Luc Blyaert

Les limites de Neelie Kroes

Luc Blyaert était rédacteur en chef de Data News

Elle ne s’y était pas attendue, lors-qu’elle prolongea, fin 2009, son mandat de commissaire de l’UE. Et elle avait horreur qu’on lui demande si ce n’était pas pour elle un pas en arrière de devoir se charger de l’agenda numérique pour l’Europe après s’être occupée des affaires liées à la concurrence. Neelie Kroes, cette Néerlandaise énergique, avait alors 68 ans. Je m’étais montré assez narquois à l’époque. Quelle image allait-on présenter au monde, si une madame Europe à l’âge de la retraite était chargée de diriger l’ère numérique? Allait-on miser sur l’innovation, de nouvelles impulsions, des décisions fortes et influentes? Quatre ans plus tard – Kroes a à présent 72 ans -, je pense qu’une opinion plus nuancée aurait peut-être été plus adéquate.

Elle ne s’y était pas attendue, lors-qu’elle prolongea, fin 2009, son mandat de commissaire de l’UE. Et elle avait horreur qu’on lui demande si ce n’était pas pour elle un pas en arrière de devoir se charger de l’agenda numérique pour l’Europe après s’être occupée des affaires liées à la concurrence. Neelie Kroes, cette Néerlandaise énergique, avait alors 68 ans. Je m’étais montré assez narquois à l’époque. Quelle image allait-on présenter au monde, si une madame Europe à l’âge de la retraite était chargée de diriger l’ère numérique? Allait-on miser sur l’innovation, de nouvelles impulsions, des décisions fortes et influentes? Quatre ans plus tard – Kroes a à présent 72 ans -, je pense qu’une opinion plus nuancée aurait peut-être été plus adéquate.

Je reste pourtant sur ma position selon laquelle la Commission européenne ferait mieux, pour une telle fonction, d’attirer quel-qu’un de plus jeune au Berlaymont, qui pourrait entraîner les étudiants et les travailleurs jeunes et âgés vers le numérique. Mais Kroes a quand même le mérite d’avoir fait plier les tout puissants opérateurs télécoms. Les tarifs d’itinérance (roaming) sont décimés et bientôt, l’on pourra appeler et surfer au même prix dans toute l’Europe. Cet impact ne peut être évalué et pourrait équivaloir à l’introduction de l’euro. Il s’agit en tout cas d’une étape à la fois intéressante et nécessaire en direction des Etats Unis d’Europe.

Son appel lancé en 2009 pour que chaque Européen dispose du haut débit en 2013, Kroes n’a pu le mener à bien. Il n’y a pas non plus partout aujourd’hui de possibilités e-commerciales transfrontalières. Ici aussi, il y a encore pas mal de pain sur la planche. Lors d’une première rencontre avec les opérateurs télécoms, Kroes expliqua fièrement qu’elle utilisait Skype pour communiquer avec sa fille aux Etats-Unis. Skype fut autrefois l’une des startups européennes les plus prometteuses, mais elle est passée entre des mains américaines depuis quasiment 10 ans déjà, d’abord chez eBay, puis chez Microsoft. Tout comme Lernout & Hauspie, cette autre puissante startup qui appartient depuis une décennie maintenant à l’américaine Nuance. Malgré leurs problèmes de management et leurs pratiques douteuses, Jo et Paul étaient des visionnaires. La technologie vocale commence à présent seulement à vraiment s’imposer.

L’industrie ICT européenne se réduit comme une peau de chagrin. Nokia, Siemens, Alcatel, Matra, Ericsson ne sont plus que les ombres des grandes puissances qu’elles étaient. L’Europe n’a guère résisté aux producteurs américains et chinois, et nos réseaux fixes et mobiles sont submergés de spyware. Aux Etats-Unis et en Chine, l’on a érigé de solide pare-feu et des murailles dissuasives vis-à-vis des fournisseurs étrangers de hardware et de software. En Europe, par contre, la porte était et est encore et toujours largement ouverte.

Le trafic téléphonique et data en Europe est massivement mis sur écoute. Tellement même que la chancelière allemande Merkel plaide de plus en plus pour un internet européen. Tout comme l’Europe aura bientôt aussi son propre réseau GPS. C’est manifestement à l’Europe qu’il appartient de réfléchir sur la façon dont elle entend mieux protéger et sécuriser les données de ses pouvoirs publics et de ses citoyens. Je crains que le déploiement d’un réseau ultracoûteux propre ne soit pas la meilleure solution, mais le retour de portiers numériques ne serait par contre pas une mauvaise idée.

J’attends avec impatience le prochain commissaire jeune et dynamique de l’UE. Il/elle devra connaître ses dossiers et enthousiasmer tout le biotope IT car c’est là que réside l’avenir de l’Europe et le nôtre donc.

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