Magie noire

Le torchon brûle entre l’éditeur de logiciels européen SAP et le cabinet américain Gartner. SAP n’apprécie pas que sa filiale BusinessObjects n’occupe que la sixième place sur l’axe “Ability to execute” du nouveau quadrant magique des plates-formes de business intelligence (BI) imaginé par Gartner.

Le torchon brûle entre l’éditeur de logiciels européen SAP et le cabinet américain Gartner. SAP n’apprécie pas que sa filiale BusinessObjects n’occupe que la sixième place sur l’axe “Ability to execute” du nouveau quadrant magique des plates-formes de business intelligence (BI) imaginé par Gartner.

Ce quadrant magique est un outil de recherche typiquement américain: un sujet complexe est réduit à un simple graphique sur lequel on est censé voir d’un seul coup d’oeil qui sont les chefs de file, les challengers, les futurs challengers (“visionnaires”) et les acteurs de niche sur un segment donné du marché informatique.

Mais comment obtient-on un tel quadrant? Il dissimule une certaine dose de magie – son appellation n’est donc pas volée. Gartner évalue les éditeurs sur deux critères: “completeness of vision” (exhaustivité de la vision) et “ability to execute” (capacité d’exécution). Selon le sujet, le cabinet utilise différents paramètres pour chaque critère. Les participants sont classés sur cette base. Mais Gartner ne divulgue pas ces paramètres. De même, la méthodologie du positionnement des participants dans les quatre parties du quadrant reste secrète. Et pour renforcer encore le caractère magique, Gartner n’étudie que les éditeurs qui paient pour les services fournis. Du moins, c’est ce qu’il semble, car là encore il règne une grande incertitude. Il est un fait que les solutions open source par exemple ne figurent pratiquement pas dans les quadrants Gartner. Ainsi, le quadrant business intelligence ne contient qu’un seul éditeur open source, à savoir Actuate. De même, les éditeurs les plus riches et qui sont cotés en bourse obtiennent curieusement de bons résultats. Ce n’est pas un hasard s’il s’agit souvent de sociétés américaines.

L’éditeur allemand SAP n’était donc pas satisfait du travail de Gartner et a commandité une nouvelle étude auprès d’un bureau concurrent. Celle-ci devrait démontrer que BusinessObjects peut être aussi rapide sur le plan de l’exécution et du déploiement que IBM et Oracle, les deux chefs de file dans le quadrantde la BI. Gartner contre-attaque à présent en affirmant que son étude est en partie basée sur 900 interviews de clients, dont 91 clients de SAP BusinessObjects, qui ont en grande partie été suggérés par SAP lui-même. En outre, Gartner affirme qu’il est normal que les résultats diminuent provisoirement après une acquisition. (SAP a racheté BusinessObjects en 2007 pour la coquette somme de 4,8 milliards EUR). Des réactions anonymes sur l’internet semblent confirmer cette position. “C’est une réaction typique de SAP. Quand des clients disent quelque chose d’inopportun, SAP le réfute en bloc et essaie de tourner les choses à son avantage au lieu de tenter d’y remédier”, peut-on lire dans l’un des commentaires.

Alors que faut-il penser de cette joute? Peut-être doit-on considérer que Gartner n’est qu’un des nombreux cabinets et que son quadrant magique n’est qu’un des nombreux outils disponibles. En outre, il s’agit chaque fois d’instantanés qui reviennent tous les deux ou trois ans. Que les éditeurs aiment décrocher une bonne position dans un tel quadrant est chose normale. Il est tout aussi normal que ces mêmes éditeurs cherchent à donner une interprétation positive à une position moins favorable. En tant que client potentiel, vous devez tout simplement faire appel à votre bon sens et vous forger une opinion à partir de plusieurs sources d’informations. Ce qui n’empêche pas d’affirmer du reste que le marché y gagnerait beaucoup s’il y régnait un peu moins de magie noire et un peu plus de transparence.

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