La 5G peut-elle aussi perturber le secteur aérien belge?

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Pieterjan Van Leemputten

Aux Etats-Unis, le secteur aérien a lancé une mise en garde, selon laquelle certaines fréquences 5G étaient susceptibles de perturber les instruments embarqués dans les avions. En Belgique et dans le reste de l’Europe, la situation semble meilleure.

Il y a un bras de fer entre les opérateurs mobiles et le secteur aérien aux Etats-Unis. AT&T et Verizon ont acheté pour quatre-vingts milliards de dollars les droits sur ce qu’on appelle la bande C. Il s’agit là du très intéressant spectre 5G permettant aux opérateurs de proposer une meilleure couverture à des vitesses élevées.

Mais ces fréquences (3,7 GHz à 3,98 GHz) sont très proches de celles des radioaltimètres des avions (4,1 GHz à 4,4 GHz). Or c’est l’altimètre qui aide à déterminer la distance entre l’avion et le sol dans les derniers 2.500 à 2.000 pieds (762 à 610 mètres). Au-dessus de cette altitude, on utilise l’altimètre sur base de la pression atmosphérique. Cet instrument est crucial pour atterrir en toute sécurité, surtout en cas de mauvaises conditions météorologiques, tels le brouillard.

Voilà pourquoi, les avionneurs et les compagnies aériennes craignent que si AT&T et Verizon utilisent leurs fréquences à proximité des aéroports, le fonctionnement de l’altimètre sera perturbé, ce qui engendrerait des risques supplémentaires et davantage de retards ou d’annulations de vols. Les opérateurs ont brièvement suspendu le déploiement de la 5G à proximité des aéroports, mais ne veulent pas le faire de manière permanente. Selon eux, comme ledit problème est à peine évoqué dans le reste du monde, pourquoi l’est-il précisément aux Etats-Unis? La brève réponse est que le spectre 5G est mieux organisé ailleurs.

Qu’en est-il en Belgique?

Le déploiement de la 5G débutera cette année dans notre pays également. Les compagnies aériennes doivent-elles pour autant retenir leur souffle? La réponse est assez nuancée.

Selon le régulateur télécom IBPT, le problème est nettement moins aigu en Europe. L’actuelle limite supérieure pour la 5G se situe à 3,8 GHz, ce qui fait qu’il y aura nettement plus d’espace entre la 5G et les fréquences des radioaltimètres (400 MHz de différence en Europe contre 220 MHz aux Etats-Unis). Selon l’Agence européenne pour la sécurité aérienne EASA, on n’aurait encore observé aucune condition qui mettrait la sécurité aérienne en danger. A propos de la problématique, l’IBPT collabore avec Skeyes (qui gère le trafic aérien) et le Directorat Général du secteur aérien notamment.

En même temps, l’IPBT a bien fait les choses depuis le départ et avait recommandé fin 2020 déjà que les opérateurs respectent une zone de sécurité et de précaution autour des pistes de décollage et d’atterrissage. Il s’agit ici des droits d’utilisation temporaires dans la bande de fréquences 3,4 à 3,8 GHz que les opérateurs peuvent utiliser en attendant les enchères formelles (ultérieurement cette année).

France et Japon

Le régulateurs emboîte ainsi le pas à son pendant français ANFR, qui a déjà instauré des mesures pour sécuriser le fonctionnement des radioaltimètres.

De l’autre côté de la planète, au Japon, le problème est relatif. The Register révèle ainsi que les pylônes d’antennes doivent se trouver à une distance d’au moins 200 mètres des trajets de vol. Mais ici aussi, il y a une plus grande distance entre les fréquences 5G et celles des altimètres.

Dans le cadre de ce débat, l’important est de savoir qu’un radioaltimètre ne peut être aisément ajusté. En cas d’interférences, un pilote ne peut donc pas comme cela choisir une autre fréquence prévue lors de la construction de l’avion. Le problème doit donc être surtout résolu du côté des opérateurs en évitant de se rapprocher trop près des fréquences 4,1 à 4,4 GHz des radioaltimètres.

Avenir

Qu’en est-il des fréquences futures? Plus il y aura d’applications axées sur la 5G, plus le spectre actuel sera étendu, ce qui le rapprochera d’autant des fréquences des radioaltimètres.

L’IBPT entend examiner cette année si un spectre peut être libéré pour des réseaux locaux privés. Pensons ici à des vastes parcs d’entreprises possédant leur propre réseau 5G. Il est possible que le régulateur envisage dans ce but la bande des fréquences 3,8 à 4,1 GHz, même si cela n’est pas encore établi et qu’on veut dans un premier temps utiliser le spectre restant des enchères multi-bandes (en juin). Mais même dans ce cas, il s’agit d’abord d’examiner la compatibilité avec les radioaltimètres. Si un problème devait se manifester, l’IBPT pourrait par exemple alors choisir de ne pas attribuer localement ce spectre à proximité des aéroports belges.

En résumé, il semble que la problématique opposant la 5G à la sécurité des avions soit surtout une affaire américaine. Les avions, en ce compris les belges, qui atterrissent aux Etats-Unis, pourraient donc connaître des problèmes. Pour les avions européens ou américains atterrissant à Zaventem, Charleroi, Deurne ou Ostende, il semble n’y avoir momentanément aucun risque.

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