Miles Ahead: «Nous ne cautionnons pas le modèle ‘spray and pay’»

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Els Bellens

Un nouveau fonds de capital-risque ciblant le développement de sociétés deep tech: tel est en somme le concept prôné par la belge Miles Ahead.

S’il faut l’en croire, Miles Ahead entend mettre l’accent sur le deep tech et l’IA. Il s’agit en l’occurrence surtout d’entreprises qui proposent des technologies totalement nouvelles ou des méthodes originales pour déployer des technologies plus anciennes. «Il existe certainement un terreau fertile pour ce genre d’initiative, estime Maarten Mortier, CTO de Miles Ahead. Dans ce type d’entreprises, le risque d’entreprenariat se situe au niveau de la technologie. Elles ne proposent pas un produit déjà connu du public. L’accent est donc mis tant sur le développement que sur le modèle de commercialisation.» Mortier, qui fut en son temps CTO de In The Pocket et de Showpad, a rejoint chez Miles Ahead plusieurs figures connues du secteur. L’organisation a été mise sur pied par Wim De Waele (ex-iMinds) et Luc Burgelman (cofondateur de Porthus). De même, Alain De Taeye (fondateur de Tele-Atlas) et Frederik Lebeer (ex-Bain Consulting et d’Ieteren automotive) sont montés à bord de ce qui est à mi-chemin entre un incubateur et un fonds de capital-risque. L’entreprise parle d’ailleurs de ‘modèle de studio’.

De nombreux investisseurs considèrent avoir découvert l’arme fatale ou encore la recette du succès, mais cela ne fonctionne pas ainsi.

Studio

«Nous ne parlons pas d’un modèle ‘spray and pray’ où l’on investit dans de nombreuses start-up en espérant en retirer quelque chose, précise Mortier pour expliquer son modèle. Nous sommes moins intéressés par les volumes, mais plutôt à travailler avec des entreprises débutantes, avec des personnes qui ont de nouvelles idées pour les aider à les concrétiser. Au début, on a souvent besoin d’une personne qui ne fait pas partie de l’entreprise, mais qui l’accompagne et peut prodiguer des conseils au niveau des angles d’attaque, des pistes ou tout autre défi. Nous constatons que cela donne un regain d’énergie et que ces concepts de studio de start-up se traduisent souvent par des réussites.»

«C’est pratiquement le contraire d’un incubateur, ajoute Luc Burgelman, partenaire fondateur de Miles Ahead. Au lieu de prendre de petites participations dans un grand nombre d’entreprises, nous faisons l’inverse: nous procédons à 4 investissements par an et prenons une participation nettement plus importante dans ces entreprises.»

Deux ans après la fondation de Miles Ahead, quatre investissements ont effectivement été réalisés. Parmi les entreprises figurant dans son portefeuille, citons TalentGuide, un outil RH destiné à la mobilité interne des collaborateurs, ainsi que MyGamePlan, qui traite les données et images de football pour les proposer aux entraîneurs et joueurs. Par ailleurs, on trouve Leadcamp, une solution d’automatisation des processus de marketing et de vente pour permettre aux vendeurs de consacrer davantage de temps à leur cœur de métier, ainsi que Sealution, une plateforme IA d’analyse des communications et des données à bord de navires. «Le studio a débuté en 2022 et fin de l’année dernière, nous avons finalisé notre premier closing», précise encore Burgelman. Lors du premier tour de table, 6 millions d’euros ont été récoltés. Dans le cadre du 2e tour de table actuellement en cours, Miles Ahead espère collecter jusqu’à 35 millions d’euros. «Notre ambition est désormais de concrétiser 4 projets par an sur une période de 5 années consécutives. Nous nous engageons par ailleurs à réaliser dès le premier jour un investissement substantiel, soit un demi-million ou plus, ce qui est plus que les business angels ou les incubateurs. Et ces entreprises seront encadrées durant 12 à 18 mois dans notre studio, avec éventuellement des investissements de suivi.»

