Bram Vanderborght
Pourrions-nous construire le robot Baymax?
Disney+ sort une série animée sur Baymax, un robot gonflable qui sert d’assistant médical. Pour Bram Vanderborght, expert en robotique : ” L’idée d’un robot gonflable n’est pas si folle que ça. “
Dans les films, les robots tiennent généralement le rôle de créatures sanguinaires désireuses de conquérir le monde. En ce qui me concerne, les seuls robots qui suscitent mon intérêt à l’écran sont ceux qui apportent une contribution positive aux gens et à la société. Comme Wall-E, cet adorable robot présenté par Disney en 2008 et qui a dépollué la terre pour la rendre à nouveau habitable. Les nouveaux héros, un film d’animation sorti en 2014, raconte l’histoire émouvante d’Hiro, un génie de quatorze ans qui se lie d’amitié avec Baymax, un grand robot gonflable. À partir du 29 juin, le robot assistant médical Baymax entamera une série de nouvelles aventures sur Disney+.
Robot gonflable
Le fait que Baymax soit un robot gonflable ne doit rien au hasard. Avant de commencer un nouveau film d’animation, le producteur John Lasseter demande toujours à ses collaborateurs de mener des recherches. C’est ainsi que ces derniers se sont retrouvés dans le laboratoire de robotique du professeur Chris Atkeson, dans la célèbre université Carnegie Mellon, où ils ont vu un bras robotisé gonflable en action pour nourrir notamment des gens.
Pourquoi gonflable ? Les robots traditionnels sont composés de pièces métalliques animées par des moteurs. Hérités des robots industriels qui doivent être très précis, ils sont dangereux et ne peuvent donc évoluer que dans des cages fermées et inaccessibles.
Or, il est de plus en plus évident que nous avons surtout besoin de robots capables d’aider les personnes, et non de les remplacer. Pour cela, les robots doivent pouvoir évoluer dans un environnement optimisé pour l’homme. Et quelle machine est mieux adaptée à cette tâche qu’un robot ayant la même forme et la même fonctionnalité qu’un être humain ?
Inspiré par l’homme
Nos muscles sont souples ou élastiques. Hommes et animaux sont constitués de nombreux autres tissus mous, comme la graisse, qui nous protègent, nous et les autres, en cas de choc. Par analogie, des chercheurs et des entreprises développent des robots gonflables ou qui intègrent des matériaux souples. Cette branche de la robotique s’appelle la “soft robotics”.
Le talon d’Achille des robots mous, ce sont les surfaces tranchantes. Après une folle aventure, Baymax répare ses fuites avec des sparadraps. Les humains et les animaux sont en effet capables de guérir eux-mêmes les blessures et les fractures. C’est pourquoi, à la VUB et à l’imec, nous développons des robots autoréparateurs. Lorsque vous lui coupez un doigt, le robot est capable, une fois les deux morceaux réassemblés, de le réparer spontanément.
Les membres de Baymax sont inspirés de l’homme. Les robots qui possèdent des jambes ont moins de difficultés à emprunter les escaliers que les robots sur roues. Un robot a besoin de bras et de mains pour manipuler des objets et des outils. Pour le moment, ces propriétés sont encore très difficiles pour un robot. Le robot Atlas de Boston Dynamics est actuellement un des plus avancés au monde. Mais s’il possède déjà de nombreuses capacités, il est encore loin de posséder la dextérité de l’être humain.
Il est de plus en plus évident que nous avons surtout besoin de robots capables d’aider les personnes, et non de les remplacer.
En marge de l’interaction physique avec le monde extérieur, l’interaction sociale est une autre dimension importante. L’interaction avec les robots doit être simple et intuitive. Nous communiquons avec la parole, mais aussi avec des canaux non verbaux tels que les émotions et les gestes. Et les robots devraient être capables d’en faire autant. Bien que les mimiques de Wall-E et Baymax soient stylisées, tout le monde comprend ce que les robots ressentent ou leurs intentions.
