Bruno Segers

La chinisation est en marche

Bruno Segers Bruno Segers est CEO de la Start-up IrisPact SA; il a été à la tête de RealDolmen et Microsoft en Belgique: il a occupé différentes fonctions locales et internationales chez Lotus, IBM et Oracle et il est administrateur au sein de plusieurs sociétés belges innovantes.

Mon brave garçon, que s’est-il passé? Tes Américains sont partis.” Telle fut la réflexion lancée par ma mère de 80 ans lorsqu’elle découvrit que Gores, l’investisseur américain et initiateur du projet de rachat de RealDolmen, avait cédé sa participation à un fonds familial ouest-flamand.

La Chine n’évolue pas progressivement de A à B, comme le reste du monde, mais copie rapidement de 0 à B. Un rêve pour tout responsable en gestion du changement.

“Les Américains nous ont libéré des Boches”, ajouta-t-elle par la suite, témoignant d’un profond respect pour tout ce qui l’avait délivré de la Seconde Guerre mondiale.

Les parents de l’actuelle génération de babyboomers avaient découvert, avec l’arrivée des GI, la cigarette, le chewing-gum, le coca, le rock and roll et de nombreuses autres choses qui allaient s’imposer naturellement dans leur vie de tous les jours. Le Plan Marshall de l’après-guerre allait permettre non seulement à l’économie du Vieux Continent de se redresser, mais aussi le déferlement de produits importés d’outre-Atlantique. L’américanisation était en marche. Aujourd’hui, cette américanisation est un phénomène socio-culturel à l’échelle mondiale dans la mesure où la culture, la technologie, l’activité économique, la politique américaines ainsi que la langue anglo-saxonne se sont imposées dans notre société mondialisée. Américanisation et globalisation avancent main dans la main et font du monde un village où l’on ne cesse de retrouver les mêmes marques.

A en croire certains observateurs, cette américanisation ne serait pas terminée et les Etats-Unis continueraient à dominer le monde au 21e siècle. L’occasion de s’arrêter un instant sur quelques paroles de l’ancien CEO de Bekaert, Julien De Wilde, qui expliquait que ses enfants avaient appris l’anglais, mais que ses petits-enfants apprenaient le chinois. Autrefois, on entendait ‘Mange ta soupe, sinon les petits Chinois la mangeront!’, alors qu’aujourd’hui, ce serait plutôt ‘Travaille, sinon les Chinois prendront ta place!’ Avec le recul, je suis convaincu que les choses bougent, que nous assistons à la chinisation du monde. Cependant, cette chinisation prend des formes totalement différentes de ce que Julien De Wilde avait prédit et de la manière dont les Américains ont procédé. Du coup, la chinisation est à mon sens ‘le terme ICT du mois’. Chiniser est en effet un processus qui associe numérisation et modernisation, à la fois rapide et moins chère. Contrairement à l’américanisation, il n’est pas question de langue ni de culture, mais uniquement de technologie.

Chiniser est en effet un processus qui associe numérisation et modernisation, à la fois rapide et moins chère.

La Chine se distingue par son énorme population qui évolue vers un nouveau monde dans le cadre d’une gestion centralisée. Passer de l’agraire au numérique avec seulement une période relativement courte d’industrialisation. Des gens qui n’ont jamais eu de voiture ou de téléphone utilisent désormais des smartphones et des tablettes. Un code de la route est respecté dans les villes, mais pas encore le code sur la propriété intellectuelle. La Chine n’évolue pas progressivement de A à B, comme le reste du monde, mais copie rapidement de 0 à B. Un rêve pour tout responsable en gestion du changement.

Par ailleurs, les Chinois sont la plus importante proportion de touristes étrangers dans le monde: 120 millions en 2015. Tous ‘endoctrinés’ par les campagnes des autorités qui leur recommandent de bien se comporter et de s’adapter au pays et à ses us et coutumes. Bientôt, nous serons tous gênés – ou devrais-je dire ‘chinés’ – de voir un Chinois mieux s’y retrouver que les autochtones dans une ville dont ils ne connaissent pas la langue.

Entre-temps, la Chine a adhéré à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), tandis que l’on panique à Bruxelles sachant que les mesures antidumping pour concurrence déloyale sont remises en cause. Reste à voir si les autorités chinoises vont informer les entreprises – après l’avoir fait avec leurs compatriotes – qu’elles doivent mieux se comporter et s’adapter au reste du monde. Depuis peu, l’on sait que les Chinois s’intéressent au gestionnaire de réseau flamand Eandis. Cela étant, les Chinois sont déjà présents dans le paysage télécoms belge et l’on risque sans doute passer de l’affaire Ye dans le football au dossier ZTE dans le paysage des telcos. En effet, la chinoise ZTE continue à commercialiser ses produits chez nous, alors que dans plusieurs autres pays, plainte a été déposée pour tentative de corruption. Mais cela n’arrêtera pas la chinisation du monde.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire