Le secteur industriel est avide d’intelligence artificielle. Or pour générer cette IA, il faut d’énormes quantités d’énergie et d’eau. Schneider Electric, producteur de solutions énergétiques pour les centres de données notamment, souhaite également lui donner une dimension plus écologique.
Le centre de données du futur nécessitera beaucoup d’énergie, selon Steven Carlini, chief advocate AI & Data Center et VP de Schneider Electric, lors de l’Innovation Summit de l’entreprise à Copenhague: ‘La situation a évolué à une vitesse incroyable. L’année dernière, nous pensions que les projets d’un gigawatt étaient ambitieux, mais Meta construit désormais des centres de données de 5 gigawatts.’
L’entreprise française Schneider, qui fabrique notamment des systèmes de refroidissement et d’énergie pour les centres de données, y voit du potentiel. ‘L’industrie évolue très rapidement. Chaque année, les serveurs et la puissance de calcul se rapprochent de plus en plus. Nvidia, par exemple, souhaite atteindre 1 MW par armoire d’ici 2028. Cela nécessite une infrastructure entièrement nouvelle’, précise Carlini.
‘AI factories’
Pour cette infrastructure, l’entreprise va collaborer étroitement avec Nvidia, ce dont les Français ne sont pas peu fiers. Tandis que Nvidia conçoit la prochaine génération de serveurs de données, Schneider Electric coopérera sur des concepts de référence en matière de refroidissement et d’énergie, par exemple, afin de garantir une puissance d’1 mégawatt par armoire. Tout cela sera regroupé dans ce que ces entreprises appellent des ‘AI factories’, à savoir des centres de données spécialisés dans les calculs d’IA.
‘L’IA sera la prochaine ressource industrielle’, a déclaré Pankaj Sharma, EVP Secure Power, Datacenter & Global Services de Secure Power, Datacenter et Global Services, lors de son discours d’ouverture. ‘Cela générera une demande insatiable en AI factories. Celles-ci produiront des jetons, et il en faudra toujours plus.’ Un jeton (‘token’) représentera l’unité de donnée que l’intelligence artificielle devra traiter pour, par exemple, écrire du texte, rechercher des réponses ou générer des images.
Et on en revient donc au besoin d’énergie. ‘Une gigawatt factory de Nvidia consommera autant d’énergie que la ville de Berlin’, a expliqué Sharma. ‘Comment rendre cela plus efficient?’ La course actuelle consiste à construire des machines capables de générer des jetons toujours plus rapidement (et plus efficacement).
‘Chez Nvidia, nous ne nous contentons pas de produire des GPU, mais nous fabriquons également sept puces différentes équipant une telle AI factory. Cela comprend également les processeurs, les puces réseau et autres’, selon Carlo Ruiz, VP Enterprise Solutions & Operations chez Nvidia EMEA. ‘Notre objectif principal sera d’amplifier la densité. Ainsi, l’efficience augmentera.’ Selon Nvidia, une telle AI factory sera l’un des moyens les plus économes en énergie pour produire de la puissance de calcul. ‘L’énergie par jeton a été réduite à 0,4 joule grâce à Blackwell (l’une des nouvelles architectures de Nvidia, ndlr)’, a ajouté Ruiz.
Changement climatique
‘Le changement climatique est un problème que nous devons affronter collectivement’, a précisé Olivier Blum, CEO de Schneider Electric, lors de son discours d’ouverture à l’Innovation Summit. ‘Notre entreprise’, a-t-il ajouté, ‘s’efforce déjà de rendre la transition énergétique neutre en carbone. Nous ne sommes pas des politiciens, nous sommes des gens pragmatiques, mais chaque jour, nous voyons davantage d’entreprises s’engager à réduire leurs émissions de CO2.’

La position adoptée par Schneider nous semble quelque peu étrange. Les émissions et le changement climatique suscitent en effet des inquiétudes, mais l’entreprise souhaite avant tout y consacrer davantage d’énergie et d’IA. ‘Les centres de données représentent actuellement 1,5 pour cent de la consommation mondiale d’électricité’, a expliqué Sharma. ‘Ce chiffre devrait doubler d’ici 2030. Mais en soi, c’est une victoire de voir que ce chiffre ne fera que ‘doubler’. L’intelligence générée par les centres de données garantit également une utilisation plus efficiente de celle-ci. Pensez à l’IA qui gère le refroidissement et l’énergie pour réduire la consommation d’électricité.’
Électrification
‘La demande énergétique de l’IA augmente à chaque génération’, a encore ajouté Olivier Blum. ‘Notre conviction fondamentale est que tout ce qui est important, fonctionne à l’énergie. L’énergie transforme chaque aspect de notre vie, tant au niveau des infrastructures qu’à celui des personnes. C’est pourquoi nous voulons électrifier, automatiser et numériser chaque industrie.’
Si l’électrification est la solution au problème climatique, on suppose naturellement que l’électricité proviendra en grande partie de sources renouvelables. Et malgré une forte utilisation mondiale de panneaux solaires, d’énergie éolienne, etc., on en est encore loin. Dans certaines régions, comme aux Etats-Unis, on semble même régresser et en revenir à des projets exploitant le charbon.
‘Je pense que le besoin croissant d’électricité a relancé certaines de ces centrales à combustible fossile’, a déclaré Steven Carlini à Data News. ‘Mais de nombreux projets exploitant l’énergie renouvelable seront encore en cours de développement dans les années à venir. Je me suis récemment entretenu avec le responsable de la stratégie énergétique de l’état de New York. Rien que dans cet état, 80 projets de production d’énergie éolienne et solaire sont prévus. Certaines régions en reviennent certes aux combustibles fossiles, mais à long terme, on recourra toujours plus aux énergies renouvelables. On pourrait y voir un recul sur la voie de la neutralité carbone, même si cette voie reste encore et toujours d’actualité.’