Les leçons du Dreamliner

Le 15 décembre 2009, le tout nouveau Boeing 787, mieux connu sous le nom de Dreamliner, a pris son premier envol. Le Dreamliner est un projet important pour le constructeur aéronautique américain et est la réplique au super jumbo de son concurrent européen Airbus.

Le 15 décembre 2009, le tout nouveau Boeing 787, mieux connu sous le nom de Dreamliner, a pris son premier envol. Le Dreamliner est un projet important pour le constructeur aéronautique américain et est la réplique au super jumbo de son concurrent européen Airbus.

Un engin plus petit que l’airbus, mais avec des prestations et une efficacité impressionnantes. Le Dreamliner regorge d’innovations. Des matériaux composites, résistants, légers, plus confortables pour les passagers et surtout plus écologiques aussi! Depuis son lancement en 2004, le carnet de commandes s’est rapidement rempli et les clients attendent avec impatience les premières livraisons.

Mais un petit problème se pose. L’engin aurait dû être réceptionné il y a deux ans déjà et Boeing est, déjà, en train de payer les amendes pour non-respect des délais. Le business case prendra peut-être des allures plus négatives à cause de ce retard et les clients ne sont pas très heureux, mais ce n’est pas de cela dont je veux parler. Ce qui est plutôt intéressant, c’est que Boeing estime que la raison principale de ce retard incombe aux fournisseurs. Ces derniers ne sont pas en mesure d’assembler toutes les pièces qui sont fabriquées séparément et de les livrer selon les spécifications requises. Rien ne va. Mais nous ne pouvons bien sûr pas perdre de vue que 43 entreprises dispersées dans 135 endroits dans le monde contribuent au projet, si l’on en croit le site web de Boeing. Airbus a déjà connu ce genre de problèmes avec son super jumbo pour lequel l’approvisionnement a été pris en charge par tout un méli-mélo de consortiums européens. Néanmoins, les deux fabricants espéraient que le multisourcing s’avérerait être la solution tant pour acheter bon marché que pour éviter un lock-in chez un seul vendeur et donc pour pouvoir aussi lancer leur avion à des prix affûtés sur le marché.

Pas besoin de faire un dessin: trop, c’est trop. C’est aussi valable pour le nombre de parties qui doivent être coordonnées pour atteindre un objectif. Avec l’externalisation classique avec une seule partie, l’externaliseur veille lui-même à ce que tout soit intégré et convienne. Ce travail est souvent discret et n’est pas explicitement rémunéré, mais si incontournable pour obtenir des résultats. Avec le multisourcing, ce risque doit évidemment être couvert, mais cela fait grimper les coûts de coordination et souvent, c’est exactement ce que l’on veut éviter avec l’externalisation, n’est-ce pas? Cependant, c’est ça ou les effets désagréables de la “syncopation” ou le déroulement plus ou moins asynchrone des activités des différents fournisseurs.

Ce n’est qu’un petit pas de l’aéronautique dans notre monde IT. Plus de la moitié des relations d’externalisation qui ont échoué sont dues à une gouvernance déficiente ou mal organisée. Comment cela se fait-il que ces concepts soient perdus de vue et que l’on se lance malgré tout dans des relations encore plus complexes? Le risque opérationnel du multisourcing est élevé, mais sous-estimé. Une solution possible consiste à désigner un intégrateur de services ou à renforcer les équipes qui doivent gérer l’approvisionnement. En période de crise, aucune des deux solutions ne sera facile à vendre, mais le temps nous montrera où le proverbial pendule trouvera son point d’équilibre. Je pense que le risque est grand que nous connaissions encore des Dreamliners dans le secteur: des cacophonies de projets, technologies et services mal orchestrés. Je doute fortement qu’il sera encore un rêve pour les parties concernées.

Stef Knaepkens

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