L’incommensurable ambition du service de taxi Uber

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Un juge a interdit cette semaine les activités de la centrale de taxi en ligne Uber en Allemagne. Mais Uber n’est pas prête de changer, puisqu’elle a récemment encore augmenté son trésor de guerre d’un montant d’un milliard d’euros environ afin de gagner des combats juridiques et de pulvériser les concurrents plus modestes.

‘A l’avenir, la possession d’une voiture ne sera plus nécessaire.’ Telle est la maxime de Travis Kalanick, co-fondateur et CEO d’Uber. Le service de location d’une voiture avec chauffeur via une appli est devenu incroyablement populaire. Dans beaucoup de villes, il s’est même taillé la réputation d’être plus économique, transparent et ponctuel que les taxis classiques. Mais derrière cette mission consistant à démocratiser la mobilité, il n’y a pas qu’un idéalisme. Uber tente en effet dans le monde entier de dominer le secteur des taxis, comme Google le fait avec les moteurs de recherche et Facebook avec les sites de socialisation. Son ambition va même en réalité encore plus loin: créer un monopole sur tout ce qui est transporté en voiture, en ce compris les colis donc.

13 milliards d’euros
Cet été, le service a encore connu une phase de capitalisation d’1 milliard d’euros environ. Il parvient à convaincre suffisamment d’investisseurs qu’il est effectivement capable de développer sa position dominante. Or ces investisseurs ne sont pas des moindres avec notamment les acteurs ‘private-equity’ BlackRock et Kleiner Perkins Caulfield & Byers, la banque d’affaires Goldman Sachs et Google Ventures (le fonds d’investissement de Google).

Il en résulte qu’Uber a à présent une valeur marchande de 13 milliards d’euros, quasiment autant que le montant de la capitalisation boursière conjointe des entreprises de location de voitures Avis et Hertz. Ces deux sociétés disposent d’un énorme parc de véhicules et sont actives quasiment partout dans le monde. Uber n’existe pour sa part que depuis 2009, est active dans 170 villes et travaille principalement avec des conducteurs indépendants qui lui rétrocèdent 20 pour cent des rentrées de leurs courses.

Ce sont précisément ces conducteurs qui causent à présent à Uber la plupart de ses soucis juridiques. Ils sont en effet considérés comme des ‘gâte-métier’ par les chauffeurs de taxi classiques partout dans le monde. Les taxis réguliers sont en effet soumis à toutes sortes de règlements et de taxes. UberX et UberPop, les deux formules d’Uber pour indépendants, sont tolérées dans les meilleurs de cas, mais généralement, comme à Bruxelles et en Allemagne, les entreprises de taxi ont entamé des procédures juridiques en vue d’interdire les activités d’Uber.

C’est Goliath contre Goliath

Ici et là, l’entreprise subit certes un contrecoup juridique, mais provisoirement, c’est Uber qui remporte la guerre PR. Dans la plupart des cas, elle fait sienne sans problème l’image du vaillant David affrontant le géant Goliath symbolisant les puissants cartels de taxis locaux. Mais l’image trahit en fait la vérité, car Uber n’est plus du tout une petite startup, puisqu’elle dispose d’un énorme trésor de guerre. Elle peut en réalité se permettre aisément des lobbyistes capables d’obtenir un règlement adapté.

Ces procès font la meilleure publicité pour l’entreprise. La négation du règlement est en outre un truc classique d’entreprises internet en vue de se créer un avantage concurrentiel et de ‘chiper’ du chiffre d’affaires des rivaux classiques. Précédemment, le détaillant en ligne Amazon a utilisé une faiblesse dans la législation américaine pour ne pas devoir facturer de TVA. Les magasins ayant pignon sur rue aux Etats-Unis se plaignent d’ailleurs depuis des années déjà d’une concurrence déloyale.

‘Tirage de sonnette’

Les conducteurs ‘freelance’ représentent aussi la façon la plus rapide pour s’étendre. Comme pour bon nombre d’autres starters internet, tout chez Uber est placé sous le signe de la poursuite d’une croissance effrénée. C’est la seule manière de satisfaire les investisseurs et de tenir à distance la concurrence. Son principal concurrent affichant des ambitions et un modèle commercial similaires, c’est Lyft. Uber est impliquée dans un combat féroce avec cette entreprise pour trouver des conducteurs aux Etats-Unis. Quiconque possède la meilleure offre de jour comme de nuit, a en fait déjà à moitié gagné la partie.

Le site technologique The Verge a découvert qu’Uber recourait à des recruteurs indépendants pour enrôler des chauffeurs de Lyft. Certains recruteurs ont aussi massivement recouru au truc du ‘tirage de sonnette’ en commandant beaucoup de courses chez Lyft, puis en les annulant au tout dernier moment. Cela ne s’est peut-être pas passé intentionnellement. Plusieurs recruteurs d’Uber tentent simplement d’enrôler les mêmes chauffeurs que Lyft. Quoi qu’il en soit, Lyft perd de l’argent en raison de l’annulation de ces courses. Lyft essaie à son tour de s’attirer les conducteurs d’Uber, mais sans faire preuve d’autant d’agressivité. Les coups bas volent, mais le fait est que l’enjeu est d’importance. Le secteur des taxis, cela représente annuellement aux Etats-Unis un chiffre d’affaires de 7,7 milliards d’euros et au niveau mondial probablement plus de 77 milliards d’euros. (SF)

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