Belgique. Il faut d’ailleurs être bien dans sa tête pour affirmer haut et clair que l’on quitte New York, mais je suis une vraie Belge. On se plaint beaucoup en Belgique, mais c’est un pays formidable. A New York, on peut être licencié du jour au lendemain, tandis que le congé de maternité n’est que de 2 semaines. Rien à voir avec la Belgique.

Vous êtes une femme dans un secteur d’hommes en quête de nouveaux talents. Comment améliorer la situation ?

LAURENCE SCHUURMAN: En recherchant la diversité. Au niveau des femmes, il faut leur expliquer très tôt que l’ICT est chouette et leur montrer qu’il y a aussi des possibilités d’emploi dans l’ICT. C’est notamment la raison pour laquelle je vais collaborer à WeGOSTEM avec Valerie Taerwe.

Mais il s’agit également de casser les préjugés. J’ai également dû défier mes parents. Ma jeune soeur dit d’ailleurs qu’il est difficile de combiner carrière et famille. Or j’estime que c’est une question d’organisation. Ce n’est certes pas facile, mais c’est possible. Mais si même elle a cet avis, cela signifie qu’il y a encore du travail.

Au-delà des femmes, il faut également donner davantage de chances aux gens ayant un autre bagage. L’un de mes meilleurs testeurs a étudié la géographie. Or il est particulièrement bon dans son travail parce que sa formation lui permet d’envisager les choses autrement. Selon moi, les réfugiés offrent également beaucoup de potentiel. Tout le monde peut apprendre.

Aux Etats-Unis, on constate d’ailleurs que beaucoup de femmes choisissent entre carrière et maternité. Elles s’arrêtent de travailler quelques années et pensent trop souvent qu’elles ne sont plus dans le coup. Comme si la maternité paralysait le cerveau, alors même que j’estime que cela donne un boost de maturité. La valeur de la femme s’en trouve augmentée. Certes, ce n’est pas facile, mais il faut pouvoir penser solutions. Des femmes comme Ingrid Gonnissen, Martine Tempels ou Pascale Vandamme ont à la fois des enfants et une carrière. Elles ne sont pas pour autant devenues des hommes. Ce sont des personnes ordinaires qui mènent une vie extraordinaire.

Y a-t-il une différence dans l’approche des choses entre femmes et hommes ?

LAURENCE SCHUURMAN: C’est surtout une question d’équilibre. Nous avons tendance à penser en termes de stéréotypes, mais au final, le leadership est synonyme d’intelligence émotionnelle et de décisions factuelles, ce qui dépend vraiment d’une personne à l’autre quel que soit son sexe. Sinon, on pourrait très bien se demander si un blond est meilleur qu’un brun par exemple.

Dans votre présentation, vous avez dit qu’il n’avait jamais été aussi facile de devenir développeur ou concepteur Web. Mais les gens n’ont pas toujours les moyens. Qu’entendez-vous par là ?

LAURENCE SCHUURMAN: Nous vivons dans une société de l’information. Donnez un smartphone ou un PC avec accès Internet à une personne, et elle pourra déjà aller très loin. J’ai même une fois vu une personne en Afrique créer avec son seul smartphone une start-up qui avait conçu un système de paiement. Aujourd’hui, on peut apprendre énormément en ligne sur YouTube ou Coursera. Mais tant que les moyens manquent, c’est difficile. Pour beaucoup de personnes, l’enseignement se confine à l’école, alors que la génération actuelle voit nettement plus large. D’ici 2020, les millennials représenteront la moitié du marché du travail. Il sera intéressant de voir comment la jeune génération abordera le monde.

Remarquez-vous de grandes différences entre vos collègues jeunes et plus âgés ?

LAURENCE SCHUURMAN: J’ai moi-même une équipe de stagiaires qui ne demandent pas mieux que d’avoir de l’impact. Ils attachent beaucoup d’importance à l’équipe travail/vie privée et la persévérance n’est pas toujours leur point fort. Mais c’est peut-être davantage de ma faute. Je suis impatiente et tout peut toujours être mieux. Inversement, je suis beaucoup en contact avec des cadres supérieurs qui sont étonnés que j’ose poser des questions, ce qui suscite la confrontation.

Est-ce toujours apprécié ?

LAURENCE SCHUURMAN: Il faut évidemment savoir apprendre quand on peut dire quelque chose ou pas. Mais il est fascinant de voir les différences. Celles-ci ne portent pas, et de loin, sur le sexe ou l’âge. Pour moi, ce qui m’intéresse chez une personne, c’est de savoir si elle a beaucoup voyagé, quel est son bagage et ses ambitions. A ce niveau, je remarque que ce sont d’autres choses qui motivent mes stagiaires ou les rendent heureux.

Vous avez déjà indiqué que la jeune génération attend un meilleur équilibre entre travail et vie privée. Dans les formations que vous suivez, on retrouve aussi la médiation. Comment trouvez-vous cet équilibre personnellement ?

LAURENCE SCHUURMAN: Lorsque je suis à New York et que j’entretiens une relation à distance, je consacre beaucoup de temps à mon travail et à la JCI. Par ailleurs, je lis beaucoup et me consacre à la méditation. J’ai appris à connaître mes limites et celles-ci sont rarement bonnes. Par la méditation, en faisant une chose à la fois, en prenant ses distances et en essayant de voir les choses en plus grand, il m’arrive de constater que quelque chose est simplement le résultat de plusieurs éléments.

Il s’agit là non seulement d’une manière de se détendre, mais aussi de prendre le temps d’être dans le moment présent. Je ne suis jamais multi-tâche, ce qui me permet de terminer plus rapidement ce que j’ai commencé. Mais c’est aussi une question de gestion du temps, de maîtrise de sa messagerie et de savoir dire non. Lorsque je suis en Belgique et que je commencer à cuisiner avec mon partenaire, il n’est plus question de travail. Au boulot, je suis concentré sur mon travail, mais en dehors, je prends du temps pour moi et pour les gens avec lesquels je suis à ce moment-là.

Vous avez déjà bourlingué pas mal à travers le monde et mettez un terme à l’aventure à New York. Où voudriez-vous aller de préférence, pour le travail ou le plaisir ?

LAURENCE SCHUURMAN: De préférence à la maison. Je voyage beaucoup, mais le sentiment d’un foyer est important. Pas tant où l’on habite, mais où se trouvent vos amis et votre famille. L’une de mes activités favorites est un simple repas avec des amis ou de la famille, un verre de vin, pas de GSM et discuter de la vie. C’est pour moi ce qu’il y a de plus beau.

Laurence Schuurman

? Senior Consultant chez Capgemini à New York (2016 – aujourd’hui)

? Consultante chez Capgemini (2012-2016)

? Saviez-vous-que…

– Laurence a grandi dans une ferme et s’est lancée voici 12 ans déjà dans l’organisation d’une Foire Agricole dans l’entité particulièrement rurale de Battice-Herve (depuis 2005)

– Elle est formatrice en communication, gestion du temps et méditation

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