Expérience

Chacun des fondateurs et collaborateurs possède déjà une expérience des start-up et de l’entreprenariat, des acquis qu’ils espèrent transmettre aux jeunes pousses. «Une recette de succès ne s’applique pas d’un coup de baguette magique, considère Mortier. Mais cela aide d’être conscient de certains problèmes récurrents. Cela donne plus de sérénité. Nous pouvons expliquer aux fondateurs que ce qu’ils vivent a déjà été vécu.»

«De nombreux investisseurs considèrent avoir découvert l’arme fatale ou encore la recette du succès, mais cela ne fonctionne pas ainsi, ajoute encore Burgelman. En fait, les entreprises traversent souvent les mêmes phases et ont tendance à reproduire les mêmes erreurs. Grâce à notre expérience, il est possible de réduire la phase initiale du lancement d’une activité. En outre, le fait de mettre plus de fonds à disposition est un atout dans la mesure où les fondateurs ont souvent des moyens financiers limités et doivent rechercher du financement pour payer leurs employés. C’est ce souci que nous leur enlevons pour leur permettre de faire d’autres choses, notamment s’assurer que le produit est prêt à être commercialisé. Certaines entreprises mettent parfois deux ans avant de finaliser la mise au point de leur offre. Nous entendons réduire ce délai, ce qui augmente les chances de succès.»

Diversité

Cela étant, l’on ne retrouve pas chez les fondateurs de talents féminins. «Nous en sommes conscients, reconnaît Burgelman. «Béatrice de Mahieu [CEO de BeCode, NDLR] est membre du comité d’investissement et nous sommes en train de recruter dans une optique de diversité. C’est une réalité que la techno est un monde d’hommes, même si plusieurs de nos start-up ont réussi à promouvoir davantage la diversité, tant au niveau du genre que de la nationalité. Il s’agit là certainement d’un point d’attention.»

Sur le plan économique, le moment est bien choisi pour lancer une activité.

Miles Ahead insiste par ailleurs sur ses critères d’investissement qui intègrent notamment des dispositions en matière d’écologie, de durabilité et de non-biaisage. «Pas question pour nous d’être une partie du problème, insiste Mortier. Parmi les VC, le ratio de femmes est nettement inférieur et il est difficile de s’attaquer au problème, mais nous nous y efforçons, notamment en prévoyant davantage de critères de diversité dans les start-up que nous encadrons.» Burgelman cite ainsi l’exemple de TalentGuide, l’outil RH de mobilité interne dans les entreprises qui ne prend pas en compte les titres, mais les contenus des tâches. «Pas mal d’entreprises ne connaissent pas vraiment leurs collaborateurs, note Burgelman. Elles ne savent pas quelles sont leurs capacités de leurs employés et pour bénéficier d’une promotion, il faut souvent aller voir ailleurs.» En se concentrant davantage sur les tâches spécifiques de chaque collaborateur, l’entreprise peut plus facilement trouver le profil adéquat pour une tâche interne et assurer une promotion interne, indépendamment de la personne proprement dite.

Economie

Le venture studio vient à peine de démarrer ses activités qu’il est confronté à une situation économie délicate à l’échelle mondiale. Dans la Silicon Valley, les fonds de capitaux-risques se montrent désormais prudents, même si Burgelman ne s’inquiète pas outre-mesure. «Sur le plan économique, le moment est bien choisi pour lancer une activité, estime-t-il. C’est une période difficile pour les tours de table financiers, mais il faut compter de 2 à 3 ans avant de passer d’une augmentation de capital A à B, et la courbe devrait se redresser. La Belgique représente également un pays intéressant pour les start-up technologiques, avec en outre l’avantage qu’il faut pratiquement se lancer d’emblée à l’échelle internationale. Car désormais, il faut afficher des ambitions globales.»

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