Starter de la semaine: Kitchenita, le Netflix de l’horeca
Habitant d’Uccle, Gaspard Hambückers n’a encore que 27 ans, mais a réussi avec deux partenaires à récolter 3 millions $ pour sa start-up Kitchenita qui entend révolutionner le monde des plats préparés et livrés à domicile.
En Amérique latine, impossible de n’y échapper: des centaines de jeunes livreurs sillonnent les rues, une évolution qui n’a fait que se renforcer à la suite de la pandémie de Covid. Au moment du confinement en effet, tous les restaurants ont été contraints de livrer leurs repas via une plateforme de livraison à domicile. “La pandémie a donné un coup de fouet à la livraison de repas à domicile, fait remarquer Gaspard Hambückers. Mais mes partenaires et moi avions déjà lancé Kitchenita en 2019, forte du constat que le marché progresse de 100% par trimestre à l’échelle mondiale.”
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Comment peut-on encore innover fondamentalement dans le système de fourniture de repas préparés? “La plupart des offres est de piètre qualité: des pizzas et hamburgers qui arrivent trop tard, sont trop froids ou présentés dans un emballage guère attrayant. Ceci s’explique par le fait que de tels repas ont été conçus au départ pour être consommés sur place. Or nous imaginons nos repas spécifiquement en fonction de la livraison, de telle sorte que la durée de conservation, la présentation et l’emballage sont prévus dans cette optique. L’aspect innovant réside surtout dans les données que nous commençons à exploiter pour mieux comprendre la demande”, dixit Hambückers.
Raclage de données
Comment le système fonctionne-t-il? “Nous ‘raclons’ les données, poursuit Hambückers. Grâce aux services web d’Amazon, Kitchenita a pu connecter quelque 17.000 agents conversationnels à notre système Darwin, lesquels scannent quotidiennement les plateformes de sociétés de livraison comme Rappi [l’Ubereats local, NDLR]. Ce faisant, nous pouvons voir par exemple quels sont les restaurants figurant en haut de la liste avec quels menus et à quels prix. Et au niveau de la demande, nos ‘bots’ analysent le nombre de critiques qui sont laissées. Nous savons qu’environ 17% des achats débouchent sur une critique, ce qui nous permet d’évaluer les achats. Et en croisant les données, nous sommes en mesure de savoir que dans une certaine zone, il existe un marché pour un type particulier de restaurant, après quoi nous créons une marque, par exemple une cuisine mexicaine.”
Mais de telles marques ne sont finalement toutes une réussite? “Evidemment pas, confesse Hambückers. Ces dernières années, nous avons fermé pas moins de 35 restaurants virtuels. Cela étant, la moitié de nos marques a un rapport avec une alimentation saine ou des plats végétariens. Manifestement, il s’agissait là du vide le plus important sur le marché.”
Les partenaires de Hambückers (COO) sont le Français Alex Boccara (CEO) et l’Argentin Leonardo Lucianna (CTO). Lucianna est professeur en ‘data mining’ à l’Université de Buenos Aires (UBA) et a remporté le prestigieux Data Challenge de Mercado Libre (l’eBay sud-américain).
Manifestement, les investisseurs ont été séduits par le plan d’affaires de la ‘foodtech’ puisqu’au terme d’un apport initial de capitaux de 500.000 $, les trois partenaires sont parvenus récemment à récolter 3 millions $ auprès de fonds d’investissement comme FJ Labs (Uber et Alibaba) et Newtopia (de Mercado Libre). L’entreprise emploie désormais 65 collaborateurs et prévoit d’atteindre cette année les 5 millions $. “Cette année, nous allons nous étendre au Chili, en Colombie, au Pérou, au Mexique et en Espagne. Le plan prévoit de récolter de nouveaux fonds lors d’un prochain tour de table financier d’ici 15 mois afin d’attaquer les marchés américain et brésilien. “Et la Belgique?” “S’il ne tenait qu’à moi, avec grand plaisir”, répond-il.
Hambückers, fils d’un couple mixte néerlando-bruxellois, est parti très jeune à la conquête du monde. A 20 ans, il débarquait chez le grand négociant en céréales argentin Bunge. Pourquoi l’Amérique latine? “Il y a 500 millions de Sud-Américains qui doivent se nourrir trois fois par jour. Bref, il existe un marché énorme, c’est le moins que l’on puisse dire. L’Argentine n’est toutefois pas un marché aisé à aborder. Le régime fiscal y est particulièrement complexe et du fait de l’inflation élevée, les bénéfices fondent rapidement. Par ailleurs, le pays regorge de personnes créatives et la concurrence est faible. Nous sommes dans le pays le seul ‘foodlab’, alors qu’à Santiago et à Mexico, d’autres acteurs sont également présents.”
Cuisines externalisées
Outre la recherche de niches inexplorées sur le marché des fournisseurs, Kitchenita innove également sur un autre plan puisque les repas sont en grande partie réalisés dans des cuisines en franchise, dans la droite ligne des stratégies d’Uber et d’Airbnb qui externalisent leur activité et prélèvent une commission.
“Investir dans des cuisines et du personnel se révèle coûteux. Nous avons mené une étude qui a démontré qu’en Amérique latine, 2 millions de cuisines travaillent en sous-capacité. Nous avons donc recherché des surfaces inutilisées. C’est ainsi que la chaîne de bières artisanales Antares commercialise désormais nos ’empanadas’ [chaussons fourrés, NDLR]. Lorsqu’une commande est passée dans un rayon de 1,5 km d’un point de vente Antares, le produit est enfourné dans un four d’Antares avant d’être expédié au client. Mais les clients d’Antares ne peuvent pas commander de chaussons.”
Kitchenita est une entreprise de données. Pourquoi commercialiser des plats et non pas des meubles par exemple? “J’ai personnellement toujours aimé la nourriture et le projet revêt une dimension gastronomique, sourit Hambückers. Cela dit, un plat à emporter n’offre jamais la même expérience qu’un repas dans un vrai restaurant. C’est pourquoi je ne considère pas Kitchenita comme un concurrent direct des restaurants. Nous nous positionnons plutôt comme le Netflix de l’horeca, qui existe à côté de l’industrie cinématographique et permet une expérience audiovisuelle individuelle à domicile.”
Comme d’autres entreprises technologiques, Kitchenita cherche à exploiter les données et informations des utilisateurs. Mais Hambückers insiste sur sa volonté de faire profiter ses clients de ces informations. “En fait, on peut s’étonner qu’à l’heure où Richard Branson organise des voyages vers la lune, on ne sache pas ce qu’il y a dans notre assiette. Qui a cultivé les pommes de terre, de quel animal provient la viande, etc. Nous entendons fournir de telles informations à nos clients pour qu’ils sachent exactement ce qu’ils mangent.”
Faut-il y voir le prochain argument de vente qui permettra à Kitchenita de se profiler sur un marché particulièrement concurrentiel et dynamique?
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