De Halleux: “J’aurais dû venir plus tôt aux Etats-Unis”

Frederik Tibau est rédacteur chez Data News.

Interrogé à propos de la plus grande erreur de son parcours, l’entrepreneur internet belge Sébastien de Halleux affirme qu’il a trop longtemps postposé son déménagement aux Etats-Unis: “Il faut voir assez grand dès le début.”

Interrogé à propos de la plus grande erreur de son parcours, l’entrepreneur internet belge Sébastien de Halleux affirme qu’il a trop longtemps postposé son déménagement aux Etats-Unis: “Il faut voir assez grand dès le début.” Lorsque quelqu’un comme Sébastien de Halleux (e.a. Playfish) parle, on l’écoute. Il n’en a pas été autrement lors de la conférence qu’il a tenue à l’attention des Belges qui découvrent Silicon Valley grâce à Brussels Invest & Export.

Entrepreneur pur-sang et Belge par excellence, de Halleux a à peine 35 ans, mais peut déjà se targuer d’une carrière incroyable. Tout jeune, il vendait déjà de la limonade à des touristes assoiffés à Waterloo, mais ce n’est qu’après ses études d’ingénieur à Londres que les choses s’accélèrent vraiment pour lui. En 2003, il lance avec quelques amis Macrospace, une startup qui développe des jeux pour GSM. Il n’était pas encore question d’applis à l’époque.

En 2007, Macrospace fusionne avec l’américaine Sorrent pour former Gluu Mobile. Il en tire 19 millions de dollars. Pourtant, Halleux n’est pas encore tout à fait content. Un peu plus tard, il quitte Gluu Mobile, pour créer Playfish, une startup qui se spécialise dans les jeux mobiles entre amis et avec la famille. Son premier jeu, ‘Who Has the Biggest Brain?’, réussit très vite à convaincre 100.000 joueurs.

Ce n’est toutefois qu’au moment où de Halleux gagne Silicon Valley que Playfish perce complètement. En très peu de temps, la petite entreprise parvient à fournir des jeux à Facebook, MySpace, ainsi que pour iOS et Android. Cela ne passe pas inaperçu, puisqu’en 2009, Electronic Arts rachète Playfish pour pas moins de 400 millions de dollars.

“Si j’ai un regret, c’est de ne pas être venu plus rapidement aux Etats-Unis”, avoue l’entrepreneur à la délégation belge. “J’ai débuté avec Playfish à Londres, puis j’ai gagné Singapour, mais comme nous n’étions pas présents à Silicon Valley, c’était très difficile de récolter de l’argent. Alors qu’un des grands concurrents américains – qui créait du reste de piètres jeux (rire) – a réussi à commencer aussitôt à travailler avec les grands opérateurs télécoms. Je me demande encore et toujours pourquoi j’ai attendu si longtemps pour déménager jusqu’ici. Je ne voyais assurément pas assez grand au début.”

Sensé

Sébastien de Halleux insiste sur le fait qu’il faut développer son activité là où c’est le plus sensé. Et si l’on est actif dans les jeux, le social ou le software, c’est dans la plupart des cas encore et toujours aux Etats-Unis. A la question de savoir si cela aurait été possible d’atteindre une telle taille avec Playfish en Belgique, sa réponse est un NON catégorique.

“Rien que le droit du travail aurait constitué un problème dans notre pays”, poursuit de Halleux. “En effet, si des collaborateurs ne conviennent pas, il faut pouvoir les licencier immédiatement sans devoir y consacrer trop d’argent. Cela peut paraître dur, mais c’est ainsi. En outre, il faut pouvoir attirer le meilleur personnel possible, si l’on veut être fructueux. Il n’y a alors rien d’autre à faire que de se rendre à Londres ou à Silicon Vally, où tout le monde parle l’anglais. La crème internationale, on ne la trouve pas à Bruxelles.”

“Je le répète: il convient d’être actif là où se trouve le marché visé. Si l’on parle de jeux ou de social, c’est encore et toujours les Etats-Unis. Ce qui ne signifie pas que l’on ne fait pas appel à de bons programmeurs de Chine ou d’Europe de l’Est. Bien sûr que si. Y ouvrir un bureau, c’est certainement une idée sensée, parce que l’on peut ainsi économiser pas mal d’argent.”

Quand on lui parle de l’évolution du marché des jeux qui est quand même aussi en crise, de Halleux répond qu’il soupçonne l’arrivée d’une grande vague de consolidation: “Quelques acteurs en vue subsisteront à coup sûr, dont Electronic Arts et Activision. Le reste fera quelque chose d’autre. L’on voit dès à présent que pas mal de talent gagne le cinéma. C’est là que des choses intéressantes se passent aujourd’hui: pensez à des plates-formes comme Hulu ou Netflix. Par ailleurs, il restera toujours un marché pour les bons jeux. Il ne faut pas oublier qu’il n’y a jamais eu plus de joueurs qu’actuellement.”

Conseils

Pour terminer, de Halleux a encore prodigué quelques conseils à la délégation belge: “Tout commence avec des gens compétents. Si vous voulez démarrer une entreprise, entourez-vous d’une solide équipe avec qui vous avez de bonnes relations. Vous passerez en effet plus de temps avec ces gens qu’avec votre épouse et vos enfants.”

“Définissez aussi votre passion et cernez un problème précis. Lancez ensuite des solutions capables de changer le monde, plutôt qu’uniquement votre entourage. Et internationalisez-vous vite. Débutez par une seule solution au lieu de trois et posez-vous la question de savoir si votre application résout véritablement le problème. Does anybody care? Les gens vont-ils accepter de payer pour acquérir votre solution? Et celle-ci est-elle évolutive?”

Pour expliquer le succès de Playfish, de Halleux a approfondi 4 éléments importants.

– La petite entreprise a lancé quelque chose de neuf, à savoir des jeux entre amis et avec la famille via les réseaux sociaux.

– Les frais de distribution ont été réduits à zéro car les jeux se sont propagés de manière virale avec l’aide des amis.

– Les coûts de développement ont été maintenus le plus bas possible: un département IT a été supprimé au profit du nuage Amazon.

– La question de monnayer les jeux a été résolue grâce à l’introduction de la Playfish Virtual Currency, une unité monétaire permettant d’effectuer de petits achats dans le contexte des jeux.

Par ailleurs, Sébastien s’occupe aujourd’hui moins de jeux (même s’il prépare avec Togetr une nouvelle startup axée sur le thème ‘jouons ensemble’). D’autres nouveaux projets ont une plus-value sociale, comme Vittana, une plate-forme ONG via laquelle des personnes peuvent aider de pauvres étudiants du tiers-monde, ainsi que SamaSource, une autre plate-forme ONG qui propose du travail basé sur l’ordinateur à des gens de pays pauvres caractérisés par un taux de chômage élevé.

En outre, de Halleux investit aussi dans des initiatives belges, telles Twitspark de Davy Kestens ou Storify de Xavier Damman.

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