Pas d’audition parlementaire sur le cryptage

Michael Freilich, député N-VA.
Pieterjan Van Leemputten

Il n’y aura pas de séance d’audition parlementaire sur la proposition de loi contraignant les services de messagerie de saper le cryptage. Le parlementaire Michael Freilich de la N-VA l’avait pourtant sollicité, mais les partis de la majorité ont estimé que c’était prématuré.

Une audition aurait permis aux experts de donner au Parlement leur vision à propos du projet de loi – actuellement encore au stade d’avant-projet – sur la rétention des données. Ce projet, une fois voté au Parlement, aura comme but de contraindre tant les acteurs télécoms classiques que les fournisseurs numériques (WhatsApp, Signal, etc.) à permettre aux services d’ordre d’accéder à cette communication dans des cas spécifiques. Mais différents experts signalent que ce n’est pas possible sans enfreindre le cryptage pour l’ensemble des utilisateurs, ce qui aurait à son tour des conséquences sur le respect général de la vie privée et de la sécurité.

‘Les portes dérobées ne conviennent pas uniquement aux services d’ordre’

Dans son intervention, Freilich a insisté sur le fait que ce genre de porte dérobée peut être aussi abusé par des cybercriminels. ‘C’est un mythe de croire qu’il est possible d’intégrer une porte dérobée, qui puisse être uniquement utilisée par les services d’ordre, qui plus est seulement après approbation d’un juge. C’est là un voeu pieux.’

Les partis de la majorité n’ont pas débordé d’enthousiasme à la demande d’une séance d’audition. Pour eux, il est inhabituel d’organiser une telle audition pour un avant-projet, et il leur paraît préférable d’attendre le projet de loi final. ‘Pour moi, ce n’est pas un problème de prévoir une audition, mais attendons dans ce cas le texte définitif’, a ainsi déclaré le parlementaire Stefaan Van Hecke (Groen) mercredi après-midi à la Chambre.

‘Plus tard, il pourrait manquer de temps pour une audition’

Freilich le comprend, mais ajoute que le débat est ainsi étouffé dans l’oeuf, spécifiquement parce qu’il s’agit d’un projet de loi (une loi émanant du gouvernement). A Data News, il explique qu’un projet de loi est en général voté en quelques semaines par le Parlement, alors que dans le cas d’une proposition de loi (une loi émanant du Parlement), le délai est beaucoup plus long.

‘Lorsque les ministres compétents présentent leur texte définitif au Parlement, il est possible qu’il y ait ensuite trop peu de temps pour organiser une audition’, affirme Freilich. ‘Au cours de mes deux années et demie passées au Parlement, je n’ai jamais encore assisté à une audition relative à une loi émanant du gouvernement.’

‘Je ne vous cacherai pas que je suis déçu de la tournure des choses. Ce débat est trop important que pour être remis sine die. Les partis de la majorité assument une grande responsabilité en la matière, et je ne peux que regretter qu’ils ne prennent pas suffisamment à coeur leur tâche au Parlement.’

Un vote cette année encore

La sortie du projet de loi final n’est donc pas encore fixée. Mais on suppose que ce sera encore avant la fin de l’année. Freilich indique que l’Europe a déjà rappelé la Belgique à l’ordre à propos de la loi existante sur la rétention des données et qu’une nouvelle loi s’impose donc.

L’actuel projet de loi a provoqué pas mal de controverses ces dernières semaines déjà. Plusieurs experts et organisations en matière de respect de la vie privée au niveau mondial ont ainsi signé une lettre ouverte s’y opposant. Dans la lettre ouverte, on insiste sur le fait que le cryptage n’est pas quelque chose qui peut être contourné localement ou temporairement.

Ce débat ne bat du reste son plein pas qu’en Belgique. Au début de cette année, on eut droit en effet à un appel similaire lancé par des firmes technologiques contre l’Union européenne, afin de ne pas supprimer la communication sécurisée, parce qu’elle est essentielle pour la confiance et la sécurité en ligne.

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