Ce type de robot social existe déjà depuis des années — comme NAO et Pepper — mais obtenir une interaction naturelle reste difficile. De nombreux progrès sont encore nécessaires dans la reconnaissance vocale (comme Siri) et la reconnaissance d’images. Ces données doivent qui plus est être traitées en temps réel pour afficher le comportement social approprié. Baymax, qui éprouvait des difficultés à comprendre les émotions humaines au début du film, s’améliore et se forge peu à peu une personnalité qui lui est propre. Les ingénieurs en robotique travaillent également sur ce point, en développant des robots intelligents. Baymax a par ailleurs développé une grande compréhension du bien et du mal, une sorte de conscience. Malgré les progrès rapides de l’intelligence artificielle, nous comprenons encore très peu de choses sur la conscience humaine — sans parler de son développement dans les machines. L’utilisation de la robotique alimente donc de vifs débats éthiques.
Des yeux hyperspectraux
Baymax regarde le monde à travers deux caméras hyperspectrales. Le robot peut donc non seulement observer la lumière visible, mais aussi d’autres parties du spectre électromagnétique, invisibles à l’oeil humain. Baymax se sert donc de ses yeux hyperspectraux pour faire le bilan de santé d’une personne en temps réel.
Cette idée ne sort pas non plus de nulle part. Le centre de recherche imec a en effet déjà développé des caméras hyperspectrales pour contrôler ou surveiller la quantité d’oxygène dans le sang d’une personne ou détecter la maladie d’Alzheimer à un stade précoce. Les caméras hyperspectrales peuvent également être installées sur un drone ou un véhicule agricole pour détecter rapidement les maladies dans les cultures. Spectricity, une spin-off de l’imec, souhaite intégrer bientôt ce type de caméra hyperspectrale dans les smartphones et autres objets connectés portables (wearables).
Superpouvoir et puissance de calcul
À l’intérieur, Baymax possède un squelette en métal car il doit être capable de soulever jusqu’à une demi-tonne. Il ressemble un peu à cet égard à Robear, un robot infirmier japonais capable de soulever les patients du lit ou du fauteuil roulant grâce à la force de son tronc. Le robot dispose de toutes sortes de capteurs qui surveillent les parties vitales.
Pour combattre le mal, Baymax se glisse dans sa tenue de combat rouge et bleu qui lui confère des pouvoirs extraordinaires. Le robot humanoïde italien iCub arbore quant à lui un réacteur dorsal pour être disponible et opérationnel le plus rapidement possible lors de scénarios catastrophes. Mais la force de Baymax réside aussi dans ses puces spéciales : une puce verte pour le robot infirmier pacifique, une puce rouge pour la version agressive et dangereuse.
Dans la réalité, les robots auront principalement besoin de puces peu énergivores pour traiter toutes les données de leur environnement. L’intelligence artificielle nécessite souvent une énorme quantité de calculs et consomme beaucoup d’énergie. À un moment donné du film, Baymax consomme une telle quantité d’énergie qu’il finit par vider sa batterie.
Les robots aspirateurs sont déjà équipés de caméras et de l’intelligence artificielle nécessaire pour reconnaître les éventuels obstacles. Mais plus ces robots utilisent de l’énergie pour la reconnaissance d’images et pour calculer un trajet, moins il leur en reste pour aspirer.
Les robots, les drones ou les wearables équipés de caméras hyperspectrales doivent traiter plus de données encore, ce qui peut s’accompagner d’une consommation d’énergie encore plus élevée. Nous avons donc besoin d’une nouvelle génération de puces économes en énergie pour exploiter de manière optimale la capacité limitée des batteries des robots. Les robots doivent également être capables de déterminer leur position avec précision. À l’intérieur, où le GPS n’est pas une option, la bande ultralarge (UWB) peut apporter une solution. Nous aurons donc besoin de puces UWB peu énergivores, que nous pourrons placer dans des robots afin qu’ils puissent se déplacer rapidement, mais en toute sécurité, entre les personnes.
Même si Baymax est clairement un super-robot, nous ne sommes pas là d’en voir toutes les facettes dans la vraie vie. Le développement des technologies sous-jacentes passera d’abord par un important travail qui ne sera pas l’oeuvre d’un seul génie, mais le fruit de la collaboration entre de nombreux mécaniciens, programmeurs, inventeurs de nouvelles puces et chercheurs en sciences sociales et médicales.
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