‘La quasi-astronaute’ Liesbeth Arnouts: ‘Continuez à poursuivre vos rêves avec détermination, aussi absurdes soient-ils’

Liesbeth Arnouts © Noe David
Melanie De Vrieze Freelance

Liesbeth Arnouts a été retenue pour la finale de la sélection d’astronautes de l’Agence Spatiale Européenne ESA en 2021-2022, mais a échoué sur le fil. Elle considère le processus comme une expérience enrichissante.

Dès sa plus tendre enfance, Liesbeth Arnouts rêvait de l’espace. Elle tire notamment son inspiration de livres sur l’espace et de photos d’astronautes à bord de la station spatiale. « Il me semblait fantastique de pouvoir respirer dans une atmosphère où l’homme n’est pas censé vivre », explique-t-elle.

Une autre source d’inspiration a été le pilote militaire belge Frank De Winne qui, en 2022, a séjourné durant 8 jours à bord de la station spatiale ISS. « Je voulais imiter mon modèle et devenir ainsi astronaute pilote. Après deux ans, j’ai dû quitter l’armée belge parce que je souffrais d’asthme d’effort. Celui-ci a entre-temps disparu, comme quoi j’aurais sans doute dû rester à la Défense. Malheureusement, je ne le savais pas à l’époque. »

Trouver sa voie

Liesbeth Arnouts prend alors conscience qu’elle doit suivre sa propre voie sans imiter le parcours de quelqu’un d’autre. Elle entame alors une formation d’ingénieure civile-architecte. « La combinaison de la science et de l’artistique me fascinait. Il s’agissait d’une formation idéale dans la mesure où j’étais intéressée par de très nombreux domaines différents, dont la science n’est que l’une d’elles. » Elle se spécialise ensuite dans les structures dépliables, comme les pylônes pliables et les systèmes satellitaires qui sont par ailleurs utilisés dans l’espace. « Quoi que j’entreprenne, je finis toujours par en revenir au domaine spatial », sourit-elle. 
Durant son doctorat, l’un de ses amis lui indique que l’ESA lance une nouvelle procédure de sélection, la dernière remontant à 2008. « Comme mes années de doctorat comptaient également dans mon expérience professionnelle, c’était le moment idéal dans ma carrière de participer à ces épreuves. L’ESA ne recherchait pas uniquement des pilotes de test, mais s’intéressait aussi à des profils plus variés comme des géologues ou des médecins. Mon doctorat sur les structures dépliables était également pertinent pour eux. »

Déception

Après l’envoi de son CV et de sa lettre de motivation, puis les questionnaires, la procédure de sélection dura un an et demi. À chaque fois qu’une phase était terminée, elle stressait dans l’attente des résultats. « À mon grand étonnement, j’ai chaque fois reçu de bonnes nouvelles, confie encore Arnouts. Finalement, il en restait plus qu’un seul autre Belge, à savoir Raphaël Liégeois. Sachant que notre pays investit massivement dans le domaine spatial, nous avions le sentiment qu’un Belge pourrait rejoindre l’équipe des astronautes : cette fois, il s’agissait soit du premier astronaute wallon, soit de la première femme belge astronaute. »

« Le processus est très enrichissant et l’on apprend à connaître ses limites »

Lorsqu’elle reçut un appel de Frank De Winne lui annonçant qu’elle n’était pas sélectionnée, la déception fut grande. La chance de voir à nouveau – sans doute dans une dizaine d’années – un Belge être choisi dépend beaucoup de l’avenir de la recherche spatiale. Si celle-ci se concentre surtout sur les missions lunaires, il y aura sans doute moins besoin d’astronautes dans la mesure où il s’agit toujours de missions qui nécessitent une longue préparation. En revanche, dans les missions commerciales, le besoin d’astronautes sera plus grand. »

Viser haut

Rapidement, la déception fait place à la conviction que les choses n’auraient pas pu se dérouler autrement.
« Comme j’avais réussi l’ensemble du processus, il n’y a rien que j’aurais personnellement pu faire mieux. C’est alors que je me suis rendu compte que ce trajet m’avait donné une importante leçon de vie, à savoir de s’investir pleinement dans ce que l’on fait, même si cela peut paraître impossible ou absurde. C’était déjà très particulier de pouvoir entamer cette procédure de sélection à laquelle participent 23.000 candidats. Le processus est très enrichissant et l’on apprend à connaître ses limites. J’y ai également rencontré de nombreuses personnes passionnantes. »

Au cours de la procédure de sélection, elle est engagée comme consultante en gestion chez McKinsey. « À l’époque, j’étais depuis tellement longtemps attachée à l’université que je voulais découvrir le monde de l’entreprise. Mais j’ai remarqué que je ne me sentais pas à ma place. Je voulais absolument travailler dans le spatial. »

« Peu importe ce que je faisais, je revenais toujours aux voyages dans l’espace »

Elle est maintenant active comme ingénieure système chez HPS (High Performance Space Structure Systems) à Munich, spécialisée dans les structures pour l’espace. « Il y a un lien direct avec mon doctorat sur les structures en ciseaux. Dans l’espace, celles-ci sont fréquemment utilisées, notamment pour les panneaux solaires ou les réflecteurs des plus petits satellites. Il s’agit là pour moi d’une manière idéale de travailler quand même dans le spatial. »

Ne pas se confiner à des cases

Si elle n’a pas connu de modèle féminin, Liesbeth Arnouts n’en a pas moins rêvé de l’espace. « Je n’y attachais pas d’importance, mais pour certains, une astronaute femme peut représenter un modèle ou une source d’inspiration. Dans l’espace, on retrouve de nombreuses initiatives féminines. C’est ainsi que le groupe Women in Aerospace est actif dans le monde entier. » Avec toute l’attention portée aux femmes, elle a parfois l’impression que l’homme est un peu oublié. « Nous essayons d’améliorer la situation des femmes afin qu’elle puisse combiner son travail et sa vie de famille, mais il est souvent plus simple de donner autant de temps à la maison pour l’homme que pour la femme. J’estime que nous devrions impliquer davantage les hommes dans ce genre d’initiatives. »


En Allemagne, où elle vit et travaille actuellement, elle constate que les entreprises sont obligées de recruter un certain pourcentage de femmes dans des positions clé, ce qu’elle approuve. « Il peut s’agir d’un outil intéressant pour inciter davantage de femmes à occuper des fonctions dirigeantes, mais en imposant des règles, on confine encore davantage les hommes et les femmes dans des cases.

En Allemagne, où elle réside et travaille désormais, elle constate que les entreprises sont obligées de recruter un certain pourcentage de femmes dans des positions dirigeantes. Pourtant, elle n’est pas en faveur d’un tel système. « Il peut s’agir là d’une solution pour augmenter le nombre de femmes dans des fonctions de direction mais vous risquez de confiner les hommes et les femmes dans des cases. Vous amplifiez alors le problème plutôt que de le solutionner. Si une femme décroche un emploi parce qu’il faut davantage de femmes, vous aurez un problème car cette femme ne bénéficiera jamais du même respect que ses collègues masculins. »

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