Microsoft ne veut pas remettre des mails européens aux Etats-Unis

Pieterjan Van Leemputten

Microsoft mène un combat aux Etats-Unis, afin d’éviter que la Justice américaine puisse accéder aux données de clients que l’entreprise à stockées en Europe.

Microsoft mène un combat aux Etats-Unis, afin d’éviter que la Justice américaine puisse accéder aux données de clients que l’entreprise à stockées en Europe. Le département américain de la Justice entend demander les courriels d’un utilisateur ayant une adresse @msn.com, aux mains de Microsoft. Mais comme les données concernées sont stockées dans le centre de données de Dublin (Irlande), le géant du software n’entend pas y répondre favorablement, quitte à transgresser une loi américaine.

La question a été soulevée lors d’une enquête criminelle en décembre, mais est a présent contestée par Microsoft. Selon le New York Times, Microsoft pense que la remise de données stockées dans un autre pays constitue une violation des lois et traités internationaux. En outre, cela va à l’encontre du respect de la vie privée des utilisateurs.

Microsoft, dont le siège central se trouve à Redmond aux Etats-Unis, craint que si elle répond positivement à ce genre de requêtes, elle va effrayer les clients étrangers. C’est ainsi que les Etats-Unis pourraient alors solliciter n’importe quelle donnée d’utilisateurs étrangers d’un service de Microsoft (Skype, Live/Hotmail, Office 365,…).

De plus, Microsoft, conjointement avec d’autres entreprises technologiques, avait l’année dernière énormément pâti des dénonciations d’Edward Snowden. Il en ressortait que les services de renseignements américains tentent de mettre sur écoute quasiment tout et que les entreprises américaines sont tenues d’y collaborer. Les entreprises se plaignent à leur tour que ces pratiques nuisent à leurs revenus à l’étranger. En d’autres mots, les utilisateurs étrangers renoncent parce qu’ils craignent que les Etats-Unis viennent fourrer leur nez dans leur boîte mail.

Les spécialistes du respect de la vie privée estiment de leur côté qu’un tribunal américain ne peut autoriser ainsi la requête de la Justice. “Les mandats de perquisition américains n’ont aucune portée à l’étranger”, déclare Lee Tien, avocat de l’Electronic Frontier Foundation, au New York Times.

Mais il y a aussi un revers à la médaille. Le ministère américain de la Justice estime en effet que Microsoft exploite la législation actuelle de manière flexible. Il pense que les entreprises ne peuvent contourner les lois en conservant des données à l’étranger. Si le tribunal donne raison à Microsoft, cela pourrait créer un précédent, ce qui ne ferait que compliquer la demande de preuves à l’étranger.

Il y a aussi le fait que la législation en la matière date de l’époque où les lignes téléphoniques étaient encore la norme et qu’il était impensable qu’une entreprise conserve ses données dans plus de cent centres de données dans quarante pays, comme c’est le cas de Microsoft. Microsoft n’est du reste pas seule à agir ainsi. C’est précisément pour des raisons juridiques que les entreprises technologiques disposent de centres de données locaux, parce que les données de banques et de pouvoirs publics par exemple ne peuvent être conservées à l’étranger, comme si de rien n’était. Mais dans le but également de proposer localement des services plus rapides, toutes les données des clients ne sont pas stockées aux Etats-Unis, où elles peuvent être sollicitées sans aucun problème.

Enfin, il convient de faire remarquer qu’une protection contre les Etats-Unis n’empêche pas par définition que vos courriels ne soient pas accessibles aux services d’ordre. En vertu de la loi européenne de rétention des données, les données de courriels, mais d’autres aussi (pas le contenu des mails mêmes) sont conservées par des fournisseurs européens. Ces données peuvent évidemment être utilisées en Europe et faire dans certains cas l’objet de concertations entre les services juridiques et d’ordre européens et américains.

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