Carte blanche

‘Proximus fournit-il un bon service ou fausse-t-il la concurrence?’

La semaine dernière, Alexander De Croo annonçait qu’il allait faire contrôler si Proximus n’enfreignait pas les règles européennes en matière de neutralité du net avec son nouveau pack Tuttimus. Je peux d’ores et déjà lui répondre: tel n’est pas le cas.

Mais ce n’est pas parce que ces règles ne sont pas enfreintes que la neutralité du net n’est pas menacée. On l’a bien compris aux Pays-Bas, où le Sénat a récemment renforcé les règles néerlandaises sur la neutralité du net.

L’ordonnance européenne qui s’applique depuis le 30 avril en matière de neutralité du net n’aborde en effet pas ce qu’on appelle le ‘zero rating’. Il s’agit en l’occurrence pour un fournisseur de ne pas prendre en compte un trafic internet spécifique dans le volume de données total d’un client. C’est ainsi qu’Orange ne prend pas en compte le trafic Facebook et Twitter et que chez Proximus, l’ensemble de vos données Pokemon Go ne vous est pas facturé.

Une bonne chose donc pour le consommateur qui reçoit donc des données gratuites. Et pourtant?

Le problème, c’est que toute discrimination positive implique aussi une discrimination négative. Un consommateur reçoit quelque chose qu’un autre n’obtient pas. Il est parfaitement possible que Netflix paie un fournisseur pour ne pas prendre en compte son trafic, alors que le trafic d’Amazon ou d’Hulu est lui bel et bien comptabilisé. Est-ce là faire jouer le marché ou fausser la concurrence? La frontière est particulièrement ténue.

Proximus fournit-il un bon service avec Tuttimus ou fausse-t-il la concurrence?

A mes yeux, l’ordonnance européenne contient trop d’exceptions pour garantir encore une véritable neutralité du net. Des exceptions dues surtout à la pression exercée par les fournisseurs en vue. C’est ainsi que ces derniers ont le droit d’intervenir dans le trafic réseau. S’ils en arrivent à penser que leur niveau risque d’être encombré, ils ne doivent plus le mettre à niveau, mais il leur est permis d’accorder la priorité à certains services.

C’est ainsi qu’un fournisseur peut prétendre accorder la priorité au trafic de données d’IPTV, afin de permettre au consommateur de regarder sans problème la télévision. Est-ce un bon service ou de la fausse concurrence?

Et qu’en est-il si ce fournisseur accélère son propre trafic IPTV et pas celui de Netflix? Du point de vue purement légal, c’est parfaitement possible. Les fournisseurs ne peuvent certes pas ralentir le trafic de Netflix, mais dans le cas d’un réseau saturé, voire “prétendument saturé”, ils peuvent accorder la priorité à leur propre trafic.

Comme cela n’est pas ou très peu contrôlable, je plaide résolument pour une stricte neutralité du net. Si l’on veut garantir la qualité de certains services (comme l’IPTV ou la téléphonie IP), cela doit se faire au niveau du protocole, afin que tout le trafic IPTV ou téléphonique IP soit avantagé et pas uniquement celui d’un ou de plusieurs acteurs.

En fait, il s’agit là d’un non-débat: si chaque acteur veille à pouvoir (continuer à) offrir suffisamment de capacité réseautique, il n’est en effet même pas besoin d’évoquer la neutralité du net. Peut-être le ministre Decroo devrait-il faire contrôler la façon dont il peut (aider à) y veiller?

David Geens est Managing Partner chez le fournisseur d’hébergement Nucleus

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