Femmes et NTIC : quand l’information perpétue les inégalités

Les nouvelles technologies ne sont-elles faites que par les hommes et pour les hommes?

Les nouvelles technologies ne sont-elles faites que par les hommes et pour les hommes?

Un des aspects les plus visibles de la mondialisation réside dans les échanges d’information et la manière dont (presque) toutes les parties du monde sont connectées et communiquent entre elles. Aujourd’hui, ne pas avoir accès à l’information et aux techniques de communication peut accentuer les inégalités (tant entre les personnes qu’entre les pays ou régions du monde) et constituer une variable d’exclusion sociale et politique. Parallèlement à cette apparente démocratisation des connaissances, on assiste à un phénomène de privatisation des moyens de communication par lequel l’information devient une marchandise concentrée dans les mains de quelques uns (très rarement quelques unes).

Alors que nous sommes toutes et tous conscients du rôle que joue la communication dans nos sociétés, de l’impact qu’elle a sur nos mentalités et nos représentations sociales, et surtout des relations de pouvoir qu’elle met en jeu, il est important de se demander si nous sommes toutes et tous égaux dans la participation aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Et de constater que les inégalités structurelles dont souffrent les femmes dans nos sociétés sont omniprésentes dans les NTIC, les excluant ainsi du “4e pouvoir” qu’est l’information.

En Belgique, 4 personnes sur 10 ont accès à l’Internet, dont 45% de femmes. Malgré cette quasi égalité, les femmes sont sous-représentées dans les métiers des NTIC : elles sont seulement 14,9% à travailler en tant que techniciennes, composent seulement 27,8% du personnel en recherche et développement des entreprises et de l’enseignement supérieur. Elles sont encore moins nombreuses parmi les chercheurs. Comment est-ce possible, alors qu’elles sont aussi nombreuses que les hommes dans l’enseignement supérieur?

La raison se trouve tout simplement dans la persistance des stéréotypes sexués. De la crèche à la fin des études supérieures, de multiples influences agissent pour détourner les filles de certaines carrières, dont celles de la technologie et de l’informatique. En effet, les technologies sont considérées comme des disciplines masculines : les hommes seraient dotés d’une aptitude naturelle pour aborder des disciplines scientifiques alors que les femmes et leur aptitude naturelle au dévouement sont parfaites pour des professions à dimension sociale (aide aux personnes etc).

Ces clichés ont la peur dure : on trouve 80% de femmes dans le secteur du travail domestique…

Ainsi, dans les NTIC comme d’autres domaines influents (comme la politique, la finance, etc.), les femmes connaissent une double ségrégation : horizontale (orientées principalement vers d’autres secteurs considérés comme plus ‘féminins’ tout au long de leurs études) et verticale (le fameux plafond de verre, qui les fait stagner aux postes à responsabilité moindre sur le marché du travail).

L’absence ou la faible présence des femmes dans la définition, la conception, la création, le développement, la gestion et le contrôle des NTIC, n’est pas anodine et même préoccupante en terme d’égalité. Développées par des hommes (les ordinateurs et l’Internet, dérivés d’usages militaires, ont été conçus dans des milieux résolument masculins), les NTIC ne prennent pas en considération les pratiques et les besoins des femmes, ce qui crée un désavantage flagrant pour les femmes dans la maîtrise et l’accès à ces technologies. En étant à la tête des médias et entreprises de communication (Internet, téléphone, etc.), les hommes détiennent le pouvoir de sélectionner l’information. Pas étonnant alors de voir la propagation de stéréotypes sexistes dans les médias (la publicité en premier lieu), mais aussi dans les réseaux sociaux virtuels ou les jeux vidéos (l’exemple le plus choquant étant la récente promotion d’un jeu vidéo japonais qui consistait à violer des jeunes filles pour les faire ensuite avorter de force !). Difficile pour les femmes de faire entendre ou voir leurs points de vue ou les sujets qui les préoccupent dans un monde façonné par et pour les hommes.

Dans ces conditions, il est urgent d’inscrire le développement des NTIC dans la perspective d’égalité entre femmes et hommes et de respect des droits humains. Et aussi de considérer l’information comme un droit accessible à toutes et tous et non commercialisable, encore moins cotable en bourse.

Pour que les femmes, tout autant que les hommes, bénéficient des avantages des NTIC, il faut encourager leur participation en soutenant leurs initiatives. De plus en plus, des associations de femmes utilisent activement toutes les possibilités des NTIC, et en particulier l’Internet, permettant ainsi de se faire connaître, de rendre visibles leurs revendications, de mobiliser d’autres femmes pour faire avancer l’égalité, dans la vraie vie comme dans le monde virtuel.

Pierrette PapeMilitante féministe, membre de la Ligue des Droits de l’Homme

Rencontre-débat le 26/2: [NTIC : où sont les femmes ?]

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