Swappie: ‘Un appareil utilisé plus longtemps, s’avère meilleur pour le climat’

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Pieterjan Van Leemputten

Il ne manque pas de vêtements de seconde main pour enfants ou de voitures d’occasion sur le marché, mais pour ce qui est des smartphones, la plupart des consommateurs se tournent invariablement vers les magasins. Swappie entend changer cela et promet des iPhones soigneusement testés et réparés, à un prix inférieur à ce que vous payez chez Apple. Parfait pour votre portefeuille et pour l’environnement! Mais Apple ne facilite pas la vie de ce genre d’acteur.

Data News a rencontré Sami Marttinen, CEO de Swappie. En 2016, il a été l’un des fondateurs de l’entreprise, après qu’il se soit lui-même fait arnaquer lors de l’achat d’un appareil de seconde main. Le marché de l’occasion étant relativement restreint et peu fiable, il doit faire l’objet de changements à deux niveaux. Les smartphones représentent en effet une grande partie de nos déchets électroniques, alors qu’ils pourraient souvent tenir le coup plus longtemps moyennant un peu de travail de reconditionnement.

Marttinen: ‘Au lieu de simplement créer une plate-forme où vous pouvez acheter et vendre, nous voulons nous concentrer sur la qualité. Un appareil remis à neuf doit avoir une durée de vie plus longue et être accompagné d’une garantie. Aujourd’hui, Swappie achète des appareils aux consommateurs et aux entreprises, qui aboutissent ensuite dans ses centres en Finlande ou en Estonie, où débute le processus de contrôle.

‘Ce processus commence par l’effacement et la vérification des logiciels. Ensuite, nous inspectons également le matériel: le téléphone est ouvert, et tout ce qui fonctionne encore est contrôlé: l’écran, le boîtier, la batterie. Et si nous remarquons des défauts, nous poussons le contrôle jusqu’à la carte mère pour voir ce qui ne va pas.’ Les appareils présentant des défauts seront réparés et revérifiés ultérieurement. ‘Il arrive parfois que nous devions réparer une ligne de données sur la carte mère, par exemple. Lorsque tous les outils de diagnostic indiquent que le téléphone fonctionne correctement, il est remis en vente.’

Sami Marttinen, CEO de Swappie
Sami Marttinen, CEO de Swappie© Swappie

Swappie se concentre sur les iPhones pour deux raisons. ‘Aujourd’hui, on bénéficie facilement de six ans d’assistance sur un iPhone. Nous proposons donc jusqu’à l’iPhone 7. Du point de vue technique, nous pourrions aussi proposer des appareils plus anciens, mais sans support logiciel, certaines fonctions manqueraient à l’appel.’ Avec Android, ce support est nettement plus court, mais Marttinen signale qu’il est plus aisé de se focaliser sur une seule et même catégorie de produits, afin de garantir la qualité, plutôt que sur la large gamme d’appareils Android.

Pas mouillé, pas plié

Quand un téléphone est-il complètement fichu, au point que même un re-conditionneur expérimenté renonce à y mettre la main? ‘Nous ne pouvons pas réparer les dégâts des eaux. Cela gâche tout, surtout si l’appareil est resté longtemps dans l’eau. Un deuxième refus s’applique à un iPhone qui a été plié, car il y a dans ce cas probablement des dommages à la carte mère. On peut réparer ou remplacer tout le reste, mais pas cela.’

Il est malaisé de déterminer la durée de l’ensemble du processus d’inspection et de réparation. ‘Généralement, il s’agit de quelques semaines, mais nous ajustons notre pipeline en fonction de la pression du moment.’

Association logicielle

La réparabilité d’un iPhone varie considérablement d’une génération à l’autre. C’est déjà devenu plus facile pour les consommateurs grâce à des initiatives comme iFixit, qui vend des outils et propose des manuels de réparation. Pour les réparateurs professionnels, la situation est légèrement différente.’

‘Lorsque nous avons commencé en 2016, les appareils jusqu’à l’iPhone 6 étaient plus aisément réparables. Ensuite, c’est devenu plus difficile, car il fallait des outils spécifiques ou des moyens coûteux. Le nouvel iPhone 14, en revanche, est de nouveau plus facilement réparable. C’est une bonne nouvelle, surtout pour le consommateur, car Apple a entre-temps introduit l’appariement des pièces (‘part pairing’).’

Ce dernier point signifie que vous ne pouvez pas comme bon vous semble remplacer une pièce d’un iPhone. À moins qu’elle n’ait été achetée via Apple et que vous ne l’associez à votre appareil par voie logicielle, vous recevrez un avertissement ou, dans certains cas, vous bénéficierez de moins de fonctionnalités.

‘Même si vous prenez deux nouveaux iPhones et échangez leurs écrans d’origine, vous pouvez recevoir cette notification. Les couleurs peuvent ne pas s’afficher correctement ou Face ID peut ne pas fonctionner. C’est regrettable dans la mesure où techniquement tout fonctionne.’

Marttinen établit ici une comparaison avec des fabricants d’imprimantes, dont les appareils se bloquent, lorsque vous utilisez une cartouche d’un acteur moins cher: ‘Même d’un point de vue écologique, ce n’est pas une bonne chose.’ Dans le même temps, il reconnaît qu’il s’agit d’une menace pour le modèle commercial de Swappie, mais aussi pour le droit à la réparation en général. Chose que Matthias Mayer, directeur européen d’iFixit, a également évoqué récemment dans une interview accordée à Data News.

