Marie Costers

Nos factures passeront-elles bientôt d’abord par les autorités? Une idée pas si saugrenue

Marie Costers Marie Costers est fondatrice de Digicrowd

Les entreprises belges envoient annuellement plus d’un milliard de factures. Seuls 8,4 pour cent d’entre elles sont cependant expédiées dans un format électronique structuré. Le ministre des finances Alexander De Croo vient à ce propos de louer la facturation numérique: “En l’absence d’une obligation générale, la branche financière est limitée à de ‘l’évangélisation’. Mais dans ce cas, les entreprises belges perdent jusqu’à 3,4 milliards d’euros.”

La Belgique figure au beau milieu du classement européen de la facturation électronique. Dans notre pays, l’e-facturation n’est obligatoire que si elle cible les institutions publiques (assez ironiquement, elle ne s’applique que dans ce sens), tout comme ailleurs dans l’UE. Seule exception: l’Italie, où l’e-facturation est toujours obligatoire.

Important: une facture au format PDF bien connu n’est pas une e-facture. Parmi les factures pour les citoyens, seuls 5,8 pour cent sont l’oeuvre d’applications telles Doccle, Zoomit ou POM, vous permettant de payer et d’archiver les factures numériques.

3,37 milliards d’euros économisés

Une grande partie des factures sont envoyées par mail au format PDF, mais les factures papier demeurent provisoirement encore les plus populaires, ce qui pose problème. Si les coûts administratifs de la facturation papier étaient entièrement supprimés, nous économiserions tous ensemble pas moins de 3,37 milliards d’euros. L’université d’Hasselt a calculé que l’envoi d’une facture papier revient à 4,44 euros contre 1,20 euro pour une facture numérique. A la réception, la différence est encore plus sensible: 8,04 euros contre 2,27.

On pourrait donc s’attendre à ce que les entreprises et les citoyens sautent tous dans le train de l’e-facturation, mais tel n’est temporairement pas encore le cas. Il en va de même en Europe, à l’exception de l’Italie donc. Aux Pays-Bas, le changement connaît une approche nettement plus commerciale, ce qui fait qu’il tarde à se manifester. La France, elle, recourt à des étapes intermédiaires via des portails en ligne, où les comptables peuvent obtenir des informations, ce qui fait que la marge d’erreur ne diminue pas. Voilà deux exemples à ne pas suivre.

‘Hi there, I’m on Peppol’

Avec l’introduction de Peppol, la plate-forme européenne d’échange de factures numériques, l’UE a déjà considérablement simplifié la situation. Une PME qui se connecte à la plate-forme, dirait tout aussi bien: ‘Hi there, I’m on Whatsapp’. L’e-facturation n’est depuis longtemps déjà plus une affaire de technologie. Tant les expéditeurs que les destinataires doivent adapter leurs systèmes. Or tout changement fait toujours un peu mal quelque part.

Entre-temps, les professionnels du chiffre font ce qu’ils peuvent pour évangéliser les utilisateurs. Il n’empêche que grâce à un soutien plus fort du gouvernement, le potentiel deviendrait visible. L’obligation de l’e-facturation en ‘business-to-government’ ne conduira pas automatiquement à l’e-facturation en B2B, comme on le constate tant au Danemark, aux Pays-Bas qu’en… Belgique.

Moins de fraude à la facturation

Au niveau mondial, deux pays sont présentés comme des exemples absolus: le Mexique, qui échange annuellement 10 milliards d’e-factures (plus que l’ensemble de l’UE!) et l’Italie. Les deux pays ont créé une chambre de compensation (‘clearing house’). Chaque facture passe d’abord par les pouvoirs publics avant de suivre son trajet vers le destinataire.

L’avantage pour les autorités, c’est que le contrôle sur la TVA est nettement plus strict et la perception est plus rapide et correcte. La Belgique se caractérise évidemment par un non-perçu de TVA moins important, mais maintes entreprises se satisferaient assurément d’un remboursement plus rapide de cette TVA. Ce type de mesure fiscale représenterait un solide incitant pour les entrepreneurs.

Côté consommateurs, ces quatre dernières années ont été marquées par plus de 400 cas de fraude impliquant des ‘factures-fantômes’ interceptées et falsifiées, comme mentionné par l’inspection économique. Une numérisation générale sécuriserait aussi davantage le processus de facturation pour les consommateurs.

Le ministre De Croo apporte son soutien à l’e-facturation. Grâce à l’évangélisation du secteur comptable et au groupe Digicrowd, on a en 2019 déjà envoyé 40 millions d’e-factures en plus. C’est fantastique, mais le potentiel frappe encore plus l’imagination. Un point à l’agenda des négociations gouvernementales, afin que cela n’en reste pas là?

Digicrowd est une initiative de Sage, WoltersKluwer, Winbooks et Codabox. Ces spécialistes en logiciels pour PME unissent leurs forces depuis l’année dernière pour stimuler la facturation électronique en Belgique.

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