IT de la Région wallonne: une maîtrise à récupérer

Avec préavis de 3 ans, la Région wallonne a dénoncé le contrat d’externalisation IT passé avec le GIEI. Seule solution pour retrouver une gouvernance maîtrisée.

Avec préavis de 3 ans, la Région wallonne a dénoncé le contrat d’externalisation IT passé avec le GIEI. Seule solution pour retrouver une gouvernance maîtrisée.

En dénonçant le contrat qui, depuis 1989, la liait au GIEI (groupement d’intérêts économiques informatiques) (1) pour l’externalisation de son informatique administrative et de gestion, la Région wallonne veut avant tout remettre à plat sa politique informatique et vise une meilleure gouvernance IT.Et le chantier est d’importance. Evaluations et audit successifs avaient révélé des lacunes ou anomalies qui sont loin d’être uniquement le fait du GIEI: contrat d’exclusivité qui empêchait toute mise en concurrence et passation de marchés ouverts (les signataires de la convention déléguaient simplement à des sous-traitants), manque de contrôle sur l’exécution de la convention (par manque de compétences internes aux ministères), insuffisance des ressources (MRW et MET s’en plaignent, en interne, mais accusent aussi le GIEI de ne pas avoir répondu à l’attente), factures considérées par certains comme anormalement élevées, incapacité du client à formuler efficacement ses besoins…De manière étonnante, la Région n’avait pas négocié un droit de regard sur la constitution du GIEI. Impossible donc d’exiger que les parties contractantes demeurent actives dans la structure mise en place. C’est ainsi que Capgemini, tout en restant contractuellement lié, a pu passer la main à d’autres intervenants, sans assurer la moindre période de transition. La Région avait et a par contre toujours un droit de regard sur les sous-traitants choisis par les prestataires. Mais uniquement pour rejeter éventuellement un sous-traitant, pas pour en préconiser le choix.

Dénonciation ne veut pas dire rupture brutale. La période de ‘transition’, avant la mise en place d’une nouvelle convention éventuelle, durera 3 ans, “histoire de respecter les intérêts de toutes les parties (investissements des prestataires, besoin de continuité du côté de la Région)”. Une durée qui peut être jugée fort longue mais les clauses du contrat initial l’imposaient. Et cette durée de préavis pourrait s’avérer utile si, comme cela semble se dessiner (voir plus loin), on se dirige vers un scénario d’externalisation moins exhaustive et le rapatriement de certaines compétences- qu’il faudra rebâtir.”L’IT va être confrontée à un défi qui va s’amplifiant”, souligne Thierry Bertrand, directeur de l’informatique au MRW (ministère de la Région wallonne). Déjà en phase de réorganisation pour cause de fusion entre le MRW et le MET, “les équipes devront s’organiser de manière différente. Il faudra revoir les agendas, travailler dès demain, sans attendre l’échéance des 3 ans, à trouver de nouvelles ressources. La priorité est à la gestion des ressources humaines”.

“La principale source de problèmes”, estime-t-il, “fut l’absence de tout mécanisme de surveillance face à un transfert total de compétences et de connaissances vers un prestataire extérieur où la Région n’était pas partie prenante. Résultat: le GIEI en sait plus sur l’organisation de notre IT que nous-mêmes”. La dénonciation du contrat est donc, à ses yeux, “l’occasion de prendre des initiatives cohérentes, autorisant une reprise de maîtrise interne pour certaines compétences qu’on n’aurait sans doute pas dû externaliser. Le contrat, passé en 1989, fut assez précurseur. D’autres contrats d’externalisation, ailleurs, sont venus plus tard. Depuis le marché a découvert l’outsourcing intégral… et ses limites. Je ne pense pas qu’on répétera, demain, un schéma qui a mené aux débordements que l’on connaît et qui sont à l’origine de la dénonciation du contrat”.Parmi ces compétences à rapatrier, il cite notamment la définition des besoins, de l’architecture, des normes, la responsabilité de la mise en oeuvre, le contrôle de qualité et des coûts. “L’idée est d’avoir une meilleure maîtrise, sans pour autant se lancer dans des activités pour lesquelles les organes publics ne sont pas plus performants qu’une société extérieure”. On devrait donc s’orienter vers une sous-traitance par lots au lieu de tout confier, en bloc, à un seul intervenant.Ces ‘lots’, précise-t-on déjà du côté du Cabinet de Rudy Demotte, “devront être structurés de manière cohérente, par type de services ou d’applications. […] Cela permettra de sélectionner les meilleurs prestataires via la formule de marché public la plus adéquate. […] Cela implique la mise en place d’une équipe [interne] formée à la gestion de projets et, donc, le recours à des ressources humaines suffisantes et qualifiées”.Aujourd’hui, les effectifs internes (MRW et MET) ne dépassent pas la quinzaine. Il en faudrait sans doute, au total, 50 ou 60, estime Thierry Bertrand, pour assurer la maîtrise dont on parle.

