Vers un métavers industriel

Bosch a dévoilé à l'occasion de sa conférence des prototypes de capteurs pour l'automobile.
Pieterjan Van Leemputten

Depuis des années déjà, Bosch mise sur la numérisation et la connectivité. Si l’entreprise emprunte cette voie depuis longtemps déjà, elle admet que le chemin est encore long. C’est pourquoi elle investira ces 3 prochaines années pas moins de 10 milliards d’euros.

Cette enveloppe de 10 milliards ? est destinée aux nouvelles technologies, initiatives en matière de mobilité (l’entreprise est très présente dans le secteur automobile, mais aussi dans les e-vélos et autres moyens de transport) ainsi que dans l’industrie 4.0. Mais ces investissements nécessiteront de trouver de nouveaux profils. “Aujourd’hui, nous employons 40.000 développeurs dans le monde et investissons massivement dans les formations et dans leurs carrières”, explique Stefan Hartung, président et CEO.

Ces fonds doivent non seulement permettre à Bosch de se développer, mais aussi de lutter contre les changements climatiques. “Le climat et la technologie dominent actuellement les débats et notre ambition est de combiner les deux. Mais le défi ne peut être relevé par une entreprise seule, il est indispensable d’identifier l’ensemble des options.” Et de faire référence aux logiciels et aux plateformes cloud permettant d’accélérer le processus de décarbonisation, mais aussi aux solutions susceptibles d’optimiser les données fournies par le marché de l’énergie afin de mieux gérer les énergies renouvelables. Et à plus long terme, l’entreprise envisage d’ailleurs un partenariat avec IBM en matière d’informatique quantique (voir encadré).

Le climat et la technologie dominent actuellement les débats et notre ambition est de combiner les deux.” STEFAN HARTUNG, CEO de Bosch

Globalement, Bosch n’a fait aucune révélation nouvelle à l’occasion de Bosch Connected World, la première édition physique de l’événement depuis la pandémie de 2020. Par le passé déjà, l’entreprise avait mis l’accent sur la co-innovation et les partenariats. Même si désormais, l’accent est davantage mis sur les logiciels et le cloud dans une entreprise que l’on associe plus volontiers à de l’outillage électrique, aux moteurs de vélos et aux environnements industriels.

En l’occurrence, Bosch vise à améliorer l’expérience physique grâce à l’encadrement numérique. “Toute numérisation s’appuie sur une base physique. Les hommes sont à la fois physiques et analogiques et même un four numérique doit fonctionner avec un poulet physique.”

Métavers industriel

Une part importante de l’encadrement numérique de Bosch concerne les jumeaux numériques où Bosch est à la fois fournisseur et utilisateur. Lancé voici quelques années par Gartner, cette notion est déclinée chez Bosch sous la forme d’un ‘métavers du secteur industriel’. En l’occurrence, le concept reste identique, mais l’idée surfe sur la vague de l’effet de mode du moment. Entre-temps, les jumeaux numériques sont une réalité, mais Bosch estime que leur déploiement nécessite des efforts et qu’il existe plusieurs niveaux de jumeaux. “Cela peut être extrêmement envahissant. C’est la clé permettant d’aborder n’importe quelle problématique et d’améliorer un produit et son cycle de vie”, estime Rainer Lang, CDO Mobility de Bosch. Et d’insister sur la notion de ‘beaucoup’. Beaucoup d’experts du domaine, beaucoup de produits différents et beaucoup de types de produits, et bien sûr aussi beaucoup de directions pour compléter le puzzle du jumeau numérique. “Par où commencer sans perdre la tête? Procédez étape par étape, tout en sachant qu’il y a mille étapes et qu’il faut y aller doucement. Commencez donc petit, sachant que vous ne trouverez pas la réponse à toutes vos questions dès le premier jour.”

Même lorsqu’une première version du jumeau numérique sera finalisée, le travail est loin d’être terminé selon Lang. “Celle-ci pourra apporter certaines réponses, mais encore faudra-t-il l’enrichir de différents aspects. Décrivez chaque élément, précisez le contexte et rendez ces données accessibles via une API. Et lorsque vous aurez suffisamment de contexte, vous pourrez intégrer les données brutes pour disposer d’analyses plus pointues. Il s’agit d’une tour qui doit se construire.” Et Lang de remarquer finement que le produit maison, Bosch Semantic Stack, se révèle idéal pour intégrer et modéliser ces données.

