La fracture numérique existe encore bel et bien: quasiment un Belge sur deux est vulnérable

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Kristof Van der Stadt
Kristof Van der Stadt Rédacteur en chef chez Data News

Certes, la crise du corona a provoqué une accélération de la numérisation de notre société, mais la fracture numérique au sein de la population n’en a pas pour autant disparu. Voilà ce qui ressort du nouveau Baromètre de l’Inclusion Numérique de la fondation Roi Baudouin.

Deux années durant, les citoyens, employés et étudiants ont tous été contraints d’être scotchés à leur écran. Telle est du moins la perception qu’on a, lorsqu’on jette un coup d’oeil dans le rétroviseur sur la période corona. Le Baromètre de l’Inclusion Numérique de la fondation Roi Baudouin affiche une image plus réaliste. Même si toujours plus de Belges sont connectés virtuellement, quasiment 1 ménage sur 5 à bas revenu ne dispose pas encore d’une connexion internet à la maison. En 2021, 46% de la population se trouvaient dans une situation de ‘vulnérabilité numérique’. La position des personnes les plus vulnérables dans une société toujours plus numérisée est donc préoccupante et exige des solutions alternatives, telle est la conclusion de la Fondation Roi Baudouin (FRB). Pour son étude, la FRB a collaboré avec des chercheurs de CIRTES-UCLouvain et d’IMEC-SMIT-VUB. Statbel a réalisé l’étude, tout comme ce fut le cas pour la première édition de 2019.

Inégalité dans le compétences numériques

La numérisation de la société et l’impact supplémentaire dû au COVID-19 n’ont pas généré une amélioration générale des compétences numériques, semble-t-il. En 2021, 46% des personnes âgées de 16 et 74 ans étaient numériquement vulnérables: 39% d’entre elles disposaient de faibles compétences numériques (contre 32% en 2019), et 7% n’utilisaient pas du tout internet. Cela représente à peine une amélioration par rapport aux 8% en 2019 et, assez étonnamment, la vulnérabilité numérique augmente même en comparaison avec 2019. Une partie de l’explication réside, selon les chercheurs, dans le fait que les compétences numériques ont tendance d’une part à évoluer très lentement et d’autre part à exiger une mise à jour permanente et de nouvelles dextérités.

La formation faible et les bas revenus augmentent le risque d’exclusion

Le degré de vulnérabilité numérique semble en outre ne pas être semblable pour tout un chacun: les personnes à faible niveau de formation ou à bas revenus courent plus le risque d’être exclues. Entre 2019 et 2021, les faibles compétence chez les gens à scolarité réduite ont par exemple progressé de 18%, contre 9% chez les personnes bien formées sur le plan scolaire. On en arrive à la même conclusion pour le nombre de ménages qui disposent à la maison d’une connexion internet (92% en 2021). Mais en fonction des revenus, on distingue une fracture: 98% chez les ménages à haut revenu contre 82% chez les ménages à bas revenu. La FRB signale cependant une lueur d’espoir: la fracture s’est réduite de 3% depuis 2019.

68% des internautes possèdent un ordinateur portable

Le slogan ‘l’internet à la maison’ n’est – soyons clairs – pas synonyme de la présence d’un PC de bureau, d’un ordinateur portable Windows, d’un Mac ou d’un Chromebook. 17% des internautes semblent n’utiliser qu’un smartphone pour se connecter à internet. Cela signifie donc aussi qu’il est nettement moins évident pour ces utilisateurs par exemple de pouvoir effectuer toutes les opérations administratives nécessaires ou d’élaborer un curriculum vitae dans le cadre de la recherche d’un emploi.

En tout, 68% des internautes possèdent à présent un ordinateur portable, ce qui représente une solide croissance de 15% par rapport à 2019. Mais ici encore avec la remarque que ce sont en premier lieu les utilisateurs financièrement les plus aisés (+ 15% depuis 2019) qui se sont acheté un ordinateur portable durant la période corona. Dans les ménages à bas revenu, l’augmentation se limité à 4%.

Services numériques: pas pour tout le monde

Dans l’ensemble, les Belges utilisent davantage les services numériques tels l’e-banking, les services en matière de santé, d’e-commerce et d’administration numérique. La progression d’Itsme comme moyen d’authentification pour un grand nombre de ces services l’illustre bien. Mais ici encore, il existe une fracture nette lorsqu’on plonge plus en profondeur dans les chiffres et qu’on observe la différence existant entre les personnes à faible et à haut niveau de formation: quelque 30% pour quasiment tous les services.

Le Baromètre de l’Inclusion Numérique démontre aussi clairement que l’image stéréotypée des jeunes de 16 à 24 ans apparaissant comme des ‘digital natives’ n’est pas totalement correcte. Parmi les jeunes à bas niveau de formation, 22% ne se connectent à internet que via leur smartphone, et 45% d’entre eux possèdent de faibles compétences numériques. Ces pourcentages atteignent respectivement à peine 2% et 22% chez les jeunes possédant un diplôme de l’enseignement supérieur.

Continuer d’investir à long terme

Le FRB considère les résultats de ce nouveau Baromètre de l’Inclusion Numérique comme un banc d’essai qui montre que nous devons veiller à ce que personne ne reste sur le bord de la route de la numérisation de notre société. ‘Malgré les initiatives prises ces deux dernières années pour améliorer l’accès à internet et favoriser les compétences numériques, nous ne sommes, en tant que société, pas parvenus à impliquer numériquement les personnes les plus vulnérables. Il est donc crucial de continuer d’investir dans la numérisation et de veiller à l’accessibilité des services numériques et des éventuelles alternatives pour les groupes les plus vulnérables’, telle est la conclusion de la Fondation Roi Baudouin.

Des différences régionales bien visibles

  • En Wallonie, la vulnérabilité numérique atteint 49%. Ce niveau est inférieur en Flandre (46%) et à Bruxelles (39%). Les pourcentages des personnes à faibles compétences augmentent partout, mais surtout en Flandre. L’évolution rapide de la numérisation ne va donc pas de pair avec une augmentation des compétences des internautes.
  • Tant sur le plan de l’utilisation d’internet que sur celui de l’accès aux supports numériques (par exemple la possession d’un ordinateur portable), les chiffres sont supérieurs en Flandre (respectivement 94% et 71%) et à Bruxelles (93% et 70%) qu’en Wallonie (90% et 63%).

L’ensemble du rapport du Baromètre de l’Inclusion numérique de 2022 est disponible gratuitement sur www.kbs-frb.be

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