Bruno Segers

Le roi est mort, vive le roi?

Bruno Segers Bruno Segers est CEO de la Start-up IrisPact SA; il a été à la tête de RealDolmen et Microsoft en Belgique: il a occupé différentes fonctions locales et internationales chez Lotus, IBM et Oracle et il est administrateur au sein de plusieurs sociétés belges innovantes.

Le roi des rois (certains diront même le roi soleil) a été détrôné, après plus de 25 ans sur le trône en Belgique dans des sociétés ICT comme HP, Belgacom, KPN et Getronics. Le CEO local qui a siégé le plus longtemps dans un paysage ICT global. Récemment encore, il se voyait attribuer un prix d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et, en décembre, Trends-Tendances lui consacrait un article sur la manière dont il ferait travailler Getronics – et toute la Belgique – d’une manière nouvelle en 2013. Et un mois plus tard, la nouvelle tombait. Ce n’est pas Getronics mais bien Jean-Claude Van den Bossche lui-même qui allait pouvoir travailler d’une autre manière. Evincé du trône par ses actionnaires étrangers et remplacé provisoirement par un étranger ne parlant aucune des deux langues nationales.

Le roi des rois (certains diront même le roi soleil) a été détrôné, après plus de 25 ans sur le trône en Belgique dans des sociétés ICT comme HP, Belgacom, KPN et Getronics. Le CEO local qui a siégé le plus longtemps dans un paysage ICT global. Récemment encore, il se voyait attribuer un prix d’honneur pour l’ensemble de sa carrière et, en décembre, Trends-Tendances lui consacrait un article sur la manière dont il ferait travailler Getronics – et toute la Belgique – d’une manière nouvelle en 2013. Et un mois plus tard, la nouvelle tombait. Ce n’est pas Getronics mais bien Jean-Claude Van den Bossche lui-même qui allait pouvoir travailler d’une autre manière. Evincé du trône par ses actionnaires étrangers et remplacé provisoirement par un étranger ne parlant aucune des deux langues nationales.


Jean-Claude, “CloClo” pour les amis et surtout les amies, est toujours en pleines négociations et ne peut donc exprimer aucune opinion à ce stade. Une contrainte difficile pour ce parfait bilingue volubile qui aimait faire part de son avis et afficher ses positions non seulement dans le beau monde bruxellois, mais aussi en Flandre et en Wallonie. Pour l’honneur et la gloire de ses employeurs internationaux. Qui, sans ce vieux Belge à leur tête, n’auraient jamais atteint dans notre pays la position qu’ils y occupent actuellement.


Les country managers d’entreprises cotées en bourse ont manifestement une date de conservation limitée, ils ont peu d’impact dans leur propre entreprise et sont devenus des managers intérimaires. Mais est-ce anormal? Non, évidemment. Les spécialistes ICT le savent depuis longtemps. La technologie a changé le monde et continuera de le faire. A une cadence très élevée. Non seulement tout autour de nous, mais aussi au sein de nos propres entreprises. Et cela suppose d’autres rôles. Egalement pour un country manager, par exemple.


Le 9 mai 2002, The Economist avait joliment abordé cette problématique dans l’article “Country managers – from baron to hotelier”. Avec Jean-Claude, c’est le dernier baron ICT belge qui disparaît. Autrefois, la filiale belge d’IBM était une prestigieuse SA cotée en bourse, mais aujourd’hui, la SPRL IBM figure dans le Top 20000 de Trends-Tendances à côté des SPRL de Cisco, HP et Oracle. Les barons sont effectivement devenus des hôteliers qui exécutent aussi rapidement que possible la stratégie internationale par le biais d’objectifs quantitatifs et qualitatifs clairement définis.


Les managers répètent à l’envi que le principal objectif d’une stratégie réside dans l’exécution, mais bon nombre d’entre eux ont manifestement du mal à voir leur responsabilité limitée à cette exécution. A cela s’ajoutent les plaintes sur la pression trimestrielle ou hebdomadaire, sur le manque de marge de manoeuvre et de possibilités d’innovation. Je n’ai pourtant encore jamais entendu des footballeurs se plaindre de ce même phénomène quand ils doivent faire la différence sur le terrain pendant 90 minutes. Les country managers sont devenus des capitaines d’équipe et ils doivent faire le jeu sur le terrain. Plus dans les salles de réunions de conseil d’administration, supprimées depuis longtemps. Et le foot ne se joue pas jusqu’à la pension. En tout cas pas en Champions League.


Microsoft est l’entreprise qui a anticipé le plus intelligemment cette évolution. Autrefois, la société était un fournisseur de logiciels PC, mais aujourd’hui Microsoft commercialise les solutions logicielles les plus complètes pour les particuliers et les entreprises. La société possède en outre les plus grands centres de données au monde. En juillet 2000, une note circulait déjà au sein de Microsoft sur le nouveau rôle des country managers. Microsoft était une SPRL en Belgique, mais elle s’est transformée en SA, parce que seules les sociétés anonymes sont prises au sérieux dans une économie locale. Et je peux vous garantir que bon nombre de conseils d’administration en Belgique ressemblent à des réunions d’amateurs en comparaison avec la réunion mensuelle sur le rythme d’activité et la gouvernance Microsoft. Avec en point d’orgue, le Mid Year Review Process où les équipes locales exécutantes et les business units stratégiques se confrontent de manière ouverte, honnête mais rude sur la base de données objectives. Pour ensuite adapter l’exécution et/ou la stratégie.


Dans ce paysage en pleine mutation, les entreprises ICT doivent s’interroger sur la manière de veiller à garantir leur ancrage local durable. Il est clair qu’elles ne peuvent plus s’en tenir – ou s’en remettre – au visage local de la société. Mais comment faire? Elles doivent regarder comment ont fait d’autres entreprises mondiales comme Deloitte, Ernst&Young, KPMG ou PWC. Je suis toujours impressionné par la façon dont elles ont mis en oeuvre le concept “Think Global, Act Local”. Avec des processus solides en interne, mis en oeuvre localement au travers d’un modèle de partenariat. Ainsi, les partenaires Deloitte sont régulièrement en conclave pour désigner leur président et CEO. Le leadership local change et ce renouvellement inspire chacun, mais je peux vous garantir que tous les partenaires Deloitte continuent de veiller à l’ancrage et à la continuité au sein de leurs clients actuels et futurs.


La conclusion? Fort de mes bons contacts auprès de la Cour, je proposerai que CloClo soit fait baron, car son épouse mérite cet honneur, après tous ces jours où elle fut seule. Mais pour tous les autres, mon conseil de carrière est très simple. Si vous voulez vous faire plaisir – pendant 2 ou 3 ans -, allez donc diriger la filiale d’une multinationale ICT. Il y aura toujours un client ou un collaborateur (syndiqué) pour faire votre bonheur. Mais si vous voulez faire la différence dans une multinationale ICT, vous avez alors intérêt à opérer depuis le siège central. C’est là que la véritable politique est menée depuis des années déjà. Pas en Belgique. Demandez donc chez Opel, Ford et bientôt… Volvo.

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