Joeri Ruyssinck

‘L’AI en Belgique est trop peu ambitieuse: au diable les preuves de concept’

Joeri Ruyssinck CEO de ML2Grow (spin-off de l’UGent et de l’imec en apprentissage machine)

Joeri Ruyssinck constate que dans les entreprises belges, il y a encore trop de malentendus sur l’intelligence artificielle et que des projets échouent trop souvent en proof-of-concepts. “En matière d’innovations, notre pays appartient certes au top mondial absolu, mais le hic, c’est qu’il n’accomplit pas le pas suivant. L’écart entre la recherche et la commercialisation est criant.”

Très régulièrement, je lis des articles sur de jolis projets recourant à l’intelligence artificielle, parfois aussi en Belgique. Il n’empêche que notre pays accuse du retard, comme il ressort de l’index AI-readiness du bureau-conseil McKinsey. Il y a en Belgique encore trop de malentendus sur ce que l’AI peut et surtout ne pas faire. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous échouons souvent dans des proof-of-concepts trop peu ambitieuses. Changeons donc notre fusil d’épaule.

L’AI en Belgique est trop peu ambitieuse: au diable les preuves de concept

Cette approche prudente, il nous faut y renoncer dans l’urgence, si nous ‘voulons avancer avec l’AI’. Le moment me semble opportun: l’intelligence artificielle démontre toujours davantage son utilité. De l’autre côté de la frontière, il ne faut depuis longtemps déjà plus convaincre les prospects de ce qu’elle permet de faire. Ils préfèrent investir leur énergie dans le calcul de la durée d’amortissement et comment appliquer de manière optimale l’AI dans leurs processus d’entreprise. Si leur business case s’avère positif, ils automatisent plus avant. Il en résulte que leur efficience augmente et qu’ils accroissent en fin de compte aussi leur avance. Est-ce l’audace ou la volonté qui manque encore trop souvent chez nous?

Valorisation: dernière ou première étape?

Ne me comprenez pas mal: les preuves de concept sont également utiles pour l’AI. Nos top-universités, centres de la connaissance et PME ont déjà présenté pas mal de perles créatives. Sans fausse modestie, notre pays appartient au top mondial absolu en termes d’innovation et de développement technologique.

Le hic, c’est que nous n’accomplissons pas le pas suivant: l’écart entre la recherche et la commercialisation est criant. Il n’appartient pas non plus aux universités ou aux centres de recherche de faire tourner des innovations techniques dans un environnement opérationnel. S’il manque la plus-value économique à la fin, c’en est terminé.

Dans pareil cas, la top-innovation se réduit malheureusement à un coûteux passe-temps, ce qui doit démotiver plus d’un chercheur. Et en constatant le non-sens de leurs efforts, certains d’entre eux filent à l’étranger. Or un tel exode de cerveaux génère une spirale négative. Comment changer cela?

Une bonne connaissance requise

Nombre d’entreprises ont un réflexe naturel pour apprendre à maîtriser elles-mêmes les nouvelles technologies et à en développer en interne, souvent en mode très prudent. Elles veulent ainsi conserver leurs jeunes talents suffisamment motivés. Le problème, c’est qu’il n’y a ni plan sous-jacent, ni recyclage. Sans support de leur entreprise, les jeunes talents se retrouvent donc devant une tâche désespérée.

La technologie AI n’est en effet par définition pas prête à l’emploi, ce que les vendeurs en vue peuvent eux aussi affirmer. L’AI ne porte pas exclusivement sur la technologie. Sans accorder de l’attention au processus d’intégration dans une entreprise, les attentes en matière de projets ne cadrent bien vite plus avec la réalité. La preuve de concept engloutit le budget innovations et voilà comment l’envie de lancer de nouveaux projets AI disparaît.

Ce réflexe naturel est dès lors à tout le moins ingénu. Les experts plaident toujours plus souvent pour une sorte ‘d’interprète AI’, capable de lancer un pont entre la technique et le métier. Le marteau, c’est l’outil et pas le résultat final, comme on l’affirme à juste titre.

Place à la transparence

On assiste heureusement à un revirement. Ces dernières années, diverses formations en AI ont vu le jour, et la connaissance théorique ainsi acquise se traduit toujours davantage en une connaissance pratique que les fournisseurs de services mettent à la disposition de leurs clients.

Pour tous ces bons élèves, il y a malheureusement encore et toujours autant d’experts en AI qui préfèrent garder la technologie mystérieuse ou qui se livrent à des comparaisons non fondées avec la façon dont fonctionne l’intelligence humaine. Peut-on convenir d’arrêter cela? Le pendule poursuit en effet inexorablement son balancement: l’AI provoque hélas des sueurs froides dans de nombreux départements d’entreprise. Fini le potentiel innovant. Agoria a calculé que pour chaque emploi qui est automatisé, 3,7 nouveaux sont créés. Il ne reste plus qu’à en convaincre les entreprises.

Avec des initiatives telles AI4Growth et AI4Belgium, on observe que dans notre secteur, on s’unit toujours plus pour faire place à la transparence à propos de l’AI, souvent du reste avec les concurrents directs. En illustrant conjointement nos réalisations, en démontrant leur plus-value concrète – loin de tout aspect mystique -, nous voulons aider à sortir de la brume. Nous dépasserons ainsi les preuves de concept et garantirons une percée de l’AI dans notre pays. Ce n’est qu’ainsi que nous contribuerons avec l’AI à augmenter la compétitivité et la rentabilité de nos entreprises.

Pour cette percée, il nous faudra cependant ensemble oser un tout petit peu plus.

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