“Quiconque veut recueillir de l’argent aux Etats-Unis, doit de toute façon rejoindre la Silicon Valley”

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

“Les capital-risqueurs américains veulent se trouver à moins d’une heure de distance de leurs investissements. C’est là une réalité dont nombre d’Européens n’ont pas bien conscience dans leur quête de capital. Quiconque veut récolter de l’argent aux Etats-Unis, doit donc être prêt à déménager son siège central dans la Silicon Valley.”

“Les capital-risqueurs américains veulent se trouver à moins d’une heure de distance de leurs investissements. C’est là une réalité dont nombre d’Européens n’ont pas bien conscience dans leur quête de capital. Quiconque veut récolter de l’argent aux Etats-Unis, doit donc être prêt à déménager son siège central dans la Silicon Valley.” L’homme qui parle, c’est le ‘business angel’ Cedric Donk, qui a participé il y a un mois à la mission économique avec Software in Brussels et Brussels Invest & Export dans la Silicon Valley: “Lorsqu’on déambule quelques jours durant à et aux environs de San Franscisco, l’on écarquille quand même les yeux. Tant de manière positive que négative.”

“Ce qui étonne aussitôt, c’est qu’à Silicon Valley, énormément de personnes et d’organisations actives sont prêtes à aider les starters. Cela ne se voit pas en Europe ou à tout le moins pas à une telle échelle. Il est très clair aussi que l’on ne trouvera pas en Californie d’argent à investir en Belgique, voire en Europe. Il faut donc vraiment être prêt à se rendre sur place et à déménager le siège de son entreprise. Je ne m’en rendais pas encore très bien compte, avant que je m’y rende en personne. Je pensais en fait qu’il suffisait de donner un peu de visibilité à des histoires à succès européennes dans la Valley.”

Donk investit surtout dans des entreprises internet et a déjà récolté du seed capital (capital d’amorçage) pour le spécialiste en marketing mobile Mobilosoft, pour le fournisseur de ‘search engine marketing’ Blue2Purple et pour la petite entreprise de gestion de documents Telio. Fort de cette expérience, il a aussi des remarques à formuler à propos de la culture courante à San Francisco.

“Je me demande encore et toujours si c’est une bonne stratégie que d’attribuer des millions de dollars de capital de départ à un vendeur si bon soit-il sur base de quelques diapositives. Car aux Etats-Unis aussi, les chances de réussite des starters ne s’élèvent qu’à cinq à dix pour cent maximum. De récentes études indiquent du reste que moindre est le capital de départ, plus les chances de succès sont grandes cinq ans plus tard. Pourquoi? Si vous avez moins de capital en banque, vous allez corriger le tir plus rapidement, alors que si vous nagez dans l’argent, vous pataugerez plus longtemps.”

“J’ai aussi des doutes concernant ces jeunots qui reçoivent soudainement quelques millions sur leur compte, mais qui n’y connaissent rien en gestion. Diriger une entreprise à deux, c’est bien différent que de gérer une entreprise de 20 ou 50 collaborateurs. Ils sont rares ceux qui peuvent y arriver du jour au lendemain. Voilà pourquoi il convient d’attirer un CEO professionnel le plus rapidement possible. Ce faisant, les créateurs de l’entreprise peuvent continuer de travailler dans le calme à leur produit.”

La plupart des grandes entreprises internet viennent des Etats-Unis. C’est que le système y a donc dû faire ses preuves.

Cedric Donk: “Absolument, et cela en grande partie grâce à l’écosystème. Si un entrepreneur rencontre le succès à Silicon Valley, il réinvestit son argent dans le secteur. C’est nettement moins le cas en Belgique ou en Europe. Aux Etats-Unis, l’on prend énormément de risques, mais le système fonctionne bien, dans un certain sens. Cela est aussi dû au fait que le marché est très vaste. Si vous avez du succès aux Etats-Unis, c’est parti. En Europe, le succès est davantage fragmentaire, et les entreprises doivent chaque fois faire leurs preuves en passant d’un pays à l’autre.”

“De plus, il existe aux Etats-Unis beaucoup de portes de sortie plus intéressantes qu’en Europe. Vous pouvez très bien y financer une entreprise qui accumule les pertes, parce qu’il y a la possibilité bien réelle que vous soyez quand même absorbé par un gros poisson, ce qui est une belle porte de sortie. C’est aujourd’hui impossible dans nos régions. Fin des années ’90, c’était peut-être encore tout juste possible, mais plus du tout maintenant.”

Conseillez-vous aux entreprises de déménager aux Etats-Unis? Donk: “Cela dépend. Une première condition, c’est que le produit soit évolutif. Secundo, la direction doit être prête à faire le pas. S’il y a une chose que nous avons apprise lors de la mission dans la Silicon Valley, c’est que les starters européens doivent quasiment devenir des entreprises américaines pour s’y ancrer.”

“Un tel choix bouleverse toute votre vie, je ne dois pas vous faire un dessin. Car si vous déménagez, il est alors très difficile d’entretenir encore un lien étroit avec vos contacts en Belgique. Ne serait-ce qu’à cause du décalage horaire de 9 heures.”

“Ce qui est par contre intéressant, c’est que les développeurs européens restent très bien cotés. Radionomy et Twitspark se sont ainsi installées dans la Valley, mais continuent de travailler avec des développeurs européens. En partie parce que les développeurs sont ici très chers, mais en partie aussi parce que nos développeurs européens sont de qualité.”

“C’est aussi une façon de travailler. Vous déménagez tout ce qui concerne le commercial et le stratégique aux Etats-Unis et vous laissez le coeur de votre entreprise et le développement en Europe.”

Les idées des starters actifs à San Francisco sont-elles meilleures que celles des starters en Belgique? Donk: “Je ne trouve pas. 200 startups environ fonctionnent au sein du Rocket Space, une organisation de type BetaGroup au coeur de San Francisco. Mais nous avons été sur place, et je peux dire avec certitude que les idées ou les technologies n’y sont pas meilleures ou plus matures qu’en Europe. Du reste, l’on y remarque aussi que le modèle commercial fait encore souvent défaut. Cela ne fait donc pas la différence.”

“Ce qui est par contre nettement mieux ici, c’est la manière d’expliquer, de se vendre. La confiance en soi qui habite les entrepreneurs de la Silicon Valley est infiniment plus grande que celle de nos entrepreneurs. C’est surtout là que se situe la différence.”

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