Cela étant, le succès d’un jumeau numérique réside dans la disponibilité de nouvelles données en continu. “Si une nouvelle source de données apparaît, il fait l’incorporer afin d’améliorer le modèle. Par ailleurs, réutilisez les jumeaux dans d’autres environnements.”

Le plus important département de Bosch, la division Powertrain Solutions, est une multinationale en soi. Elle travaille tant avec ses propres données qu’avec des données externes pour le développement de ses produits. Alexander Henle, directeur Business Digital Organization de Powertrain Solutions, explique comment l’entité fonctionne et détaille les trois jumeaux numériques utilisés pour différents objectifs et étapes du processus de conception et de fabrication.

C’est ainsi qu’un premier jumeau générique a été mis au point, destiné à la modélisation physique et à la conception proprement dite du produit. “Il donne une vue générale sans préciser chaque pièce. Il aide au développement de produits et permet de gagner à la fois du temps et de l’argent dans la mise au point.” Bref, le volet ingénierie.

L’étape suivante est un jumeau unique qui intègre des pièces individuelles, comme des données produit des sous-traitants, des données de traçabilité et des données de SAP. Il permet de créer un jumeau numérique pour chaque pièce individuellement et est surtout destiné à la production et à la logistique. Il permet aussi d’avoir une vue sur les spécificités propres du produit en cours de développement.

“Viennent enfin les jumeaux opérationnels. Ils intègrent des données et services provenant du terrain et permettent l’AIoT [où chaque élément est non seulement connecté, mais aussi intelligent, NDLR]. Ils nous permettent d’intégrer des services numériques et de les supporter de manière proactive.” A ce stade, les jumeaux numériques sont au niveau individuel, chaque produit qui sort de la chaîne ou est livré au client a sa propre copie numérique.”

Henle envisage également le proche avenir, où toutes sortes de données, tant internes qu’externes, seront traitées dans un tel jumeau. “La fusion de données provenant de l’extérieur représente la prochaine étape à grande échelle.” Même si Henle reconnaît que ce n’est pas toujours évident. “Il faudra des standards pour poursuivre l’évolution.” Cela dit, il se montre optimiste pour l’avenir. “Aujourd’hui, il ne s’agit encore que d’une vision, mais au cours de la prochaine décennie, nous assisterons à une fusion des données au niveau du système et de l’écosystème, ce qui permettra de voir émerger un métavers industriel où il sera possible de collaborer en virtuel avec des partenaires et des clients, et donc de suivre un produit sur l’ensemble de son cycle de vie.”

Collaboration Bosch-IBM en informatique quantique

A l’occasion de Bosch Connected World, l’entreprise a annoncé un partenariat avec IBM en informatique quantique. Sachant qu’IBM est active depuis des années déjà dans ce domaine, Bosch espère surtout trouver des cas d’usage pratiques grâce à cette collaboration. “Nous sommes deux entreprises différentes: IBM avec son matériel et ses recherches, tandis que Bosch s’oriente vers des domaines ciblés”, précise Stefan Hartung. Et de préciser qu’il s’agit là d’un projet à long terme, mais que la percée de cette technologie est plus proche que jamais.

A titre d’exemple de l’utilisation de ce nouveau type de puissance informatique, le patron de Bosch évoque la simulation de matériaux ou de matières premières pour le développement d’équipements utilisant moins de métaux rares (ou d’autres matières). Autre exemple: la recherche en matière d’alzheimer, où l’informatique quantique peut aider à affiner les mesures du magnétisme. A nouveau, Bosch souligne qu’il s’agit d’une vision à long terme et d’ambitions, et que le partenariat n’a pas encore permis d’applications ou de réalisations concrètes. Mais il apparaît que dans ce partenariat, IBM se chargera de la conception des ordinateurs quantiques et Bosch de sa mise en oeuvre concrète.

STEFAN HARTUNG
STEFAN HARTUNG

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire