La Justice: “Pas question de choisir la couleur des sièges si le châssis n’est pas prêt

“Il faudra un certain temps, mais ce que nous fournirons, cela fonctionnera.” Tel est le message que le cabinet de la Justice souhaite faire passer à propos de l’informatisation en cours.

“Il faudra un certain temps, mais ce que nous fournirons, cela fonctionnera.” Tel est le message que le cabinet de la Justice souhaite faire passer à propos de l’informatisation en cours.

L’ambiance qui règne actuellement autour de l’informatisation au sein du gouvernement est déplaisante, et ce n’est pas peu dire. Récemment, l’hebdomadaire flamand Knack s’est montré sans pitié vis-à-vis du SPF Finances. Ce n’est donc pas une sinécure que d’évoquer le mémoire détaillant la politique à suivre à la Justice, où l’informatisation reprend petit à petit son cours après la débâcle Phenix. Ruben Lemmens, conseiller et chef de projet pour l’informatisation de la Justice, ne le sait que trop bien et entend par conséquent expliquer personnellement les accents IT du mémoire de la Justice 2008-2009. “Dans l’ambiance qui règne aujourd’hui autour de l’informatisation, les termes ‘retard’ ou ‘supplément de coûts’ prennent une horrible signification. Mais il convient de dire honnêtement que dans le cas de l’informatisation d’un mastodonte comme la Justice – avec les antécédents que l’on connaît et avec un nouveau cabinet et un nouveau planning – il est très compliqué de s’écrier au bout de 10 mois déjà: ‘C’est prêt’.”

“Phenix nous a appris qu’on peut difficilement travailler avec un ‘all-in-one-shot’: développer et déployer un seul système dans l’ensemble de la Justice, déclare Lemmens. C’est pourquoi nous avons opté pour un projet en phases, Cheops. Cela signifie que par branche de l’ordre judiciaire, nous allons développer une application, en concertation avec tous les acteurs concernés.”

La première phase de Cheops est entamée: les justices de paix, les parquets et les tribunaux de police sont à présent équipés de Mach, alias ‘Mammouth at central hosting’. Il s’agit d’une version rénovée de l’application existante, Mammouth, qui date de 1992 et fonctionne sur base de MS Dos. “Nous en avons fait une version basée web. Deux justices de paix sont aujourd’hui déjà en ligne. Actuellement, les 10 sites pilotes suivants sont en train d’être testés et déployés. Immédiatement après, nous passerons au déploiement complet des 229 justices de paix existantes. Il en ira alors de même pour les parquets et les tribunaux de police.”

“Pour moi, fin 2009 constituera une étape importante, explique Lemmens. A cette époque, les justices de paix, parquets et tribunaux de police devraient être parés. Chaque justice de paix et chaque tribunal de police qui opèrera avec l’application d’ici fin 2009 représentera un pas en avant par rapport au passé.”

Lemmens admet qu’il est très ardu de convaincre les utilisateurs. “Entre autres à cause de l’écolage. Nous utilisons le principe ‘teach the teacher’, à savoir former une série de personnes sur site, lesquels formeront à leur tour leurs collègues. Honnêtement, je dois avouer que nous devons effectuer en permanence des évaluations. Il faut en effet trouver les gens qui veulent bien s’y prêter et qui sont aussi un minimum doués. Au début, nous n’en avions même pas 5, mais aujourd’hui, nous en sommes déjà à 28.”

“On ne peut sous-estimer le côté psychique du personnel de la Justice, fait encore observer Lemmens. Il est très réservé quand on lui parle d’informatisation. Et je lui donne raison à 300%: c’est qu’on lui a déjà promis le paradis sur terre, et il n’a rien obtenu jusqu’à présent…”

Outre Cheops, qui représente 60 à 65% des activités d’informatisation au cabinet de la Justice, il y a aussi plusieurs projets d’informatisation individuels. “Nous avons déjà parlé de ‘JustScan’, par lequel nous voulions dans chaque bâtiment une espèce de mini-centre de scannage dans l’optique de l’introduction d’une sorte de dossier électronique. Eh bien nous entamons très concrètement plusieurs de ces projets pilotes (entre autres dans le cas du procès consacré à la catastrophe de Ghislenghien, NDLR). Mais une fois encore, si l’on annonçait demain JustScan au sein de la Justice, ce serait une gaffe gigantesque. Nous n’allons pas choisir la couleur des sièges, si le châssis de la voiture n’est pas encore prêt.”

À propos des applications des tribunaux d’exécution des peines et des prisons (Sidis, Surtap en Sipar), le cabinet a demandé à Agoria de réaliser une étude. “La question est de savoir comment nous – si nous innovons – pouvons lancer un pont numérique entre ces systèmes.” On a aussi ressorti l’idée du fichier central de messages de saisie permettant aux huissiers de savoir partout chez qui et sur quoi une saisie a déjà été pratiquée. En outre, un protocole a été conclu entre les parquets et Assuralia, la fédération des assureurs. Le but est de rendre disponible pour l’assureur dans les plus brefs délais et par voie électronique un dossier, une fois qu’il a été réglé à la police, afin qu’il puisse être plus rapidement traité. Enfin, la Justice pense également à une manière de permettre la consultation numérique des jugements rendus par les tribunaux d’une part et des conclusions des avocats d’autre part.

“Toutes ces choses illustrent bien la nouvelle approche à la Justice: d’abord évaluer la pertinence d’une mesure, puis en examiner les aspects juridiques, techniques et financiers. L’ICT au sein de la Justice n’aura peut-être pas un rendement très élevé les premières années, mais elle tentera surtout d’ordonner et de structurer le chaos existant. Ce que nous fournirons ensuite, ce sera quelque chose qui sera adapté aux besoins du terrain et qui fonctionnera.”

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