‘Lorsque l’écran de votre iPhone se casse, vous pouvez généralement le faire réparer dans votre région pour moins d’une centaine d’euros. Mais si vos pièces doivent provenir d’Apple et qu’il y a beaucoup plus de dégâts, vous pourriez payer deux cents, voire trois cents euros. Il devient alors plus intéressant d’acheter un nouvel appareil au lieu d’utiliser une année de plus l’ancien téléphone. Voilà qui explique pourquoi tant d’appareils finissent en décharge.’ Marttinen précise qu’Apple n’est pas le seul acteur du marché à agir ainsi. Mais il craint que cela ne devienne une tendance industrielle.

Swappie: 'Un appareil utilisé plus longtemps, s'avère meilleur pour le climat'
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C’est en partie pour cette raison que Swappie est devenue depuis cette année, tout comme iFixi, membre de la Right to Repair Coalition, un groupe de pression qui prône le droit de réparer soi-même son appareil, mais aussi l’interdiction de l’appairage logiciel. ‘Ce n’est pas quelque chose qui n’affecte que Swappie, mais la majorité des réparateurs.’

D’abord pour les enfants, puis pour vous-même

Les acheteurs d’appareils reconditionnés varient considérablement en fonction de la maturité du marché, mais aussi de la réputation de Swappie même. ‘Les clients qui acquièrent des appareils reconditionnés pour la première fois, achètent rarement les appareils les plus chers. C’est souvent pour leurs enfants, mais une fois qu’ils s’aperçoivent que l’appareil fonctionne bien, ils décident d’en acheter un pour eux. Il s’agit alors souvent de versions plus récentes ou plus chères. Dans les pays nordiques, nous vendons un iPhone 12 ou 13 relativement plus souvent que dans les régions où nous ne sommes pas actifs depuis si longtemps.’

Pouvoir vendre facilement fait également partie de la stratégie. Marttinen montre une photo sur son téléphone d’un grand distributeur automatique installé dans un supermarché, où les gens peuvent déposer leur appareil. ‘De cette façon, il est beaucoup plus facile pour les gens d’échanger leur appareil.’

En quête de reconnaissance en Belgique

Aujourd’hui, Swappie est une entreprise de plus d’un millier de personnes réalisant un chiffre d’affaires de 195 millions d’euros (2021) répartis dans 14 pays européens. La Belgique en fait partie. Ce qui importe pour s’étendre, selon l’entreprise, c’est surtout de rendre le service local: ‘Cela inclut les options de paiement ou d’expédition proposées.’

En Belgique, cette tâche a été confiée à Gregory Coffiner, country manager belge de Swappie depuis cet été: ‘Le reconditionnement et une grande partie du marketing se font depuis la Finlande, mais avec une présence locale, nous savons également que le comportement d’achat en Flandre est différent de celui en Wallonie.’

Swappie a elle-même mené une étude de marché à ce sujet. Par le biais du cabinet d’analystes Kantar, l’entreprise sait que pour trois Belges sur dix, vendre leur smartphone n’est pas envisageable, et que seuls quinze pour cent des Belges l’ont déjà fait. Mais il y a de l’espoir: au niveau européen, une étude de Counterpoint montre que le marché des smartphones reconditionnés progressera de 10,23 pour cent par an entre 2022 et 2027. C’est bien plus que le marché des smartphones classiques.

‘Pour nous, il s’agit surtout de se faire entendre: pourquoi achèteriez-vous un appareil reconditionné au lieu d’un neuf? Nous remarquons actuellement une plus grande attention accordée en Wallonie qu’en Flandre, mais nous espérons nous faire connaître également en Flandre. Coffiner croit que les consommateurs peuvent être convaincus: ‘Le commerce électronique a également démarré lentement en Belgique et maintenant presque tout le monde s’y trouve.’

Swappie: 'Un appareil utilisé plus longtemps, s'avère meilleur pour le climat'
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‘Au fait, il ne s’agit pas seulement d’acheter chez nous, mais nous voulons aussi que les gens nous vendent leurs téléphones. Mais s’ils ne vous connaissent pas, la confiance n’est pas de mise. Nous essayons donc de rendre tout aussi simple que possible, afin que le client reçoive une offre (la valeur de son appareil, ndlr) dans les deux jours et que le montant soit versé sur son compte dans les trois jours.’

Moins cher, mais pas le moins cher

Quiconque achète un iPhone 13 chez Swappie, paie aujourd’hui 699 euros au moment d’écrire ces lignes. Le même modèle neuf chez Apple coûte 909 euros. C’est donc moins cher, mais sur les marchés d’occasion de seconde main, il est possible de trouver encore moins cher. Marttinen souligne que Swappie se situe quelque part entre les deux.

‘Vous achetez un téléphone qui a été minutieusement testé et réparé. Dans le même temps, nous sommes clairs sur les éventuels défauts visuels en les répartissant en trois catégories: rayures sur le boîtier, légères éraflures sur l’écran ou téléphone visuellement parfait. Il ne peut y avoir de défauts au niveau du contenu.’

La question demeure, bien sûr, de savoir à quel point un téléphone est encore écologique, lorsqu’il aboutit d’abord en Estonie ou en Finlande, pour ensuite réapparaître ailleurs en Europe, mais Marttinen apporte ici une nuance chiffrée: ‘Nous privilégions autant que possible le transport en vrac pour limiter l’impact. Mais selon notre propre étude en la matière, un appareil remis à neuf par Swappie a une empreinte écologique de 87 pour cent inférieure à celle d’un appareil neuf. Même si du transport supplémentaire est nécessaire, un appareil utilisé plus longtemps s’évère meilleur pour le climat.’

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