Le studio de jeux gantois Neopica passe à la vitesse supérieure

Euro Truck Racing Championship © Neopica

Les jeux de course ne sont pas évidents pour baser la croissance d’une entreprise de jeux vidéo: la concurrence est en effet féroce dans le genre. Mais la gantoise Neopica a relevé le défi avec un jeu trouvant sa place dans une profonde niche du marché, celle de l’European Truck Racing Championship. Et oui, elle s’est lancée dans la course de semi-remorques.

Une manche unique de dix tours pour se qualifier pour l’European Truck Racing Championship sur le circuit allemand du Nürburgring, et l’on comprend directement où résident les grandes différences par rapport à une course de voitures classique. Ces divergences résident bien évidemment dans la taille des véhicules: les courses sont ici le lot de lourds semi-remorques – poids moyen: plus de cinq tonnes -, qui ne sont pas vraiment faciles à manoeuvrer. Le temps que leur moteur de 1.200 chevaux atteigne son régime maximum garantissant une vitesse de 160 kilomètres à l’heure, et le premier tour est déjà quasiment bouclé. Le premier virage est également très, très précaire: tous ces géants d’acier y arrivent pratiquement en même temps, ce qui se traduit souvent par des crashs très précoces.

Mais la course de camions offre aussi ses particularités avec lesquelles seuls les chauffeurs patentés de ces monstres rugissants sont familiers. Tel est le cas des participants à l’European Truck Racing Championship sur PlayStation 4 ou sur console Xbox One ou encore sur PC, car depuis quelques semaines, le championnat officiel de courses de camions a aussi son propre jeu vidéo.

Un élément gameplay auquel ce jeu confronte le joueur, et que l’on ne retrouve pas dans d’autres jeux de course, c’est le refroidissement des freins: ceux d’un camion de course deviennent si chauds durant la compétition qu’ils doivent être refroidis au moment propice au moyen d’eau provenant d’un réservoir incorporé au camion. Mais ce réservoir n’est pas inépuisable, évidemment. Il importe donc de procéder au refroidissement de manière tactique.

Une niche dans la niche

“Ce n’est pas un jeu de simulation”, affirme Peter Vermeulen, CEO et co-fondateur de Neopica. “Nous avons dans un premier temps recherché un bon équilibre entre la véracité physique et l’accessibilité dans le pilotage. Mais les éléments spécifiques, ce qui fait de la course de camions une véritable course, nous voulions aussi les introduire dans le scénario.”

Les éléments spécifiques, ce qui fait de la course de camions une véritable course, nous voulions aussi les introduire dans le scénario.

Deux années durant, Neopica a donc préparé l’European Truck Racing Championship avec vingt-cinq développeurs, à la demande du groupe français BigBen Interactive. Ce dernier a démarré en tant que distributeur (en Belgique notamment pour le géant japonais Square Enix, connu pour les séries Final Fantasy et Tomb Raider) et que fabricant d’accessoires pour consoles, avant de se positionner ces dernières années de plus en plus comme un éditeur de nouveaux jeux.

Pour un éditeur débutant, il est risqué de se hasarder dans le genre du jeu de course. Ce marché est en effet sursaturé avec des séries bien connues comme Forza Motorsport, Gran Turismo, Project Cars et GRiD. Même les plus importantes niches sont bien fournies avec, entre autres, trois séries de rallye concurrentes et divers jeux officiels sortant quasi annuellement avec des compétitions de Formule 1 et de MotoGP. “Mais en cherchant la niche ad hoc, on trouve aussi un public pour un jeu de course de camions, qui n’existait pas encore”, déclare Benoît Clerc, directeur d’édition chez BigBen.

Vitesse supérieure

Pour Neopica, l’European Truck Racing Championship représente surtout une évolution. Le studio a été créé en 2007 et développa des jeux guère spectaculaires – et c’est un euphémisme – pour les consoles Wii et 3DS de Nintendo, comme Paws & Claws, I Love My Pony et Pet Hospital. Les ‘vrais’ joueurs qualifient d’un air condescendent ce genre de titre de shovelware: des jeux conçus pour plaire au plus grand nombre de joueurs (généralement des enfants), qui sont littéralement poussés sur le marché. Mais ce furent ces jeux sur commande qui permirent à Neopica de payer ses factures sans problème: de sa fondation en 2007 jusqu’à aujourd’hui, les bilans annuels de l’entreprise – à une seule brève exception près – ont affiché de manière conséquente un résultat d’exploitation positif. Jusqu’à ce que Dtp Media, l’éditeur allemand pour qui (et moyennant un investissement) Neopica conçut des jeux, tomba en faillite.

Euro Truck Racing Championship
Euro Truck Racing Championship© Neopica

Vermeulen trouva rapidement un nouvel allié en BigBen Interactive, pour qui l’entreprise réalisa en 2017 Hunting Simulator, même si ce titre figure lui aussi dans une profonde niche du marché. Or à présent, avec son jeu de course de camions, Neopica passe même à la vitesse supérieure: elle va bientôt emménager dans des bâtiments plus vastes à Gand. Elle va aussi accroître son personnel pour l’amener à cinquante développeurs. Sur son site web, on trouve déjà des offres d’emploi pour des développeurs en langage de programmation C/C++ et en moteur physique Unreal notamment, mais aussi pour des artistes en 3D et 2D, un game designer et un réalisateur.

Univers mécanique

“L’European Truck Racing Championship était un projet plus ambitieux que tout ce que avions fait jusqu’alors”, prétend Vermeulen. “Nous étions 25 à travailler sur ce jeu. Mais nous y avons cru immédiatement. Toutes ces personnes étaient certaines que nous étions capables de mener cette production à bonne fin. Nous avons ainsi eu le vent en poupe. A tel point que nous sommes déjà occupés sur le prochain jeu. Et nous espérons qu’avec la connaissance qui est la nôtre aujourd’hui, nous pourrons réussir une prochaine édition de l’Euro Truck Racing Championship. De nouvelles éditions successives rapides sont courantes dans le genre du jeu de course. Donc c’est certainement là une possibilité en fonction des ventes de la première.”

Nous croyons dans les jeux qui misent sur un univers mécanique.

Pour ce qui est de BigBen, il est en tout cas clair qu’ils ont pleinement misé sur le jeu de course: le groupe français est aussi l’éditeur de V-Rally et de TT Isle of Man et il détient aussi la licence sur la série World Rally Championship. Fin de l’année dernière, BigBen a également racheté le studio de jeux français Kylotonn, surtout pour son moteur – le logiciel sous-jacent qui régule le monde 3D et la physique dans les jeux – que cette entreprise avait produit pour les jeux de course. L’Euro Truck Racing Championship a également été développé sur ce Kylotonn Engine. “Nous croyons dans les jeux qui misent sur un univers mécanique”, ajoute encore Clerc.

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