Quel budget? Les moyens financiers pourront-ils être dégagés? “Les pouvoirs publics sont conscients des difficultés que rencontre l’IT de la Région, en raison de la faiblesse des moyens internes disponibles”, déclare Thierry Bertrand. “Entre un prestataire extérieur à 200.000 euros et des ressources internes mal payées, coûtant 60 ou 65.000 euros, il y a une marge qui permet de trouver et de garder ces ressources et, dans le même temps, de résoudre le problème de financement identifié”, estime-t-il. Obtenir les budgets ne devrait donc pas poser de problème. Quoique… “Ce raisonnement vaut à périmètre d’activités égal. Si on veut profiter de la situation et de la création d’un cadre nouveau pour renforcer l’informatisation, on entre dans un autre débat où il faudra rediscuter du budget”.Un comité de transition se chargera de préciser l’agenda futur et de raffiner le scénario esquissé (compétences à rapatrier, lots à allouer…). Il sera constitué de 6 membres: 2 représentants du ministre-président (Rudy Demotte), un pour chacun des deux vice-présidents (André Antoine et Michel Daerden), un délégué du ministre de la Fonction publique et un représentant de Ramboll, la société qui avait été chargée de l’audit. Seront en outre invités à participer aux réunions, selon l’ordre du jour: des membres de l’administration (on ignore encore s’ils viendront de la direction générale ou de la direction de l’informatique), une personne d’Etnic, une d’Easi-wal et, éventuellement, des représentants d’autres ministères.

Se contenter de changer de prestataire(s) ne servirait à rien, relèvent des observateurs proches du dossier, s’il n’y avait, dans le même temps, du côté de l’administration elle-même, un sérieux de travail de mise à niveau, de professionnalisation de la gestion et de prise de responsabilités.”Cela n’aurait aucun sens de changer la situation actuelle”, souligne par exemple Georges Ataya, consultant chez ICT Control (partenaire de Ramboll Management lors de l’audit commandité par la Région), “si l’on ne mettait pas en place les bons principes de gouvernance, touchant aux 5 aspects de base, à savoir: alignement, apport de valeur, gestion de risque, gestion des ressources en bon père de famille, et mise en place de bonnes mesures de performances”.L’effort concernera tous les ‘étages’: depuis les chefs de projet (à recruter) jusqu’à la direction, à qui il reviendra de définir et valider la stratégie, en passant par la direction de l’informatique. Cette dernière, après tout, ne semble pas avoir pu influer sur certains des éléments qui ont induit les dérapages et conduit à la dénonciation de contrat. Mais il est vrai que là aussi la gouvernance était aux abonnés absents. Comment par exemple justifier qu’un directeur Informatique d’un ministère soit en partie payé par… le GIEI, son prestataire?Il faudra inculquer aux uns et aux autres le sens de la réflexion méthodique, de l’accompagnement de projets, la capacité à définir rigoureusement une stratégie informatique et faire en sorte que les personnes qui définissent les cahiers de charge ou évaluent les analyses fonctionnelles fournies par les futurs prestataires aient les compétences requises. Un minimum-minimorum.Si l’un des objectifs majeurs de la future ‘bonne gouvernance IT’ sera de “rendre l’administration responsable de son IT”, il lui faudra retrouver, en interne, une compétence réelle en matière de définition de la stratégie IT, de rédaction des cahiers de charge, d’évaluation des prestations fournies.

(1) Constitué du Ciger (devenu Adehis depuis après sa fusion avec WGH), de NRB et de Capgemini, ce GIEI a sous-traité nombre d’activités à d’autres sociétés. Voici plus de 2 ans, Capgemini cessait d’ailleurs toute activité au sein du GIEI, déléguant son rôle à d’autres intervenants, tels NSI.

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