Les abonnements pour la téléphonie et internet : 25 pourcent?

La directive européenne n’a pas encore été traduite en loi belge, mais il y a bien une proposition de loi sur la table du ministre Van Quickenborne. Si cette proposition est approuvée, notre droit au respect de la vie privée pourrait être fortement restreint, sans parler du risque que le prix de l’abonnement pour la téléphonie et internet augmente nettement. La Ligue des Droits de l’Homme tire la sonnette d’alarme et lance une campagne de conscientisation.

La directive européenne n’a pas encore été traduite en loi belge, mais il y a bien une proposition de loi sur la table du ministre Van Quickenborne. Si cette proposition est approuvée, notre droit au respect de la vie privée pourrait être fortement restreint, sans parler du risque que le prix de l’abonnement pour la téléphonie et internet augmente nettement. La Ligue des Droits de l’Homme tire la sonnette d’alarme et lance une campagne de conscientisation.

Il y a plus de deux ans, la Commission européenne a approuvé la directive sur la rétention des données, qui contraint les fournisseurs de services internet et téléphoniques à conserver les ‘données du trafic’ de leurs clients (toutes les infos sur la longueur, l’emplacement et la durée d’une communication téléphonique, mais aussi la date précise et la taille des SMS et courriels) et ce pendant six mois à deux ans.

L’Europe estime que ces données doivent être toujours disponibles en cas d’enquête sur le crime organisé. Malgré les protestations massives, la mesure a été agréée très vite en guise de réaction aux attentats terroristes de Londres en juillet 2005. Dans notre pays, la directive n’a jusqu’à aujourd’hui pas encore été traduite dans une loi nationale. Et ce alors que la date butoir pour la première partie de la directive, traitant de la conservation du trafic téléphonique, expirait le 15 décembre 2007 déjà. La campagne de dénigrement au moment des élections et l’attente de la formation du gouvernement fédéral n’y sont évidemment pas étrangères.

Pour traduire le chapitre de la directive traitant de la conservation du trafic internet, le gouvernement dispose d’un peu plus de temps, jusqu’au 15 mars 2009 pour être précis. Mais comme la Belgique a déjà été condamnée pour avoir traînaillé lors de la mise en oeuvre de la première partie de la directive, notre pays ne peut se permettre une seconde condamnation. Cette fois, cela doit donc aller vite. Trop vite? L’on constate que jusqu’à présent, c’est le silence radio à propos de la mesure, ce qui pourrait démontrer que l’impact de la directive est sérieusement sous-estimé. Tandis que dans les pays voisins, pas mal de pétitions et procédures en réclamations ont été lancées.

Aujourd’hui, une proposition de loi se trouverait bien sur la table à Bruxelles. On ne sait encore que peu de choses sur son contenu, sauf que l’IBPT, la ‘Federal Computer Crime Unit’ (FCCU) et le gouvernement souhaiteraient tirer ‘le maximum’ de la directive et même aller plus loin que l’Europe sur certains points. C’est ainsi que même l’enregistrement du comportement de navigation sur le net de nos compatriotes serait pris en considération.

Atteinte

La Ligue des Droits de l’Homme indique que la mesure porte atteinte au respect de notre vie privée et qu’il faut mettre sérieusement en doute sa nécessité et surtout sa proportionnalité. “En réalité, cela revient à dire que chacun de nous est un suspect potentiel et est soumis en tant que tel à la surveillance préventive des autorités, avance l’avocat Geert Somers, président du groupe de travail juridique au sein de l’ISPA, l’association belge des fournisseurs de services internet. Néanmoins, il est dans la pratique plus efficace de mener le combat contre les dangereux criminels par le biais de recherches ciblées, où les données ne sont mises à jour que dès que quelqu’un est suspect.”

Les experts pointent aussi du doigt le fait que la mesure peut être très facilement contournée du point de vue technique, par exemple en louant des serveurs propres ou des serveurs mandataires (‘proxy’) en dehors d’Europe. “Et qu’en est-il des montagnes de données qui permettent d’établir des profils d’individus ou de groupes de gens qui communiquent régulièrement entre eux?, se demande Somers. Ces banques de données devraient évidemment être sécurisées de manière adéquate, mais l’invitation à l’abus est évidente.”

Un autre problème tout aussi aigu est le prix de tout cela. Les coûts d’exploitation liés à l’obligation de conservation sont énormes. D’études réalisées dans d’autres pays, il appert que pour les opérateurs en vue, ils peuvent atteindre aisément 100 millions EUR par an. Cela dépend en grande partie de la durée du délai de conservation. Plus les données sont conservées longtemps, plus il faut de la capacité de stockage, plus le prix est élevé et plus il s’avère difficile d’encore retrouver des données.

“La directive ne spécifie pas que les gouvernements nationaux doivent supporter ces coûts, poursuit Somers. Et si les coûts doivent être supportés par les opérateurs, ils les répercuteront évidemment sur leurs clients, ce qui fait que les abonnements pourraient devenir nettement plus chers. Une hausse de 25% n’est pas exclue.”

Campagne

Mener un débat sur l’utilité de la directive n’a plus de sens aujourd’hui. “Nous pouvons seulement tenter de limiter la casse en Belgique”, déclare Maartje De Schutter de la Ligue des Droits de l’Homme. A l’initiative de la Ligue, de l’ISPA et de l’Orde van Vlaamse Balies, un courrier sera adressé ces prochains jours aux cabinets de Van Quickenborne et de la Justice, leur demandant de supprimer la ‘conservation du comportement de navigation sur le net’ de la proposition de loi et de prévoir une adaptation de la directive ‘faisant la part belle au respect de la vie privée’ (indiquant par exemple clairement quelles données peuvent être stockées et spécifiant qui y a accès et dans quelles conditions).

En outre, des organisations comme Agoria, Beltug et Test Achat sont aussi invitées à signer le ‘position paper’ conjoint, alors que la Ligue va même faire circuler une pétition. Pol Deltour de la Fédération professionnelle des Journalistes, a déjà donné son accord. Et si la campagne échoue? “Nous nous tournerons alors vers la cour constitutionnelle, ajoute encore De Schutter. La mise en oeuvre de la directive doit être en harmonie avec la constitution, ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui.”

Solution minimale et moins coûteuse préférée

Le Ministre Van Quickenborne fait savoir, par la bouche de son porte-parole, qu’il est prématuré de tirer des conclusions puisque le secteur des télécoms n’a pas encore été consulté. Mais il précise que le coût de transcription de la directive devra être limité au maximum.

La semaine dernière encore, le ministre faisait part de son intention de réduire les prix des télécoms, excluant donc toute augmentation et ajoutant qu’il ne voyait pas pourquoi le consommateur devrait assurer le prix de cette obligation de conservation. Du coup, Van Quickenborne n’est pas partisan d’un délai de conservation maximum, préférant une solution minimale et moins coûteuse, les données n’étant conservées “que” durant 6 mois. “Finalement, nous devrons en arriver à une proposition de loi qui s’aligne sur la directive et satisfait toutes les parties”, estime le cabinet en termes très diplomatiques. A suivre donc.

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